Le judoka de la JRA s’impose face à Ryu Shichinohe en finale
Le Zen Nihon, qu’est-ce que c’est ?
Le rituel est immuable, codifié et réglé comme du papier à musique : 6 minutes de combat, 3 arbitres, pas de repêchage (comme c’est toujours le cas au Japon), kimono blanc de rigueur, pas de golden score, démonstration de kata lors des pauses. Ainsi, chaque 29 avril, jour férié au Japon (Shôwa No HI : anniversaire de l’Empereur Shôwa), toute la famille du judo nippon se retrouve au Budokan de Tokyo pour le Championnat du Japon toute catégorie. Une enceinte construite pour les JO de 1964, là-même où Anton Geesink terrassa Akio Kaminaga pour remporter le titre olympique devant une assistance médusée. Salle d’arts martiaux mais aussi de concert (les Beatles ont été les 1ers à s’y produire), l’unique tatami de la salle voyait, peu avant 9 heures, les 42 combattants se présenter au public et aux officiels. Une compétition extrêmement prestigieuse au sein du judo japonais car liée à l’un fondements de la discipline, à savoir l’absence de catégories de poids. Une pratique et une conception encore très ancrées au Japon. « Le petit qui bat le gros » fait encore sens au pays de J. Kano et le Zen Nihon est souvent l’occasion rêvée, pour les légers ou poids moyens de le prouver devant les yeux et pour le plus grand plaisir des anciens champions, amateurs ou universitaires venus encourager leurs camarades ou sempaï. Des étudiants facilement reconnaissables dans l’assistance à leurs tenues : costumes et chemises blanches et à l’unisson dans les chants.
Plus prosaïquement, cette épreuve revêt aussi une importance capitale pour les lourds japonais car elle décide, souvent, des sélections pour les championnats du monde ou jeux olympiques.
Sur la ligne de départ, ce mercredi, plusieurs noms se dégageaient pour la victoire finale : Ryu Shichinohe, vice-champion du monde, mais souvent peu à l’aise contre ses compatriotes. Daiki Kamikawa, champion du monde 2010, finaliste l’année dernière avec une journée pendant laquelle il avait régalé les puristes. Takeshi Ojitani, vainqueur 2014, 2ème à Düsseldorf et 3ème à Tokyo en 2014, capitaine jusqu’à peu de l’Université de Tokai. Kenta Nishigata, vainqueur au début du mois d’avril des Championnats du Japon à Fukuoka chez les lourds, un peu à la surprise générale il faut bien le dire. Enfin Hisayoshi Harasawa, vainqueur à Rome en début d’année et finaliste du Zen Nihon 2013. Parmi les autres postulants, et malheureusement pour les spectateurs, point de Takanori Nagase, 3ème l’année dernière et qui avait fait forte impression avec ses (seulement) 85 kilos, ni de Shohei Ono, battu lui par T.Ojitani au 2ème tour aux pénalités. Le magicien de Tenri sera d’ailleurs le seul combattant à ne pas prendre ippon par le futur vainqueur malgré les 55 bons kilos de différence.
L’opportunisme de Hisayoshi Harasawa
Verdict de cette édition 2015 ? Autant le dire tout de suite. De surprise il n’y eut point puisque le podium est constitué de quatre des favoris. Si on remonte même à la 5ème place (avec quatre combattants, pas de repêchage oblige), on n’y trouve aussi et uniquement des lourds dont D. Kamikawa. À la 3ème place, T.Ojitani et K.Nishigata, à la 2ème R.Shichinohe et sur la plus haute, H.Harasawa. Harasawa ? Un beau bébé de presque 22 ans, passé par l’université de Nichidai, qu’il a amené deux fois en finale des championnats du Japon universitaires toutes catégories (en 2013 et 2014). Recruté depuis peu par la JRA, le PMU japonais, il émerge sur la scène nationale fin 2012 en remportant coup sur coup, chose plutôt rare chez les garçons, le championnat universitaire individuel et la Coupe du Kodokan. Droitier avec un judo de facture classique, il n’a pas laissé passer sa chance ce mercredi. En effet, lors de la finale contre R.Shichinohe, H. Harasawa profite d’un relâchement du vice-champion du monde. Alors que ce dernier ressort d’une attaque peu dangereuse en o-uchi-gari, le futur vainqueur le colle, le ceinture et le plaque sur la tranche. Yuko. Un avantage qu’il conservera jusqu’au bout des 6 minutes de combat.
Une occasion manquée par contre pour le presque tombeur de Teddy Riner à Chelyabinsk, d’affirmer sa prééminence, bien réelle sur le plan international, face à ses concurrents nationaux. Car, contrairement aux compétitions précédentes disputées dans l’Archipel (Zen Nihon 2014, Championnats du Japon 2015) pendant lesquelles on le sentit peu à l’aise, le « dragon » d’Okinawa, fils d’un maître de karaté, avait fait une journée très solide en battant en 12 secondes (!) Daiki Kamikawa en ¼ de finale, sur son spécial (o-uchi-gari) puis K.Nishigata en demi-finale sur un superbe tani-otoshi. H.Harasawa, de son côté, l’emportait magnifiquement sur K.Takahashi en ¼ de finale sur un bijou d’uchi-mata et se défaisait difficilement de T.Ojitani en demi-finale, trois shidos à 1 dans un combat ouvert.
Une victoire de H.Harasawa, qui bien que très prestigieuse n’aura pas eu d’influence sur K.Inoue quant aux dernières tickets que ce dernier devait attribuer pour Astana et les Championnats du monde. C’est bien R.Shichinohe qui ira défier T.Riner au Kazakhstan.
Classement :
1er : Hisayoshi Harasawa (JRA)
2ème : Ryu Shichinohe (Kyushu Electric Power)
3èmes : Kenta Nishigata (Asahi Kasei) et Takeshi Ojitani (Asahi Kasei)