Le nombre donne une idée assez juste de la densité de l’événement. Ce week-end, le Dojo de Paris accueillait les championnats de France cadets et ses 967 athlètes ! Six catégories dépassaient les soixante participants, dix comptaient entre cinquante et soixante judokas. La catégorie des -40kg se montrait la moins chargée avec « seulement » trente et une combattantes. Plutôt qu’une analyse catégorie par catégorie, nous vous proposons des entrées thématiques pour faire le bilan de ce dernier championnat de France 1re division de la saison.
1) Les Rouge & Blanc en tête
Cela ne se joue pas à grand-chose, mais c’est bien Sainte Geneviève Sports qui occupe la première place ce soir au classement des médailles. Deux titres, glanés ce dimanche, pour le président Pascal Renaut et ses troupes : d’abord Noah Boué en -73kg. Vainqueur du tournoi Excellence de Clermont-Ferrand et de trois coupes européennes cette saison (Slovénie, Espagne et Croatie avec l’équipe de France) absorbe de manière très maline la fougue de Jawanys Belleval (Budokan Méru) pour l’utiliser à le plaquer au corps-à-corps. Une finale de fougueux, partie à mille à l’heure. Avec cette victoire, Boué clôt une saison pour l’instant parfaite.
En -81kg, David Iucorvschi, en bronze sur chacune des European Cup citées plus haut, offre le second titre au club essonnien. Son mouvement de hanche contre Léandre Perrin est superbe ! Avec l’argent de la très puissante Clarisse Carillon (victorieuse du tournoi Super Excellence de Dijon) en -52kg et le bronze d’Ethan Solana en -55kg (en or également en Bourgogne) et de Nathan Njowa en +90kg, Sainte Gen’ répond aux attentes que les résultats de ses combattants sur la saison pouvaient lui faire espérer.
En deuxième position, les Dojos de l’Agglomération du Niortais avec deux titres pour Axel Cuq en -50kg et Léonie Minkada-Caquineau en +70kg. Déjà vice-championne de France juniors au début du mois, cette force de la nature à la hanche ravageuse remporte, mine de rien, son premier titre national ! En finale, la championne d’Europe cadette 2023 place un koshi-jime terrible à Emma Feuillet-Nguimgo (JC Villiers-le-Bel) qui envoie celle-ci quelques secondes dans les pommes.
Le premier, frère cadet de Pauline Cuq, marche dans les pas prometteurs de sa sœur : comme elle, il gagna la Coupe de France minimes (il était alors en -38kg et c’était en 2022). Hier, il se montre le plus fort en -50kg. Plus dynamique, plus précis, plus rigoureux tactiquement, ce jeune homme réalise une journée pleine de maîtrise de concentration.
À la troisième place, deux autres clubs essonniens avec le FLAM 91 de Kilian Le Blouch et le JC Chilly-Mazarin Morangis qui gagnent, chacun, une médaille de chaque métal. Il y a, d’abord, pour le premier, le titre attendu de Manon Agati-Alouache en -57kg. Cinquième en 2022 (en -48kg), troisième en 2023, déjà dans cette catégorie, cette judoka au style tout en dynamique avec un très joli yoko-tomoe-nage, victorieuse des coupes d’Europe de Hongrie et de Croatie cette saison sanctionne par cette victoire son statut de leader incontestée de la catégorie. Enzo Vantroyen termine, lui, en argent en -60kg, battu par l’Asniérois Mathieu Demar. Le bronze va Armynda Nakayilu, également en -57kg. Un uchi-mata gaeshi suivi en hon-gesa-gatame et le tour était jouée pour celle qui était coachée par Clément Gicquel.
Pour le club de Chilly-Mazarin, l’or va autour du coup d’Emma Benghezal en -63kg ! En argent, Jean-Pascal By Goly fait une journée à la fois propre et impressionnante jusqu’en finale, où il s’incline, comme à Porec, face à Kevin Nzuzi Diavisi chez les +90kg. En bronze, Jeanne Gastrin donne au club chiroquois sa seconde médaille chez les -63kg. Trois clubs essonniens dans les quatre premiers clubs nationaux dans cette catégorie d’âge, c’est l’une des leçons de cet événement.
2) Les sélectionnés de Porec bien présents
Chez les féminines, six des sélectionnées pour la première sortie internationale de l’équipe de France sont ce week-end sur la plus haute marche du podium : Mathilde Aurel (Judo Lons 64, -40kg), Dounia Lahrifi (AJBD 21-25, -48kg), Manon Agati-Alouache, Emma Benghezal (JC Chilly Mazarin-Morangis, -63kg), Nina Muteba (GS Senlis Judo, -70kg) et Léonie Minkada-Caquineau.
Chez les masculins, ils ne sont que trois : les deux Génovéfains et le +90kg Kevin Nzuzi Diasivi (AJS 77). La majorité sont néanmoins médaillés nationaux ce week-end : comme Victor Maingot en -50kg, Ethan Solana et Djibril Tazdait (Judo Académie Paris Sud) en -55kg, Nathan Dietmann (JC Saverne) et Yanis Klelly Grousset (JC 56), Mehdi Salah (Vaucluse Judo) en -73kg, Gaya Sonntag (Olympic Judo Nice) en -90kg et Jean-Pascal Da Costa By Goly (JC Chilly Mazarin-Morangis).
