Chez les hommes, les combattants de l’Est montrent leur force à Tbilissi
Dans le temps, pour un Français, gagner à Tokyo ou gagner à Tbilissi était une performance d’exception, tant ces deux tournois présentaient d’opposition. Les Japonais et la Corée à Tokyo, les combattants géorgiens et tous ceux des pays de l’Est à Tbilissi. Désormais passé « Grand Prix » depuis l’année dernière, et en plus, pour cette année, la perspective pour les combattants de garder tous leurs points jusqu’à une hypothétique sélection olympique, Tbillissi a montré, chez les garçons, qu’il était en passe de retrouver son lustre des grandes années. Il a été en effet particulièrement difficile à gagner pour tout le monde… y compris pour les Géorgiens eux-mêmes !
Des vainqueurs venus de l’Est
C’est le petit Ouzbek Sharafuddin Lutfillaev, déjà vainqueur de l’Open de Pologne au début du mois qui sort à nouveau du bois en battant entre autres le Géorgien Amiran Papinashvili, n°2 mondial, chez lui. En -66 kg, c’est un Mongol qui l’emporte, Tumurkhuleg Davaadorj. Déjà vainqueur des Jeux d’Asie, il devient n°2 au classement mondial. E n-73 kg, c’est toujours la bagarre entre les Géorgiens Tatalashvili et l’ancien champion olympique -66 kg Shavdatuashvili. C’est ce dernier qui gagne leur affrontement direct, comme il l’avait fait en finale de l’Open d’Italie il y a un mois. Mais les deux hommes seront finalement troisièmes, Shavdatuasvili étant battu par le futur vainqueur, l’Azéri Rustam Orujov, l’un des animateurs du championnat du monde, qui emporte son premier grand tournoi. En -81 kg, c’est un Russe qui gagne. Alan Khubetsov a gagné le Grand Chelem d’Azerbaijan, il a été deuxième de celui de Moscou, premier du Grand Prix du Kazakhstan. En gagnant ce nouveau tournoi, il passe 5e mondial et premier russe de la catégorie devant Ivan Nifontov. U nouveau sélectionné européen voire mondial en puissance. En -90 kg, la Géorgie gagne enfin son premier titre chez elle, mais ce fut une bagarre terrible entre deux partenaires d’équipe, le leader naturel du formidable groupe géorgien actuel, le médaillé mondial Varlam Lipartelliani, n°1 mondial, et le jeune Beka Gviniashvili, double champion d’Europe et champion du monde junior, 19 ans. Et c’est le jeune colosse qui ’emportait sur son aîné d’un formidable ura-nage, après avoir battu le vice champion du monde hongrois et n°2 mondial Krisztian Toth en demi-finale, un combattant de sa génération. Un changement de leadership à venir ? En -100 kg, nouvelle victoire azéri avec le retour du vice champion d’Europe Elmar Gasimov, vainqueur en demi de son compatriote et ancien champion du monde Elkhan Mammadov et en finale de l’Allemand Peters, leader d’une bonne équipe allemande à Tbilissi, la seule de l’Europe de l’ouest à tirer son épingle du jeu avec deux finales (perdues) et une médaille de bronze. Enfin en +100 kg, la Géorgie sauve son leadership en amenant ses deux lourds en finale, mais c’est encore une fois le challenger, Levani Matiashvili, qui l’emporte sur le titulaire, Adam Okruashvili.
Et les Français ?
Aucun grand leader n’avait fait le déplacement et le Grand Prix s’était donc ouvert aux challengers nationaux. Confrontés à ce bloc d’opposants ultra solide, il se sont un peu cassés les dents. En -60 kg, le jeune Wallide Khyar et le champion de Sucy Adrien Raymond ont tous les deux eu le mérite de battre un combattant du crû. Mais Khyar était arrêté ensuite par Lutfillaev lui-même et Raymond par l’Israélien Artiom Arshanski. En -66 kg, le vice champion de France Kilian LeBlouch prenait un sode à une main de Yakub Shamilov et Julien Ottaviani était stoppé d’entrée par l’Espagnol Uriarte. En -73 kg, Guillaume Chaine battait un Turkmène, mais prenait ippon devant Tatalashvili. Le champion de France -81 kg Dimitri Gomes-Tavares, vainqueur il y a peu de l’Open du Maroc, a échoué d’entrée devant le Grec Alexios Ntanatsidis, champion d’Europe et du monde junior en 2012 et 2013, 76e mondial. Désormais 82e mondial en -90 kg, Ludovic Gobert passait au premier tour et par ippon l’Azéri Gurbanov, 59e mondial, mais cédait d’un waza-ari au n°1 de la catégorie, le Géorgien Liparteliani.
