Adieu au champion…
Ce matin un message triste et inattendu, mais aussi émouvant et sensible, sur la page facebook d’Ugo Legrand (voir par ailleurs).
Annoncé forfait pour blessure pour Paris, Ugo Legrand, qui nous avait paru effectivement peu rayonnant à Tashkent, a compris sans se faire d’illusions inutiles, que sa situation allait devenir compliquée à gérer. On se demandait qu’elle allait être sa réaction. La voici. Il n’attend pas de subir son destin, il s’en dégage, quelques mois avant les Jeux de Rio, sa dernière ligne de mire, alors qu’il n’a que 26 ans. Que ce serait-il passé si il avait pu faire le championnat du monde d’Astana comme il en exprimait le désir ? Peut-être aurait-il pu se reconnecter à temps pour prendre la bonne foulée, se lancer dans sa dernière préparation avec le bon rythme pour une ultime médaille… Il était encore en convalescence à ce moment-là, mais l’encadrement national avait aussi fait le pari qu’il reviendrait plus fort avec la frustration du manque. Ce ne sera pas le cas. Eloigné un peu trop longtemps, trahi par son corps et – peut-être par son cœur dans lequel la motivation était devenu difficile à trouver – il quitte la scène en Cyrano. L’annonce est à son image. Elle est brutale et imprévisible, mais ne manque ni de panache ni d’élégance, à la manière de ce champion indispensable qui a apporté en moins de de dix ans, non seulement un palmarès formidable (champion d’Europe et du monde junior en 2008, trois fois médaillé européen, dont l’or en 2012, deux fois médaillé mondial en 2011 et 2013 et médaillé olympique en 2012), son judo d’exception, mais aussi une certaine posture, une attitude, qui resteront des marqueurs de cette décennie.
Individualiste et généreux, indépendant et charismatique, détaché et convaincu, libertaire et auto-discipliné, ce bohème attiré par les grands espaces a traversé le haut niveau comme nul autre avant lui, affirmant son autorité avec une confiance en lui et une capacité de concentration totalement bluffantes, mais aussi une distance, l’évidente attraction pour un ailleurs, un au-delà. Il a mené sa carrière avec une sorte de détachement étrange, d’ironie, comme une démarche artistique.
Ugo Legrand aurait voulu être champion olympique, mais il était pressé aussi de voir autre chose, de faire autre chose. Son exil forcé de la haute compétition l’année dernière a encore pressé le mouvement. Bonnet sur la tête et barbe rimbaldienne, on le voyait déjà tourné vers d’autres horizons, voyages, rencontres, volonté d’engagement. Il est pressé de grandir encore. Il y a des évidences comme ça : Ugo Legrand n’a pas encore donné le meilleur de lui-même et c’est une bonne nouvelle pour un champion de sa trempe. Son avenir est réellement devant lui. On le souhaite aussi riche qu’il est capable de le construire. Nous, nous le regrettons déjà.