Sélectionnés sur leur résultat du seul tournoi Label Excellence de Dijon (un processus de sélection qui mériterait une analyse à lui seul), les titulaires en Croatie ont donc prouvé qu’ils faisaient bien partie des leaders tricolores. Les féminines à un point presque clinique.
3) La dynamique minimes/cadets
Dans le n°47 de L’Esprit du Judo, nous avions commencé à établir des parcours de performance linéaires, particulièrement entre minimes et seniors avec une corrélation extrêmement forte entre minimes et cadets et des prémisses claires entre minimes et seniors. Quand est-il des médaillées 2024 ? La première chose à dire est que les statistiques relevées doivent être interprétées de manière raisonnable. Pour une raison simple : il n’y a pas eu de Coupe de France minimes en 2020 et 2021.
Cette limite étant explicitée, chez les féminines elles sont huit à être médaillées en minimes et cadets : Noémie Urban, Shelssy Zitouni, Isciane Dye, Andren Geunneugues, Lysandre Barrier Montagnon, Lucie Rullier, Emma Feuillet-Nguimgo, Astan Sacko. Aucune des championnes de France donc.
Et chez les masculins ? On retrouve Axel Cuq, Lucas Chanseaume, Daviti Chitaia, Victor Maingot, Titouan Lucas, Arthur Tchendje Kenmeue, Aaron Eluard, Daniel Iurcovschi.
Parmi eux, quatre sont sacrés ce week-end : Chansseaume (-46kg), Cuq (-50kg), Lucas (-55kg) et Iurcovschi (-81kg). Presque 50% des champions de France 2024 étaient donc déjà sur un podium minimes !
4) Aurel et Muteba en démonstration
Elle est désormais double championne de France en -40kg et championne de France juniors en titre. Elle ? Mathilde Aurel, un petit bout de judoka de 38 kilos – qui a remporté la catégorie des -44kg au début du mois ici même – formé au Judo Club de Lons 64 par Pierre Sanders. Un judo très structuré, un ne-waza efficace, un gros ippon-seoi-nage à droite. La recette gagnante d’une combattante qui trace son sillon avec de belles promesses.
Ce dimanche, c’est Nina Muteba qui laisse l’une des plus belles impressions. Polie par Jean-Manu Adriano au sein du GS Senlis Judo, la -70kg, qui avait déjà une excellente impression l’année dernière, a montré ce dimanche un bel impact maîtrisé avec un panel technique qui ne demande qu’à s’enrichir et à s’affiner. Victorieuses toutes les deux à Porec, ces judokas font partie de nos coups de cœur du week-end chez les féminines. Côté masculins, on saluera la nouvelle pépite du JC Grand Quevilly de Paco Legrand : Minas Andzian, un judoka d’origine arménienne (arrivé en France alors qu’il avait huit ans). Vice champion de France 2023 en -81kg, vainqueur du tournoi de Dijon au début de l’année, c’est en -90kg qu’il s’impose hier. Et avec la manière : son ippon-seoi-nage fut ravageur ! Un judoka qui va pouvoir sortir avec l’équipe de France, comme nous l’expliquait l’aîné des Legrand au moment du podium.
5) Ne pas délégitimer la pénalité
Doit-on en faire un marronnier, comme on dit dans le jargon journalistique ? Sujet délicat. Reste que l’arbitrage observé sur ces championnats mérite quelques lignes. Non pas sur telle ou telle erreur puisque celles-ci sont inhérentes à la fonction et au sport.
Bien plus s’agit-il d’une impression générale : celle d’un sentiment de permissivité quant aux fautes à sanctionner qui s’est dégagé du tatami du Dojo de Paris. Ce fut particulièrement le cas autour des saisies en dessous de la ceinture et, plus problématique, des « diving ». Beaucoup de ces cas, surtout pour le premier exemple, ne furent pas sanctionnés comme à l’international. L’impression diffuse d’un « laisser-faire » sur certaines actions très précises – on pense également aux fausses attaques ou le temps à pénaliser la non-activité –, qui font craindre que ces jeunes combattants soient parfois surpris de la sévérité qui les attend à l’international – aussi absurde qu’on puisse trouver certaines règles arbitrales actuelles, évidemment -.
En ce qui concerne les sorties de tapis, l’ambiguïté semble aporétique puisque le problème est le suivant : doit-on sanctionner aussi sévèrement qu’à l’international alors que les tatamis, ce week-end, faisaient six mètres sur six mètres, une aire inférieure que sur les compétitions continentales ou mondiales ? Évacuons donc cette question pour nous focaliser sur ce qui pourrait être le nœud gordien de cette affaire : le règlement arbitral mondial et ses conséquences ont fait du judo un sport de pénalités, délégitimant insidieusement celle-ci aux yeux de certains passionnés à la vue du spectacle proposé. Or, ne pas tomber ce piège relève de la nécessité puisque, par essence, l’arbitrage est un régulateur du jeu avec à sa disposition des atouts pour mener à bien cette mission. Comme les sanctions.
La qualité même d’un arbitre tient dans sa capacité à sanctionner de manière pertinente, avec la sanction appropriée au moment juste. Un art difficile, mais qui fait de ceux qui le maîtrise des experts de notre discipline et que les règles arbitrales internationales actuelles – aussi absurdes que soient certaines – ne doivent pas faire dévier.