Emane, Tcheumeo, Andeol, trois titulaires en équipe de France
Si Tbilissi était traditionnellement un tournoi exclusivement masculin, le voici désormais ouvert aux femmes. Les conditions sont évidemment différentes « les filles de l’Est », géorgiennes en tête n’incarnant toujours pas une opposition du niveau des hommes. Les résultats étaient donc plus ouverts entre les nations ayant fait le déplacement et la délégation française était aussi plus concernée par l’équipe de France avec dans ses rangs les deux championnes du monde Gévrise Emane et Audrey Tcheumeo, la médaillée mondiale Emilie Andeol, l’ancienne médaillée mondiale Annabelle Euranie en passe de retrouver la sélection nationale en individuel en -52 kg, et une très précoce prétendante à un strapontin pour les événements à venir, Marie-Eve Gahié en -70 kg, championne du monde cadette 2013, médaillée mondiale juniors 2014 et désormais 47e mondiale en attendant mieux.
La France revient sans titre de cette aventure géorgienne
En -48 kg, l’internationale Aurore Climence, un peu endormie depuis quelques années elle qui était l’une des grandes prétendantes au leadership dans la décennie précédente, est en train manifestement d’affûter ses lames pour remonter à l’assaut dans cette catégories sans véritable n°2 derrière Amandine Buchard, laquelle ne devrait pas jouer à perdre du poids au-delà de 2016. Sa rivale éternelle Laetitia Payet a gagné deux Open, mais Aurore Climence, 46e mondiale, se hisse sur le podium de ce Grand Prix géorgien en battant notamment l’Italienne Valentina Moscatt, 12e mondiale et pour la place de trois la Coréenne du Nord Kim Sol Mi qui avait fait la finale du championnat d’Asie 2013 et une cinquième place au championnat du monde, 17e mondiale. Une performance de très haut niveau tout juste teintée de frustration de ne pas la voir passer aussi l’Espagnol Julia Figueroa, 19e mondiale. Un bon départ sur le long chemin de la « qualification olympique », qui doit désormais passer par des confirmations du même niveau.
En -52 kg, Annabelle Euranie avait conquis le statut officieux de n°1 française au coude à coude avec Priscilla Gneto (titulaire au championnat du monde), de plus en plus en souffrance au niveau du poids, et probable titulaire des prochains championnats d’Europe. Elle a effet dominé la fin de saison 2014, après la sélection de Pénélope Bonna au championnat d’Europe, avec une victoire en Grand Chelem à Bakou et une troisième place à Abou Dhabi, et une victoire au Grand Prix de Croatie. Mais cette fois la Goérgie ne lui fait pas gagner de point. Elle qui est désormais 9e mondiale et en effet battu d’un petit yuko par l’Espagnole Laura Gomez (14e mondiale), avant de lâcher aux pénalités devant l’Israélienne Gili Cohen (6e mondiale tout de même). Un tournoi qui permet de clarifier son niveau actuel avant le championnat d’Europe de Bakou : La Française n’a aucune marge sur les meilleures européennes, qui sont aussi les meilleures mondiales, la Kosovare Kelmendi, la Roumaine Chitu, la Russe Kuziutina, l’Allemande Kraeh ou l’Israélienne Gili, qui s’agglutinent toutes dans le haut du « top dix» mondial, ni non plus avec l’Espagnole Gomez, l’Italienne Giuffrida ou la Portugaise Ramos qui squattent le top 20. Et la victoire en Géorgie de la Finlandaise Jaana Sundberg, qui passe ainsi de la 11e à la 6e place dans ce classement (tandis que Gili, pourtant 3e en Géorgie, rétrograde à la 9e place), montre la férocité du débat entre nations européennes dans cette catégorie. Le podium européen, que la France n’a plus atteint depuis le titre 2011 de Bonna, sera un exploit pour n’importe quelle Française à Bakou en mai.
