
Crédit photo : Gabriela Sabau/IJF
Elle restera comme la seule médaillée tricolore de ce Grand Chelem de Tokyo édition 2025. Une médaille de bronze qui va autour du cou de Romane Dicko (PSG Judo) en +78kg. La double médaillée olympique individuelle, aura produit une journée paradoxale, puisqu’elle bat trois Japonaises ce dimanche, et non des moindres : au premier tour Akira Sone, double championne du monde (2019 et 2023), championne olympique 2021 — revenue à la compétition par une victoire cette année à la Coupe du Kodokan — qu’elle prise donc ainsi probablement de grand comeback, Ruri Fujii (ex-Takahashi), championne du monde juniors 2019, en repêchages et la n°1 japonaise, Mao Arai, vice-championne du monde 2025 et 6e mondiale, pour le bronze. Les deux derniers combats sont gagnés au sol, un domaine que la Parisienne a manifestement travaillé ces derniers mois. Une performance rarissime et notable — elle n’avait jusque là battu que deux fois des Japonaises dans sa carrière — avec, rappelons-le, la n° 1 nipponne et celle qui le fut pendant deux olympiades à son tableau de chsse du jour. Mais ce dimanche restera aussi entaché d’une défaite en quart de finale face à l’inattendue Égyptienne Safa Soliman, 19 ans, 5e des Mondes juniors 2025, qui lui place un koshi-jime parfait sur lequel elle ne songe pas à se défendre… qui l’envoie dans les pommes !
Une défaite surprise qui la prive de duels possibles contre les deux meilleures +78kg du moment, les Coréennes Hayun Kim, championne du monde et vice-championne olympique, et la jeune Hyeonji Lee, numéro une mondiale, à 18 ans.
La Tricolore termine toutefois sur une bonne note, la victoire sur la vice-championne du monde Mao Arai, puisque non content de lui résister dans le secteur du ne-waza qui fait sa force, elle la pique au sol, ce qui n’était encore jamais arrivé à cette spécialiste. Un parcours frustrant pour Dicko en raison de cette surprenante erreur contre la seule adversaire abordable du jour, une erreur proche de la « faute professionnelle », mais un parcours satisfaisant aussi, pour ce qu’il montre de la bonne dynamique actuelle de la championne du monde 2022 qu’on n’avait pas vu depuis longtemps aussi inspirée, cela dans le contexte du grand tournoi japonais à la densité si particulière.
Une densité impitoyable que Romain Valadier-Picard (ACBB Judo) et Luka Mkheidze (FLAM 91), tous les deux à la cinquième place en -60kg, ont très concrètement vécue. Après un quart de finale entre les deux Tricolores remporté par Mkheidze sur un makikomi malin dès la première saisie, le vice-champion olympique subissait un uchi-mata impeccable d’Hayato Kondo, en argent au Grand Chelem d’Oulan-Bator et en or au Grand Prix de Qingdao cette année. Kondo ? Le numéro 3 japonais de la catégorie. Un récalcitrant de vingt-quatre ans, meilleur junior japonais en 2021, année sans (Japonais) aux championnats du monde, et qui n’a de cesse depuis de prouver qu’il est celui qui doit prendre le relais, en gagnant notamment deux championnats nationaux seniors consécutifs. Il aura régalé aujourd’hui, puisqu’il place un magnifique uchi-mata en finale à Taiki Nakamura, champion du monde juniors 2022, n° 2 nippon et déjà médaillé mondial seniors 2025, le « petit prince » sur orbite pour Los Angeles. Pour le bronze, Mkheidze avait affaire à… Ryuju Nagayama, médaillé olympique 2024 et champion du monde 2025. Un parcours diabolique pour le Français qui se faisait étrangler sur un kata-te-jime. Pour Valadier-Picard, le parcours était moins irrespirable du moins jusque pour le bronze. En repêchages, il battait facilement le Brésilien Michel Augusto grâce à son juji-gatame parfait. Mais après, c’était le Coréen Lee Harim, médaillé mondial 2024 et en argent au Grand Prix de Chine. Un vieux routier du circuit. Roublard, il faisait ce qu’il fallait pour empêcher le Tricolore de développer son judo. Deux shidos partout, puis un troisième pour Valadier-Picard sur une attaque en sacrifice jugée comme une fausse initiative. Cruel.
Seul -66kg français, Daikii Bouba (AJA Paris XX) termine à la septième place, battu respectivement par Kairi Kentoku, le -66kg de Tenri, vice-champion du monde juniors 2024 et champion du monde universitaire 2025, puis par le Tadjik Obid Dzhebov, médaillé de bronze mondial 2025 et tombeur d’Hifumi Abe à cette occasion. Une catégorie où les quatre Japonais montent sur le podium !
Dernière engagée, Fanny-Estelle Posvite (Nice Judo), tête de série n° 4, subit l’o-uchi-gaeshi de Mao Izumi, n° 4 japonaise, future médaille de bronze, non sans avoir fait jeu égal jusqu’au golden score.
Hier, le Japon avait laissé filer deux titres. Ce dimanche, il n’en concède qu’un : en +78kg avec la finale 100 % coréenne, comme lors des derniers championnats du monde. Le Pays du Matin calme qui possède avec Hyeonji Lee, n° 1 mondiale à seulement dix-huit ans (elle est junior première année !), une des très rares juniors à s’être fait une place au plus haut niveau senior sur les dernières années . Un monstre de précocité, qui passe des caps tous les jours, notamment ce dimanche en étranglant proprement en finale son aînée, Kim Hayun, championne du monde en titre en battant notamment la Française Dicko. Si la France a de la ressource dans la catégorie, la Corée semble en passe de sortir pour les années à venir un « monstre » en puissance.
Un dimanche marqué du sceau de cette domination nipponne. Domination attendue, mais véritablement vertigineuse aujourd’hui avec notamment l’incroyable journée d’Hifumi Abe. Troisième seulement des derniers championnats du monde, challengé peut-être comme jamais avec Takeshi Takeoka — champion du monde en titre — Ryoma Tanaka — champion du monde 2024 —, Kairi Kentoku, un vice-champion du monde juniors 2024 (derrière un autre Japonais) très fort aujourd’hui, le double champion olympique, ébouriffant de force mentale, d’abnégation, de volonté de vaincre, a été au bout de lui-même ce dimanche pour s’imposer et ce fut magnifique. Mené d’un waza-ari en quart de finale par un Coréen, sa carrière était à deux doigts de s’arrêter là, quand il a trouvé les ressources pour revenir sur le gong. Il lui a fallu une vingtaine de minutes de combat (près de treize minutes de temps effectif), pour écarter le champion du monde Takeoka en demi-finale, et encore sept pour se débarrasser du dangereux Kentoku. De quoi lever un point triomphant, en cherchant du regard, dans les gradins, sa soeur Uta, victorieuse la veille. Une sacrée famille.
Onze titres au total pour le pays organisateur (pour un total ahurissant de trente-sept podiums sur cinquante-six engagés), la Russie est deuxième avec cinq médailles tout de même, dont celle en bronze de Timur Arbuzov, le diamant de Tuapse des -81kg et champion du monde de la catégorie, battu en quart de finale par Yoshito Hojo au corps-à-corps !


