Deux titres pour Agbegnenou et Pinot !
Comme un boomerang qui reviendrait toujours, un sparadrap dont il serait impossible de se défaire, la France se retrouve une nouvelle fois dans la situation qu’elle connaît bien et dont elle semblait peut-être pouvoir sortir, par le haut : une réussite remarquable chez les féminines, mais l’échec de ses masculins. C’est la tendance qui s’est une nouvelle fois – très nettement – dessiné ce dimanche.
Agebegnenou imbattable
Pour les féminines, on ne voyait pas, à vrai dire, ce qui pouvait arriver à Clarisse Agbegnenou dans le contexte européen où elle ne connaît plus qu’une seule rivale — battue à leurs trois dernières rencontres — la Slovène Tina Trstenjak, laquelle n’avait pas relevé le défi cette fois en ne faisant pas le déplacement. Invaincue depuis 2017, la Française règne depuis deux ans comme jamais. Ce fut donc la promenade de santé attendue, notamment en finale où, en acceptant d’ouvrir légèrement le jeu pour pouvoir attaquer, l’Anglaise Alice Schlesinger se faisait détruire en deux coups de manivelle. Cette Anglaise restait sur une victoire « symbolique » (par forfait) contre la Française aux championnats d’Europe 2017. Une bonne façon de faire passer le message.
On espérait bien un deuxième titre féminin français ce jour, en -70kg, comme du temps des Lucie Decosse et Gévrise Emane. La victoire en -63kg et -70kg pour la France ? Une configuration inédite depuis 2007, avec ces deux-là justement. Il était logique de mettre un billet sur la vice-championne du monde Marie-Eve Gahié, laquelle restait sur une mauvaise campagne continentale en 2018 et voulait monter autre chose. Finalement, elle réédite en 2019 en se montrant un peu maladroite et précipitée, loin de la meilleure version d’elle-même. Cela dit, si c’est pour faire le même championnat du monde à Tokyo dans un mois et demi que celui qui a suivi en 2018 sa prestation continentale, on peut prendre cet échec avec philosophie dans le clan français.
Pinot change de statut
D’autant que, pour ce qui concerne le classement général, Margaux Pinot supplée parfaitement la leader française de la catégorie en réussissant d’entrée ce que Gahié n’est encore pas parvenue à faire : prendre le titre européen. Margaux Pinot déçoit rarement. Même si tous ses seoi-nage ne sont pas parfaitement ajustés, même si elle ne marque qu’une seule fois ce dimanche, son habituelle montée en puissance fut impressionnante. Elle aborde désormais chaque adversaire avec autorité et confiance. Elle a un atout considérable : elle est difficile à faire tomber et ne prend que très peu de scores contre elle depuis le début de sa carrière. Elle est aussi de plus en plus clairvoyante et pertinente sur le plan tactique, se hissant progressivement dans la lignée des grandes spécialistes du ko-uchi / seoi-nage, avec une pincée de sutemi bien placés et un travail au sol qui fait légitimement peur aux meilleures. Bref, un poison de plus en plus virulent, qu’on retrouvera avec intérêt à Tokyo pour le niveau au dessus. En attendant, alors qu’elle a toujours dû s’exprimer dans le sillage de « monstres » comme Clarisse Agbegnenou, Gévrise Emane ou Marie-Eve Gahié, déjà finaliste en -63kg en 2017, la voici devenue la quarantième championne d’Europe française depuis 1975. C’est déjà un beau bilan, en attendant mieux, on peut en être sûr. Finalement, la bataille pour les Jeux sera sans doute serrée dans cette catégorie.
Les Français trop naïfs
Malheureusement, la démonstration des deux masculins français du jour a montré une nouvelle fois les limites du groupe actuel. Bien sûr, il y a eu du mieux dans les tournois et cela reste important dans la perspective de la reconstruction. Bien sûr Guillaume Chaine tombe sur un beau geste, le sasae classique du Russe Iartcev, en forme aujourd’hui, et Alpha Oumar Djalo fait une prestation convaincante sur le futur troisième, le Géorgien Luka Maisuradze. Mais Chaine, qu’on avait vu plus concentré et dominateur en tournoi, est le seul à subir ce mouvement ce dimanche, et si Djalo est volontaire et appliquée, on n’a jamais vraiment eu le sentiment qu’il pouvait arracher le combat, attaquant pour rester en rythme plus que pour chercher le coup dur et pêchant par naïveté sur le mouvement fort de son adversaire. Les réussites et les échecs se jouent là… Bilan des courses ? Deux premiers tours aujourd’hui en -73kg et en -81kg, comme pour Kilian Le Blouch hier en -66kg. Rien n’est encore perdu pour faire mieux que l’année dernière (une finale perdue par Cyrille Maret en -100kg), ce qui serait déjà tout de même un bon signe, mais le bel espoir d’une performance collective des garçons autour de trois médailles a néanmoins disparu aujourd’hui.
La France devant l’Ukraine, la Russie, le Kosovo et la Géorgie
Pour autant, c’est la France qui revient en leader des nations avec ses deux titres du jour, et la médaille de bronze d’Amandine Buchard hier, devant les deux beaux titres ukrainiens de la veille. Derrière, les autres nations fortes sont à un titre, la Russie en tête avec ses trois finales féminines, le Kosovo de Kelmendi et la terrible équipe masculine géorgienne arrive ensuite, cinq fois médaillée, mais une seule finale pour un titre. Casse le Belge, Macias le Suédois… ce sont des individualités fortes de pays plus faibles qui ont pris la part belle aujourd’hui. La Russie continue à ne placer aucun garçon sur le podium et c’est inédit depuis 2005, mais peut terminer fort avec ses jeunes combattants en -100kg et +100kg, tandis que la Géorgie attend Gviniashvili, Liparteliani, Tushishvili… Tout peut encore se jouer pour la première place. Un troisième titre français, ce serait bien.