Une première depuis… le Masters 2017
Le Japon a marqué de son empreinte les deux premiers jours de ce « Master » chinois. Quatre catégories masculines (mais pas de -66kg engagé) : deux médailles d’or. Cinq catégories féminines, (mais pas de -48kg engagée) : deux médailles d’or. Une supériorité qui n’est pas un long fleuve tranquille, mais qui est obtenue dans certaines catégories sans les leaders — comme le -81kg Nagase, ou les deux rivaux Abe et Maruyama en -66kg, ou encore Shohei Ono en -73kg — et face à une opposition solide et volontaire pour attraper les précieux points distribués, quasiment l’équivalent d’un championnat du monde (1800 points pour la victoire, 2000 pour un titre mondial).
Deux médailles d’or féminines, une bonne moyenne, face à la plupart de leurs plus fortes rivales, et en particulier les Françaises, qui, malgré la présence de nos meilleures combattantes, Amandine Buchard, Clarisse Agbegnenou, ou encore Marie-Eve Gahié. Les féminines françaises réussissent un joli parcours global, accumulant les médailles… mais échouant pour l’instant systématiquement à prendre le titre.
Clément toujours présente
La première à faire bonne impression : Mélanie Clément en -48kg. Tandis que sa rivale Mélodie Vaugarny subissait au second tour l’impact de la petite Kazakhstanaise Galbadrakh et son terrible ura-nage, la titulaire en équipe de France profitait d’un tableau accessible pour passer deux tours, avant d’échouer de façon un peu inattendue face à Narantsetseg Ganbaatar, médaillée mondiale junior 2015, 33e mondiale, une gauchère puissante et dangereuse par ses sutemi, et qui se sent pousser des ailes avec l’affaiblissement progressif de la grande Urantsetseg Munkhbat. C’est d’ailleurs dans la seconde partie de son tournoi, et en dominant — après la dangereuse Espagnole Julia Figueroa aux pénalités — la leader mongole pour la place de trois sur un ko-soto-gake / kata-guruma au timing parfait, que Mélanie Clément prouvait une nouvelle fois qu’elle était clairement désormais une « outsider » crédible pour une grande médaille. En l’absence des Japonaises et de l’Ukrainienne Bilodid, c’est la Kosovare Krasniqi qui affirmait son autorité de plus en plus forte sur cette catégorie. La médaille olympique est à portée pour elle.
Shishime écarte Buchard et Gneto
Amandine Buchard restait sur un exploit majeur : sa victoire à Osaka sur l’invaincue (depuis 2016) Uta Abe. En son absence, on pouvait espérer que cette formidable mécanique à projeter sur kata-guruma (mais pas que, elle alterne de plus en plus souvent avec des gardes dominantes et des techniques de hanche) allait enregistrer un nouveau succès. C’était sans compter avec la n°2 japonaise, Ai Shishime, qui finissait par la contrer après plus de six minutes de golden score en finale. Quatre combats entre ces deux là, une seule victoire pour Buchard… Championne du monde 2017, médaillée en 2018 et 2019, cette combattante joue son va-tout pour tenter encore de passer devant la petite sœur. Cette victoire va compter. Et si aucun membre de la famille Abe ne faisait les Jeux ?
Super parcours aussi d’Astride Gneto en -57kg, qui elle aussi subissait la loi d’Ai Shishime (splendide uchi-mata à partir d’un accrochage du mollet), mais parvenait à battre la Roumaine Chitu et surtout l’Italienne Giuffrida pour le bronze aux pénalités.
Kim Jin A, épouvantail nord-coréen(ne)
Sarah-Léonie Cysique commençait fort son parcours en -57kg en sortant d’entrée la Mongole Sumiya Dorjsuren, troisième à Osaka en novembre, sur un fougueux o-soto-otoshi parti de loin. Elle retrouvait au troisième tour celle qu’il l’avait battue en finale du Grand Chelem d’Abou Dhabi, la Coréenne du Nord Kim Jin A et s’inclinait à nouveau… laissant cette Coréenne traverser la catégorie en s’offrant notamment la médaille d’or d’Osaka, la Japonaise Momo Tamaoki en finale, laquelle avait écarté pour la seconde fois de suite la triple finaliste des championnats du monde (en or en 2018), Tsukasa Yoshida. La jeune Cysique n’allait pas plus loin, battue à nouveau en repêchages par la très dangereuse Canadienne Klimkait. Quant à Kim Jin A, championne d’Asie en titre, elle n’a toujours pas perdu en 2019.
