Au coup d’envoi de ce troisième et dernier jour en Turquie, les arcs narratifs ne manquaient pas côté tricolore, avec de nombreux dénouements envisageables pour les cinq engagés du jour. D’autant plus après qu’ils soient tous parvenus à se hisser au rendez-vous fatidique des quarts.

Le sélectionné olympique des -90kg Maxime-Gaël Ngayap Hambou, qui avait au préalable vaincu le Tadjik Umedjon Rajabov et le Slovaque Peter Zilka aux pénalités, puis remonté un waza-ari de retard au Brésilien Marcelo Gomes – waza-ari sur ko-uchi-gari deux séquences plus tard, avant un hikikomi-gaeshi bienvenu dans la septième minute alors qu’il avait récolté deux pénalités au golden score, y retrouvait l’homme en forme du moment, le Turc Mihael Zgank, victorieux au Grand Prix du Portugal et au Grand Chelem de Paris en début d’année. Un combattant difficile à manœuvrer qui se faisait pourtant prendre à son propre piège par le Français, premier dans l’attaque pour l’empêcher de prendre le jeu à son compte. Un schéma parfaitement tenu pendant deux minutes, le temps pour l’arbitre d’avertir à deux reprises le Turc, au bord du précipice. Sans s’affoler, ce dernier avançait sur le jeune tricolore, moins serein qu’au départ et finalement rattrapé par la patrouille en moins d’une minute trente : une première fausse attaque, suivie de plusieurs séquences sans déclencher qui lui valait un deuxième shido pour non-combativité, et enfin une descente à genoux que ne laissait pas passer l’arbitre… Rageant pour le médaillé mondial juniors 2021, qui allait terminer sa route en septième position, le Cubain Silva Morales, tête de série n°1 du tournoi, faisant le dos rond à son tour en première partie de combat avant de profiter d’un corps-à-corps hasardeux pour un grand fauchage intérieur qui scotchait le Français de vingt-deux ans. Il lui reste encore quatre mois pour se hisser à ce niveau qui lui permettrait d’entrevoir une fin de journée plus heureuse.

Tolofua, comme si de rien n’était

Respectivement têtes de série n°3 et 6 en +78kg, Léa Fontaine et Julia Tolofua savaient depuis plusieurs jours qu’elle allaient devoir s’affronter en quarts pour espérer avancer dans le tableau. Il fallait toutefois que la première se paie d’entrée la quadruple médaillée olympique Idalys Ortiz, actuellement en plein réglage de mire en vue du rendez-vous estival de Paris – ce fut chose faite aux pénalités – et que la seconde réponde présent pour sa première compétition depuis le Masters d’août dernier et son opération de l’épaule droite. Une petite minute pour imposer son juji-gatame à la Trinidadienne Gabriella Wood, puis quatre pour pousser la Dominicaine Moira Morillo au hansokumake, avant ce fameux duel 100% français qui se dénouait là aussi aux pénalités en faveur de Tolofua sur une sortie de tapis fatale à Fontaine, qui sécurisait tout de même un sixième bloc final de rang en enroulant sans sourciller la Serbe Milica Zabic. Comme à Tashkent en début de mois, la place de trois lui échappait, au profit de la Turque Hilal Ozturk, cinquième de ses trois dernières sorties et forcément aux anges devant ses supporters. De l’émotion, il y en avait également beaucoup dans le regard de Julia Tolofua après le uchi-mata qu’elle claquait en finale contre la Chinoise Xin Su, comme si l’histoire pouvait enfin reprendre après sa non-sélection olympique qui a fait couler beaucoup d’encre depuis novembre dernier. Que ce soit aux championnats d’Europe de Zagreb fin avril ou aux mondiaux d’Abou Dhabi mi-mai, il faudra bien compter sur la vice championne du monde 2023. Et c’est une excellente nouvelle pour l’équipe de France.

Malonga, la rage olympique

Le clan tricolore qui s’évitera probablement un comité de sélection à rallonge en milieu de semaine prochaine après la démonstration de force de Madeleine Malonga en -78kg en Turquie. En mission pour faire mieux que la cinquième place obtenue à Tbilissi par sa rivale Audrey Tcheuméo une semaine plus tôt, la vice championne olympique de Tokyo n’avait besoin que de quarante-six secondes pour écarter en quarts de la Portugaise Patricia Sampaio, médaillée continentale à Montpellier en novembre dernier, d’un o-uchi-gari rageur. Un grand fauchage intérieur qu’elle allait également infliger à l’Allemande Alina Boehm, deuxième bourreau de Tcheuméo en Géorgie, en finale, pour mieux brandir le poing en l’air et se laisser submerger par cette sensation enivrante du travail accompli. Entre temps, son succès contre l’autre Allemande, n°3 mondiale, Anna-Maria Wagner – d’un waza-ari sur o-soto-gari – avait déjà apporté son lot de confirmation quant à sa capacité de disposer des plus dangereuses du circuit. Avec son quatrième Grand Chelem en or – le premier depuis Paris en 2020, Malonga peut sereinement envisager le programme de son été.

Riner n’a rien cédé

Si celui de Teddy Riner est déjà tout tracé, calibré à l’extrême en vue de ce vendredi 2 août où il peut définitivement s’inscrire dans la légende de sa discipline, cette répétition d’Antalya n’aura pas manqué de sel pour obtenir les mille points qu’il était clairement venu glaner afin de retrouver une place confortable dans le top 8 de la catégorie. En jambes pour se jouer en moins d’une minute du Bahreïni Azamat Chotchaev sur o-soto-gari, il enquillait ensuite trois duels sérieux qui voyaient le Néerlandais Jur Spijkers, le Brésilien Rafael Silva et l’Allemand Erik Abramov s’incliner par trois shidos sonnant comme autant d’aveux d’impuissance. Un scénario qui allait presque se répéter lors de sa finale contre le Japonais Tatsuru Saito, mais dans le sens inverse tant le nippon prenait les choses en main pour tenter d’impacter le Français avec ses tai-otoshi et uchi-mata. Mis en confiance par les deux cartons jaunes qui s’affichaient au talbeau de Riner, Saito insistait sur uchi-mata à l’entame de la dernière minute, mais Riner, bien installé à la garde, parvenait à saper le vérin gauche du Japonais par son bras droit placé en-dessous au revers, tout en tirant en fort sur la manche pour le dérouler en uchi-mata-gaeshi et obtenir le waza-ari qui lui permettait de conclure sa journée sans le moindre accroc.

8/8 pour les olympiens japonais

Avec ces trois titres, la France retrouve sur le fil sa deuxième place au classement des nations, tandis que le Japon repart d’Antalya avec autant de médailles que de combattants engagés : outre le succès de Sanshiro Murao en -90kg, mené une bonne partie de sa finale par l’Azerbaïdjanais Vugar Talibov mais parfait sur son ashi-guruma pour revenir à hauteur avant de s’adjuger l’or sur un avant-arrière qui surprenait brillamment le vice champion du monde juniors 2023, Aaron Wolf (-100kg) se contentait du bronze sans avoir à affronter le champion du monde Arman Adamian, forfait suite à son revers en demie sur un o-soto-gari de mammouth du Portugais Jorge Fonseca, qui renoue au passage avec l’or en Grand Chelem pour la première fois depuis… Antalya 2022.