Rentrées d’automne pour nos onze candidats
Dans le prolongement de L’Esprit du judo n°47 actuellement en kiosque, retrouvez ici la première partie du journal de bord de la Judo Académie nouvelle génération.
Un an après la fin de la Judo Académie première génération, où en sont les participants du long voyage jusqu’à Rio 2016 ? Si vous avez manqué l’épisode précédent (voir EDJ46), l’éuipée comprend Amandine Buchard (France, -48 kg), Hedvig Karakas (Hongrie, -57 kg), Yarden Gerbi (Israël, -63 kg), Kayla Harrison (-70 kg) et Idalys Ortiz (Cuba, +78 kg) pour les filles. Yakub Shamilov (Russie, -66 kg), Gideon Van Zyl (Afrique du Sud, -73 kg), Antoine Valois-Fortier (Canada, -81 kg), Tiago Camilo (Brésil, -90 kg), Toma Nikiforov (Belgique, -100 kg) et Islam El Shehaby (Egypte, +100 kg) pour les garçons. Saison I, épisode 2, attitude… Ré !
Lundi 23 septembre 2013. Tout débute par un clin d’œil en forme de passage de témoin mystique. Ce lundi matin, Nicolas Brisson, doyen de la précédente génération de Judo académiciens, devient papa d’un petit Max, 3,09 kg. En escale à Paris, Yarden se remet doucement d’une folle soirée au Café Oz en compagnie notamment d’Audrey Tcheuméo, Ketty Mathé, Maëlle Di Cintio et surtout sa meilleure ennemie Clarisse Agbegnenou « qui danse tout le temps ». A l’aéroport de Sarajevo, Toma savoure son bronze en -100 kg – « Je n’ai eu le feu vert des médecins que 24 heures avant ! » – et Amandine digère sa 5e place aux championnats d’Europe juniors. La Française médite sur un SMS d’encouragement reçu de Christophe Massina, qui lui rappelle qu’en 2010 Priscilla Gneto avait enchaîné un premier tour aux Europe puis une médaille mondiale junior. A Johannesburg, « Jacques » Van Zyl récupère d’un « brai » (barbecue sud-africain) et du mariage de son pote Marlon August, jadis battu au deuxième tour des Jeux de Pékin par le Brésilien Guilhero. Au Brésil justement, Tiago profite de son repos forcé pour passer du temps en famille dans sa nouvelle maison de Sao Paulo avec sa femme et sa fille Donatella, née en juillet. Il évoque autour d’un café son institut qui s’occupe de 300 enfants défavorisés de la favela Paraisópolis dans une pâtisserie de Santa Etienne Alto de Pinheiros. Près de 8 000 km plus au nord, une autre blessée célèbre profite de sa convalescence pour libérer ses penchants hyperactifs. En l’espace d’un week-end, Kayla vient en effet d’enchaîner une grosse séance de PPG du haut du corps, un devoir à rendre pour l’Université, un croquet de charité pour un hôpital pédiatrique de Boston, la physiothérapie pour son genou, un point avec son manager, la poursuite de la rédaction de son autobiographie et la préparation d’un speech qu’elle doit donner dans une entreprise lundi matin. Elle clôt ce week-end à la Jack Bauer par un resto avec son fiancé Aaron et « une bonne nuit de sommeil pour préparer cette folle semaine. »
Mercredi 25 septembre. Reprise progressive de l’entraînement pour Hedvig à Budapest et Antoine à Montréal, pas peu fier de sa petite sœur Béatrice qui vient de faire 5e des -63 kg en Bosnie. A Cuba, Idalys profite de la trêve post-Mondiaux pour se remettre à jour niveau scolaire et avancer sur les travaux de sa maison d’Artemisa. Elle s’y active quotidiennement avec son mari Reinier et son père, malgré la santé défaillante de ce dernier. Elle trottine pour « ne pas prendre trop de poids ». Le samedi précédent, le Conseil des ministres cubains l’a motivée pour l’olympiade : à compter du 1er janvier prochain, les primes remportées en compétitions internationales reviendront pour 80 % aux athlètes, 15 % à leurs entraîneurs et 5 % aux spécialistes (médecins, kinés…). Jusqu’ici le ratio était de 15 % pour l’athlète, 4 % pour l’entraîneur et le reste pour la collectivité. Le changement c’est maintenant ? A Cuba la réponse est oui. Un joli cadeau d’anniversaire pour Idalys, qui souffle ses 24 bougies demain.