Nabekura use Clarisse
On attendait bien sûr les -63kg et le nouvel épisode du grand duel de la catégorie depuis deux ans : la Française Agbegnenou, triple championne du monde de l’olympiade en 2017, 2018 et 2019, et celle qui est devenue sa meilleure rivale, la Japonaise Miku Tashiro. L’affrontement n’eut pas lieu. Car si la Française était au rendez-vous de la finale, en battant en demi la Japonaise Masako Doi sur ura-nage, Miku Tashiro était débarquée par Nami Nabekura, 22 ans, championne du monde junior 2015, la grande gagnante du jour. Pour la première fois, cette jeune prétendante dominait non seulement la Slovène Trstenjak — superbe de-ashi-barai — contre laquelle elle restait sur deux défaites, mais aussi la n°1 japonaise Miku Tashiro — ippon sur un joli uchi-mata sukashi – qu’elle n’avait encore jamais battue. Enfin, cerise sur le gâteau — et quelle cerise ! — elle se « paye » la grande Agbegnenou en finale. Un combat globalement dominé par la Française, et qui se termine sur un waza-ari sur seoi-nage vraiment tiré par les cheveux, mais où la Japonaise se montrait volontaire pour un affrontement franc, en droitière solide et dangereuse par ses techniques de jambe, ko-soto-gari, de-ashi-barai… toujours capable d’assumer un corps à corps. Une vraie proposition qui finissait par user la championne moins concentrée que sur les très grands moments… Une nouvelle venue qui pourrait elle aussi faire bouger les lignes. Quant à l’échec de Clarisse Agbegnenou il n’est pas plus significatif que cela. Ce n’est pas à Quingdao qu’il faut monter sur ses grands chevaux.
Gahié perd et gagne
Il nous restait une championne du monde en titre : Marie-Eve Gahié en -70kg, toujours flanquée de sa n°2 opiniâtre et talentueuse, Margaux Pinot. Au soir de la compétition, le bilan est mitigée pour Gahié, puisqu’elle laisse revenir en confiance sa rivale japonaise Chizuru Arai, qui finissait par la projeter pour waza-ari sur un beau uchi-mata dans un combat très disputé. En revanche elle prend en confrontation directe pour la place de trois sa rivale française Pinot et le combat fut à sens unique. En trois reprises efficaces à la garde et dans sa posture, elle se débarrassait de la redoutable Pinot sur un autoritaire mouvement de hanche en o-soto-gari / harai-goshi. Somme toute, une bonne journée pour Marie-Eve Gahié qui se voit confirmée dans la rampe de lancement pour les Jeux et comme une rivale dangereuse de la Japonaise chez elle… Une Japonaise qui n’engrange pas tant de confiance que ça d’ailleurs : elle est en effet battue par la Néerlandaise Sanne Van Dijke en demi-finale sur un joli ashi-guruma tout en toucher dès la premier reprise de garde. Mais c’est la grande Kim Polling qui tirait finalement les marrons du feu en finale après avoir sorti Margaux Pinot en demi sur un violent harai-goshi à gauche. Elle projette Sanne Van Dijke sur deux attaques d’épaule précises et impressionne par sa puissance, son rythme retrouvé, son agressivité et sa polyvalence technique. La grande Polling, victorieuse du Grand Chelem d’Abou Dhabi et finaliste de celui d’Osaka en octobre et novembre, revient au bon moment.
Les tricolores ne marquent pas (les esprits)
Deux finalistes, cinq médailles, la performance des féminines françaises était globalement remarquable. Les garçons restaient bien en deça, malgré l’une des meilleures équipes possibles. Luka Mkheidze (-60kg), battait l’Équatorien Preciado, mais cédait ensuite aux pénalités devant un Mongol au nom impossible, Unubold Lkhagvajamts, 22 ans et 35e mondial. Walide Khyar se faisait pousser hors du tapis par le Kazakhstanais Kyrgyzbayev, lequel l’avait déjà battu en octobre en finale du Grand Chelem d’Abou Dhabi. Kilian Le Blouch en -66kg n’était pas suivi par les arbitres dans son travail de sape contre un autre Mongol, Baskhuu Yondonperenlei, 15e mondial. En -73kg Guillaume Chaine ne faisait pas mieux contre l’Ouzbek Khikmatillokh Turaev, 16e mondial, qui lui plaçait une grosse attaque en ashi-guruma en bout de manches. Enfin en -81kg, Alpha Oumar Djalo suivait le mouvement en se faisant éliminer aux pénalités par le Hongrois Attila Ungvari, 29e mondial. On peut espérer que l’équipe sera plus consistante ce week-end.
Lombardo et Casse, premiers de la classe
Victoire finale intéressante de deux jeunes Européens pour lesquels le meilleur est encore à venir : l’Italien Manuel Lombardo, 21 ans, en -66kg, celui-là même qui se vit refuser une victoire plutôt claire contre le Japonais Abe en place de trois des championnats du monde, et en -81kg, le vice-champion du monde belge Matthias Casse, 22 ans, dans un remake de la finale du championnat du monde 2019 contre l’Israélien Sagi Muki, mais cette fois avec la victoire de son côté. À noter que l’ex-Iranien et néo-Mongol Saied Mollaei s’arrêtait dès le premier tour, vaincu par l’Italien Parlati. En -60kg et en -73kg, on retrouvait les prestigieux « n°2 » japonais, Ruyju Nagayama et Soichi Hashimoto.