Gahié monte en puissance
En -57 kg, Hélène Receveaux a atteint avec autant de discrétion que de régularité la 24e place mondiale en se plaçant sur toute une série de podiums successifs, en Open (Espagne, Tunisie, Bulgarie, Autriche) mais aussi en Grand Prix (Hongrie, Corée). Ce ne sera pas le cas cette fois. Elle prend au premier tour la mesure de l’Américaine Hana Carmichael, 29e mondiale, mais elle succombe d’un waza-ari face à la Mongole Sumiya Dorjsuren, 7e mondiale, cinquième des derniers championnats du monde, qui emporte le tournoi. Encore une fois, mais faut-il encore le rappeler, la Française est victime de la règle injuste qui consiste à ne repêcher qu’à partir des quarts.
Pas de -63 kg, mais deux combattantes dont le résultat était surveillé de près en -70 kg. Marie-Eve Gahié réussit une grosse performance en atteignant la médaille de bronze. En tableau, c’est la championne du monde juniors Barbara Matic qui l’a bat par ippon. La Croate est déjà 9e mondiale. Mais Marie-Eve Gahié, 68e mondiale, bat au premier tour l’Israélienne Lior Wildikan, 21e mondiale, et fait le repêchage parfait en éliminant la Russe Prokopenko (54e) et en tenant victorieusement tête, dans un bras de fer frontal, à l’Autrichienne Bernadette Graf, 5e mondiale, sur laquelle elle marque yuko en ura-nage. Une démonstration impressionnante de précoce assurance et de force qui laisse à penser que les deux ans qui viennent vont devoir compter avec Marie-Eve Gahié.
Emane perd en finale
Mais la star de la catégorie reste encore l’inusable Gévrise Emane. Non classée au championnat d’Europe, absente au championnat du monde, la championne du monde 2007 et 2011 a remis les pendules à l’heure en gagnant le titre national, le Grand Prix de Corée et le Grand Chelem de Tokyo. Elle faisait son retour en Géorgie et elle reste sur le même niveau de performance avec un combat difficile contre un Turque inconnue mais accrocheuse, et une belle victoire par ippon sur Bernadette Graf en tableau. Mais elle perd la bataille des pénalités en finale contre l’Allemande Szaundra Diedrich, 3ée mondiale. Rien qui puisse a-priori faire douter de son retour en titulaire indiscutable en équipe de France, dans cette catégorie disputée, mais le rappel que tout le monde est dangereux et que la championne n’a pas la même marge qu’avant sur ses adversaires.
Harrison a la clé au sol
Un autre retour attendu, celui d’Audrey Tcheumeo, absente du circuit depuis sa victoire au Grand Prix de Corée en décembre. À l’époque, elle avait pris de vitesse l’Américaine Harrison en demi-finale. Quelques temps plus tôt en finale du Grand Prix de la Havane, c’est l’Américaine qui avait emporté le duel pour une pénalité plutôt mal distribuée. Leur combat précédent remonte à la demi-finale du championnat du monde à Paris gagnée par la Française. Cette fois, leur affrontement a tourné nettement en faveur de la championne olympique américaine. Debout, elle a paru être capable de mieux tenir la garde au col d’Audrey Tcheumeo, qui ne parvenait pas à lui mettre la pression. Et elle a gagné par ippon au sol sur un renversement en sankaku-osae-komi sur laquelle Audrey Tcheumeo s’est montrée très tendre. À n’en pas douter une piste à exploiter pour des adversaires à l’affut de ses rares faiblesses.
Yu Song, un obstacle pour le présent et pour l’avenir
Enfin Emilie Andéol revenait elle aussi depuis une 7e place modeste au grand Chelem de Tokyo. On l’a pensait un peu en dedans, peut-être moins déterminée que sur ces trois dernières années de dur labeur qui l’ont conduite à un titre européen et une médaille mondiale. Elle montre Géorgie qu’elle est toujours là avec un troisième place satisfaisante en battant l’Allemande n°2, Jasmin Kuelbs. Mais elle cède aux pénalités face à la nouvelle Grande Muraille de Chine, la très solide Yu Song, une combattante puissante, mais aussi plutôt bonne judokate, qui s’impose comme le nouvel obstacle entre la titulaire française et un podium mondial et olympique.