Samedi 28 septembre. A l’Open de Franche-Comté, Annabelle Euranie (-52) et Jordan Amoros (-73) se rappellent au bon souvenir des sélectionneurs, tandis que Massamba M’Baye (-100) écourte une fois n’est pas coutume les habituelles agapes franc-comtoises pour sauter dans le premier train et montrer sa médaille d’or à sa fille Imany. 5 000 km plus à l’est, Yakub se pare de bronze au Grand prix du Kazakhstan, où la Belge Ilse Heylen devient à 36 ans et 6 mois la judokate la plus âgée à remporter un tournoi IJF. Privé d’Almaty faute de visa, Islam se « venge » au Tadjikistan en remportant un tournoi sur invitation. Cinq combats, cinq victoires, 8 000 dollars de gain et « le plein de concentration et de confiance ».
Dimanche 29 septembre. Au Canada, Antoine part 200 km à l’ouest de Montréal pour animer une clinic avec les élèves du club Ginkgo d’Ottawa. 7 000 km plus à l’est, Hedvig étrenne sa première vraie voiture et câline Fitch, son impétueux bichon de 3 mois. Elle passe le week-end à Hadjùböszörmény avec son grand-père qu’elle voit « trop peu ».
Lundi 30 septembre. Reprise de l’entraînement à Cuba pour Idalys. L’objectif est d’être prête pour les Combat Games du 19 octobre à Saint-Petersbourg, mais « sans pression » rappelle Ronaldo. 6 500 km plus au sud, Tiago expédie les affaires courantes de chez lui et goûte chaque seconde en famille car il sait « qu’après l’opération, [s]on planning va devenir minuté ».
Vendredi 4 octobre. Comme la fédération hongroise impose désormais à ses athlètes de participer aux championnats nationaux, Hedvig s’évite un régime et s’impose en -63 kg à Kecskemét.
Lundi 7 octobre. Quatre jours et demi de voyage, trois correspondances et 1 h 30 de route n’auront pas empêché l’Américain Travis Stevens de s’imposer samedi au Grand prix d’Ouzbékistan. Alors que le trajet retour s’annonce tout aussi épique, Yarden est pour sa part reçue à Tel-Aviv par Shimon Peres. Du haut de ses 90 ans, le doyen des chefs d’Etat de la planète lui répète plusieurs fois à l’oreille « Je suis fier de toi ». A Strasbourg, Amandine et Toma se croisent lors du dernier gros stage international de préparation pour les Mondiaux juniors. A Boston, Kayla trottine 800 mètres pour la première fois depuis son opération du 18 juin. Et lève tout doute quant à sa motivation : « Le tapis me manque. L’odeur, la sueur, la bagarre… J’ai tellement hâte ! »
Samedi 12 octobre. Alors qu’à Paris les France 2e div s’apprêtent à rendre leur verdict, l’ancien champion du monde et olympique coréen Lee Won Hee est de passage en Israël avec sa famille. Yarden et son coach Shany Hershko l’accompagnent à Césarée, une station balnéaire huppée située entre Tel-Aviv et Haïfa. La championne du monde se termine par un squash entre amis. « Ils m’ont massacrée. C’est plus sage si je m’en tiens au judo je crois… » A Boston, Kayla est assise au troisième rang pour assister au thriller opposant les Red Sox aux Detroit Tigers dans les playoffs de la Ligue de baseball : « Un conte de fées ! »
Lundi 14 octobre. Pendant qu’en Belgique le ciel s’abat sur la tête de la médaillée olympique et mondiale Charline Van Snick, contrôlée positive à la cocaïne, aux Etats-Unis le shutdown gouvernemental entre dans sa deuxième semaine. « Vu le nombre de mes amis qui ont du mal a être payés, une fois n’est pas coutume je me réjouis que l’équipe olympique américaine ne dépende pas du gouvernement ! » resitue Kayla. A Pretoria, Jacques peaufine tant bien que mal sa préparation pour l’Open africain de l’île Maurice du 9 novembre, tout en ne comptant pas ses heures à la banque Absa, où il travaille comme conseiller financier.
Jeudi 17 octobre. C’est la Sainte Hedvig en Hongrie. Au Caire, Islam met à profit les deux derniers mois de disponibilité que lui a accorde Coca-Cola, son employeur, pour avancer sur un second projet de centre de fitness, mené en association avec son coéquipier Hescham Mesbah.
Samedi 19 octobre. Aux World Combat Games de Saint-Petersbourg, une Idalys en mode randori apporte la point de la victoire face à la Chine mais s’incline dans un combat sans enjeu face à la Japonaise.
Vendredi 25 octobre. Le docteur Daniel Dell’Aquilla, un ancien judoka, opère l’épaule de Tiago à l’hôpital Morumbi de São Luiz. Tout se passe bien. Reprise de l’entraînement prévue pour dans trois mois. Au Caire, Islam soigne son quadriceps et n’en finit pas de ferrailler avec sa fédération pour avoir un coach compétent à ses côtés.
