L’expression de son regard vers le plafond du Budokan lorsqu’elle salua le tatami après sa défaite contre la Hongroise Reka Pupp au premier tour des Jeux olympiques était prémonitoire. Certains observateurs avisés n’étaient en effet pas passer à côté de ce signe, très marquant, du langage corporel de la star kosovare. Un regard en forme d’adieu à ce monde du très haut niveau, après une prestation où cette envie inextinguible, si caractéristique de la championne olympique de Rio en -52kg, n’avait jamais affleuré de sa prestation. Elle si dure, si impactante, si effrayante pour ses adversaires depuis plus de dix ans, n’avait visiblement plus cette obsession insatiable de victoires. Il faut dire que Kelmendi, trente ans, use son bras gauche, ses uchi-mata et tsuri-goshi depuis maintenant plus d’une dixaine d’années sur tous les tatamis du globe. Une combattante devenue symbole de la réussite d’une jeune nation, le Kosovo, autour de son charismatique entraîneur, Driton Kuka. C’est lors des championnats du monde juniors 2009, à Paris, que Kelmendi arbore pour la première fois le drapeau de cette nouvelle république officialisée au début de l’année 2008. Elle remporte alors le premier titre mondial de son pays. La genèse d’une destinée fantastique. Passée à côté de ses JO de Londres (elle est battue par la Mauricienne Christianne Legentil en tableau), elle fera totalement l’olympiade suivante. Deux titres de championne d’Europe (2014, 2016), un doublé planétaire (2013 et 2014) et, surtout, le Graal olympique à Rio, avec une victoire toute en supériorité sur l’Italienne Odette Giuffrida. Derrière ce qui restera l’apogée d’une carrière d’une judokate devenue désormais égérie du jeune pays balkanique et une inspiratrice pionnière pour ses copines de souffrance sur le tatami (Distria Krasniqi et Nora Gjakova), de nouveaux moments de gloire avec deux nouveaux titres continentaux (2017 et 2019) et une dernière médaille mondiale à Tokyo, en 2019.
Un évènement où Kelmendi, dans sa demi-finale face au prodige nippon Uta Abe, aura offert l’un des sommets d’intensité de cette compétition au niveau tout simplement exceptionnel. Est-ce que la coupure due à la crise sanitaire mondiale a eu raison de la motivation de la légende kosovare ? Quoiqu’il en soit, le circuit mondial nouvel mouture perd l’un de ses plus illustres symboles et réussites.
Pour autant, le judo ne quittera pas Majlinda Kelmendi puisque son mentor, Driton Kuka veut faire d’elle une assistante au sein d’un judo kosovar aux désormais trois titres olympiques et maintenant doté d’un centre national d’entraînement inauguré il y a peu en présence de Marius Vizer. Kelmendi en a donc fini avec la phase du judo «contre les autres». La voilà qui débute celle du «judo pour les autres». Une nouvelle page à écrire pour cette figure emblématique.