Quatre garçons pour un ticket européen
Chaque mois, partez avec Mizuno à la découverte des grands moments et des petites histoires autour des équipes de France de judo et de jujitsu. Du judo, des hommes et des femmes, des joies, des larmes, des objectifs, des médailles, avec, toujours, le coq bleu-blanc-rouge brodé sur leur judogi Mizuno.
Une surface de combat isolée par un cordon, une centaine de paires d’yeux disséminées tout autour, quatre arbitres nationaux, autant de caméras, deux fauteuils pour les coaches… Le décor était planté pour les quatre -73kg conviés à l’INSEP le mercredi 28 mars dernier, à l’occasion de la poule de sélection mise sur pied par la FFJudo en vue des prochains championnats d’Europe (du 26 au 28 avril à Tel-Aviv, Israël).
En pénétrant dans le dojo de l’INSEP, habituellement animé par les dizaines de combattants à pied d’œuvre sur l’immense tatami de neuf surfaces, impossible de s’y tromper : quelque chose se trame en ce timide début d’après-midi printanier. Tels des boxeurs en pleine préparation dans leur coin de ring, ils sont en effet quatre à en terminer avec leur échauffement auprès de leurs partenaires et entraîneurs de club : Benjamin Axus (AJA Paris XX), Julien La Rocca (Sainte-Geneviève Sports), Hugo Métifiot (Blanc-Mesnil SJ) et Lucas Otmane (OJ Nice). Chacun sa routine, plus ou moins dans sa bulle, tandis que les tribunes commencent à se remplir gentiment, avant que Stéphane Traineau, directeur des équipes de France, n’appelle tout le monde à se rapprocher pour procéder au tirage au sort, comme pour n’importe quelle compétition officielle.
« En créant tout ce décorum, nous avons voulu faire cette poule dans de vraies conditions, avec la vérité du tapis comme juge de paix, explique le double médaillé de bronze olympique (Atlanta 1996 et Sydney 2000), rompu à cette épreuve couperet lorsque le Tournoi de Paris offrait dans les années 1980 huit accessits par catégorie aux athlètes tricolores et que les dernières places pour accompagner les meilleurs seniors étaient fréquemment mises en jeu entre les juniors les plus prometteurs. Sur les six que nous avons sortis dernièrement à l’international, nous manquions d’informations et nous avons donc repris cette idée de la grosse marmite pour mettre les quatre plus jeunes (Guillaume Chaine, 31 ans et titulaire avec Loïc Korval lors des derniers championnats d’Europe, et Pierre Duprat, 28 ans et sélectionné avec Benjamin Axus pour les derniers mondiaux de Budapest, n’ont pas été retenus pour cette poule à ce motif) face à leurs responsabilités afin qu’ils s’expliquent entre eux. C’est par la même occasion un message d’ouverture, pour ceux-là comme pour les autres, selon lequel tout le monde peut avoir sa chance pour peu qu’il la saisisse et qu’il performe. »
De l’expérience pour Métifiot…
Premiers à se mettre en action après contrôle de la taille de leurs kimonos Mizuno, le champion de France 2017 Julien La Rocca, tout juste de retour d’Amérique du Sud où il a échoué en place de trois de l’Open panaméricain de Lima (Pérou), et le médaillé de bronze aux Europe cadets 2016, Hugo Métifiot, cadet du quatuor du haut de ses dix-neuf ans. Leur affrontement ne traînera pas, le Génovéfain marquant rapidement deux waza-ari pour empocher une première victoire et donner le ton à cette poule indécise. Malgré quelques arrachés en contre qui auront réveillé les spectateurs lors de son opposition avec Benjamin Axus, l’issue sera la même pour les deux autres confrontations du jeune Blanc-Mesnilois, formé au Dojo Romanais.
« Ce n’est tout de même que du bonus pour Hugo, seulement junior 2e année, tempère son coach Lakhdari Benabelmoumène. Il n’a sûrement pas eu le temps de mesurer l’enjeu depuis l’annonce de cette poule il y a une semaine, mais il a montré une attitude positive sur ses trois combats. Sa marge de progression est encore très importante, et il fallait prendre cette poule comme une expérience qui lui servira à l’avenir. Car si ce genre de confrontation directe venait à se représenter un jour pour lui, il saura la gérer autrement. »
… Une étape pour Otmane
Après la victoire de Lucas Otmane contre Benjamin Axus, confirmée par un replay vidéo auquel tous les protagonistes avaient accès, le deuxième tour La Rocca-Otmane revêtait déjà des allures de finale, même si le duel Métifiot-Axus, remporté juste avant deux waza-ari à un par le longiligne protégé d’Alexandre Borderieux, laissait encore entrevoir la perspective d’une égalité à deux victoires pour trois hommes.
Le seoi-nage du Niçois faisait alors mouche pour ippon, lui permettant de rejoindre son clan avec toutes les cartes en main avant le dernier round, qu’il contrôlait pour se voir déclarer vainqueur d’un waza-ari, rendant vain le dernier combat du jour (victoire de Benjamin Axus sur Julien La Rocca). « Vu ses derniers résultats (défaites au deuxième tour à Paris, Oberwart et Ekaterinbourg, NDLR), nous avons été agréablement surpris que Lucas soit retenu pour cette poule, resitue son entraîneur Stéphane Auduc. Depuis la rentrée dernière et sa sortie de l’INSEP, il a trouvé le rendement qui lui convient et a su se servir de tout ce travail des années passées, avec Christophe Gagliano à l’INSEP ou au club où on le chouchoute en insistant sur les détails techniques. Entrer en équipe de France ne doit cependant pas constituer une finalité pour lui, mais bien ne rester qu’une étape en vue des Jeux olympiques qui se profilent très vite. Le timing peut être parfait pour prendre le leadership. » Sous réserve de l’annonce officielle de la sélection pour les championnats d’Europe, attendue le mercredi 4 avril, deux munitions lui seront offertes en avril pour cela, lors du Grand Prix de Turquie (6-8 avril) et donc du rendez-vous continental en Israël.
Sortir du contexte national
Un petit mot glissé par le directeur des équipes de France que le vainqueur du jour peut plier ses judogis, avec la joie toute contenue de celui qui voit loin. « C’était une chance de plus qui m’était offerte pour me montrer et j’ai vraiment abordé cette épreuve comme une compétition, avoue celui qui est en train de passer son BPJEPS. D’ailleurs, à aucun moment je n’ai parlé de poule en l’évoquant. J’arrive à un moment de ma « petite » carrière où j’ai de plus en plus confiance en moi et je savais que je pouvais mettre les autres sur le dos. C’est chose faite, pour m’ouvrir d’autres opportunités que je dois saisir désormais. » Avec une concurrence toute autre au menu comme le note Franck Chambily, aux premières loges de ces six affrontements du jour. « Nous avons imaginé cette poule très terre-à-terre parce que les tournois sur lesquels ces garçons avaient été alignés au préalable étaient peut-être trop forts pour eux, analyse le responsable de l’équipe de France masculine. Nous avons ainsi pu voir chacun s’exprimer dans un contexte national, tout en observant les comportements. Et nous ne manquerons pas de débriefer pour dire ce qui n’allait pas. Car les erreurs entrevues aujourd’hui, si nous les laissons passer, elles se paieront cash contre des combattants du calibre d’Orujov, Heydarov ou Shavdatuashvili. » Le compte à rebours avant Tel-Aviv tourne déjà…