Dimanche 27 octobre. Dernier jour des championnats du monde juniors de Ljubjana. Amandine s’est classée 3e en -48 kg le mercredi – avec de lourds regrets sur sa demie, où elle cède sur le gong – avant de faire mieux que tenir son rang par équipes le dimanche puisqu’elle domine nettement en -52 kg la championne du monde allemande et la titulaire japonaise de la catégorie. Chez les mecs, Toma fait parler la puissance de son « ura-judo » pour s’offrir le bronze en -100 kg sous les yeux de sa compagne slovène. Il est le seul ce samedi à ne pas prendre ippon face au prodige canadien Kyle Reyes. « Son coach Nicolas Gill m’avait bien étudié » sourit l’unique médaillé belge de ces championnats, qui clôt au passage sa carrière junior. Vainqueur la veille de l’European Cup de Boras en Suède, Yakub sera le titulaire russe aux championnats d’Europe de -23 ans dans un mois.
Gideon « Jacques » Van Zyl, un soir d’octobre à Prétoria/©L’Esprit du judo
Mercredi 30 octobre. A Pretoria, Jacques est élu sportif de l’année de son université aux côtés de la golfeuse swazie Nobuhle Dlamini. « C’est la plus haute distinction sportive universitaire en Afrique du Sud » explique, presque gêné, le double champion d’Afrique des -73 kg. Il est le premier judoka à obtenir cet honneur et succède ainsi à des pointures comme le champion du monde Springbok Victor Matfield ou à la star déchue Oscar Pistorius.
Lundi 4 novembre. A Boston, Kayla redescend doucement d’un week-end d’Halloween marqué par la victoire de ses favoris Red Sox dans la Série mondiale de baseball. Une première depuis… 2007 ! Exempté des championnats de Belgique le week-end précédent, Toma entre à l’armée avec son coéquipier le -60 Adrien Quertinmont. 2 000 km plus au sud, Antoine est le seul athlète canadien à prendre part au stage Going for Gold organisé par l’Union européenne à Malaga. Le reste de l’équipe est resté participer ou assister à l’Open du Canada lors d’un week-end politiquement animé où le libéral Denis Coderre est devenu le 44e maire de Montréal. En Egypte, le début du procès de l’ex-président Mohamed Morsi fait craindre le pire à Islam en termes de tensions dans le pays.
Jeudi 7 novembre. A deux jours de défendre son titre national, Amandine apprend qu’elle est sélectionnée pour le Grand Prix d’Abu Dhabi. Une compétition à laquelle ne participera pas Yarden puisque pour des raisons politiques le visa ne lui a pas été accordé cette année encore. Elle a de toute façon mieux à faire puisque Aiko Sato, la championne du monde 2011 des -57 kg, fait escale dix jours en Israël dans le cadre de son année sabbatique. A Cuba, Idalys se voit attribuer une coquette bourse de 1 000 dollars mensuelle par la Fédération internationale du sport universitaire. Elle est également désignée déléguée du Festival mondial de la jeunesse qui se tiendra début décembre en Equateur – un honneur considérable à Cuba.
Samedi 9 novembre. Montpellier 2012 fut le titre de la révélation pour Amandine. Marseille 2013 restera celui de la confirmation pour la néo-Campinoise formée au JC Noiséen. Les larmes étouffées à la fin de sa finale rappellent le chemin accompli après six mois à soigner une épaule. A près de 9 000 km de là, Jacques rentre amer de sa compétition à l’île Maurice. Les occasions de sortir à l’international sont trop rares pour être galvaudées ! Battu par deux Irlandais, il manque une occasion de se frotter au Ghanéen Nartey et s’en veut beaucoup. Ailleurs ? Ailleurs Yarden mate les championnats de France en streaming, Islam se prépare à la fois pour Abou Dhabi – mais finalement n’aura pas l’aval de sa Fédé pour s’y rendre -, et à emmener sa femme quelques jours à La Mecque (lui qui s’y est déjà rendu « sept ou huit fois »). Antoine retrouve Montréal son nouveau maire. Hedvig goûte elle aussi aux joies d’un entraînement à la maison – elle refait du jus pour repartir du bon pied en janvier – alors que Yakub est toujours aussi si peu souvent à la sienne. Idalys est en pilote automatique jusqu’en 2014, ce qui chez elle signifiera tout de même une victoire par équipe au Grand Prix de Porto Alegre (Brésil) le 24 novembre et une médaille de bronze une semaine plus tard au Grand chelem de Tokyo. A Arlon, Toma continue sa ré-éducation par l’armée belge pendant qu’à Sao Paulo Tiago poursuit celle de son épaule. Aux Etats-Unis, Kayla vit ses derniers jours avec des boulons dans le genou. Son SMS au lendemain de sa sortie du bloc opératoire (le 21) est plein de points d’exclamation. Ce qui augure bien des lendemains qui chantent à l’opposition.
La suite est à lire dans L’Esprit du judo n°47… et dans les prochains numéros.