19h30. L’Arena de la D’Coque s’est vidée. Ne reste que quatre membres de l’Union européenne de Judo, dont notre chroniqueuse Jane Bridge est vice présidente, échangeant en anglais et dont la teneur paraît franche et constructive. À l’étage, les mélodies du tube « Jerusalema » résonnent, de temps en temps couvertes par les rires des bénévoles et officiels, signe explicite d’un bon moment passé après ces trois jours de compétition individuelle.
Les Géorgiens bouillants
À peine une heure avant, c’était plutôt les jeunes Géorgiens qui donnaient de la voix. Un peu trop d’ailleurs au goût des officiels qui renvoyèrent deux judokas, dont le -81kg Sherazadashvili, le bras en écharpe, de la tribune réservée aux athlètes. Il faut dire que les six engagés du jour du pays à la Croix de Saint Georges étaient tous présents dans le bloc final ! Quatre seront finalement sur le podium. Mention spéciale au -90kg Nika Kharazishvili qui perpétue la tradition géorgienne dans cette catégorie (Lasha Bekauri était à sa place en 2019, avant d’être sacré au niveau mondial en 2018 aux Bahamas et 2019 au Maroc) avec une victoire dans un style disruptif par rapport aux standards de son pays. Des -90kg orphelins du champion d’Europe en titre, le Français Francis Damier, forfait pour blessure. Ilia Sulamanidze, médaillé mondial seniors à Budapest et double champion d’Europe en titre en -100kg doit se contenter du bronze, battu par le très flegmatique mais solide Russe Matvey Kanikovskiy. Pas de triplé continental pour ce joueur de piano émérite, contrairement à Léa Fontaine (voir plus bas).
La Hongrie fait à peine moins bien avec trois médailles, de chaque métal et dans chacune des catégories masculines du jour ! En vedette pour les Magyars, Richard Sipocz (+100kg), qui double la mise après 2019 et qui s’offre son quatrième titre continental chez les jeunes : deux chez les juniors, deux chez les -23 ans. Faussement débonnaire, ce Hongrois à la puissance contenue avait été le premier adversaire de Teddy Riner à Paris en 2020. En finale, il laisse passer l’orage face à Saba Inaneishivili avant de lancer un arraché incroyable qui met le Géorgien sur la tranche à quelques secondes de la fin.
Quatre médailles pour la Géorgie, trois pour la Hongrie et trois pour les Pays-Bas mais cette fois-ci chez les féminines avec en particulier Yael Van Heemst (argent) en -78kg. Une catégorie où les quatre places du podium sont partagés entre seulement deux pays : les Pays-Bas donc et l’Allemagne, avec la victoire d’Anna Olek.
Comme pour la Géorgie en -90kg, aucune surprise à retrouver les Allemandes et Néerlandaises aux avant-postes dans cette caté (la championne du monde en titre seniors est Allemande, Anna Maria Wagner et les Pays-Bas comptait trois judokates dans les quinze meilleures mondiales avant les JO, Guusje Steenhuis, Marhinde Verkerk et Karen Stevenson).
Fontaine, et un, et deux, et trois !
Et la France dans tout cela ? Et bien, elle était toujours en course pour la tête du classement grâce à ses deux +78kg, qui se retrouvaient en finale. Un duel franco-français qui ne fut pas un long fleuve tranquille. Comme l’année dernière Léa Fontaine faillit bien être punie dès son premier combat. Mais par un joli réflexe instantané, elle reprenait l’initiative sur une séquence en ne-waza face à la Russe Alana Alborova.
Les deux demi-finales furent des moments de grande tension – et finalement de soulagement – pour Amina Abdellatif et Gilles Bonhomme. Deux combats où Fontaine et Coralie Haymé furent en vraie difficulté, face à la Néerlandaise Marit Kamps et la Turque Hilal Ozturk. Mais elles surent trouver les ressources mentales et techniques (le sasae de Hayme est superbe) pour se retrouver en quête d’un titre continental. Se connaissant parfaitement, elles se montrent prudentes et les shidos tombent, l’arbitre belge choisissant de faire le décalage. Mené deux shidos à un, Fontaine trouve l’opportunité sur un sode lancé sans doute trop sur place par Hayme pour la contrer puis l’immobiliser dans la foulée.
Voilà donc la Génofévaine triple championne d’Europe juniors. Elle rejoint Carine Varlez au palmarès, seulement devancé par Faiza Mokdar, détentrice de quatre médailles européennes (trois titres, une d’argent) depuis jeudi soir. En -78kg, Habi Magassa (PSG) nettement dominée par Van Heemst en tableau, se classe au final septième.
Les masculins se font rapidement éliminés, à l’exception d’Orso Dermée (Sucy Judo) septième en -100kg mais qui se blesse de manière sérieuse au genou gauche sur un ippon-seoi-nage poussé au sol par le Polonais Jedrzejewski. Simple entorse ? Rupture des ligaments croisés ? Espérons la première option pour le Sucycien.
Trio habituel
Deux médailles tricolores pour un total de huit podiums (meilleur résultat toutes nations confondues) dont trois titres, quatre médailles d’argent et une de bronze. Les féminines en glânent cinq, les garçons trois.
La France termine deuxième nation derrière la Russie et ses six médailles pour quatre titres. Deux pour les garçons de l’équipe de Kirill Voprosov, deux pour les filles de l’équipe de Khamal Khan-Magomedov. Une parité statistique exceptionnelle pour le pays d’Ezio Gamba, habitué à voir son équipe masculine fournit la quasi-totalité des médaillés. Un signe d’évolution de paradigme de la performance russe ? Quoiqu’il en soit, la duel franco/russe dura bien jusqu’au bout du bout de cette compétition individuelle.
En troisième position la Géorgie et ses cinq médailles (toujours exclusivement masculines elles), avec une nouvelle génération qui a fait, et c’est une donnée désormais explicite et intéressante, du travail en ne-waza un pilier de son judo.
Demain les équipes. La France rencontrera le vainqueur de la rencontre Pologne/Israël. De quoi vivre encore de belles émotions.