C’est à une impressionnante démonstration de supériorité qu’Amandine Buchard, nouvelle championne d’Europe des -52kg, nous a conviés ce vendredi. Premier titre continental pour la Campinoise qui, un peu à la manière de Manuele Lombardo en -66kg quelques minutes plus tard, règle la catégorie avec une autorité époustouflante.
Un titre auquel il faut ajouter les médailles de bronze de Mélanie Clément et Sarah-Léonie Cysique. Mais aussi et surtout l’argent de Luka Mkheidze qui gagne nettement son duel du jour avec Walide Khyar. Suffisant pour monter dans l’avion direction le Japon cet été ?
Buchard, c’est très fort
L’entrée en matière fut un peu laborieuse, très gênée qu’elle fut par l’agressivité et le bras droit puissant de la Roumaine Andreea Chitu. Deux shidos partout après 4’30 de combat. Mais, une fois de plus, une fois encore, le tokui-waza de Buchard va parler. Et pas qu’une fois. Son kata-guruma lui permet de l’emporter dans ce premier combat piégeux. Mais aussi de marquer le premier waza-ari contre l’Italienne Giuffrida pour une finale annoncée entre les deux premières têtes de série. Un combat que la Transalpine essaye d’emballer avec ses coups de patte et une activité qui consiste, surtout, à secouer le judogi de la Tricolore. Pas du tout en danger, Buchard attend le moment opportun pour dégainer un ippon-seoi-nage à gauche supersonique qui fait rouler Giuffrida sur sa barre d’épaule.
Un mouvement qu’elle avait déjà utilisé (en moins classique mais tout aussi efficace) en demi-finale contre l’Espagnole Perez Box.
Venue chercher son premier titre européen, la n°1 mondiale atteint son objectif, dégageant par là même un sentiment de confiance, de contrôle et de sérénité – basée sur une variété technique de plus en plus affirmée – bluffant. Troisième victoire cette saison pour la Campinoise après le Grand Chelem de Budapest et le Masters de Doha.
Clément première, Cysique et le signe indien
On se demandait comment Mélanie Clément allait gérer cet événement, dix jours après l’annonce de la sélection olympique. Également sélectionnée pour les championnats du monde, la Marnavalaise bute en quart de finale, aux pénalités, contre la Russe Sabina Giliazova. Trouvant de belles ressources, Clément ne lâchait rien en repêchages et surtout pour le bronze. Si elle ne fait pas tomber, elle se montre la plus active sur ces deux combats, faisant pénaliser une troisième fois l’autre Russe de la catégorie, Irina Dolgova. Voilà donc Mélanie Clément sur son premier podium continental. Une récompense méritée, elle qui avait fini cinquième en 2018 et 2020. Reste pour elle, maintenant, à aller chercher sa première médaille mondiale dans deux mois du côté de Budapest ! Malgré la déception des Jeux qui s’éloignent, ce serait une belle aventure réussie. Sarah-Léonie Cysique, elle, n’arrive toujours pas à vaincre le signe indien qui la touche depuis longtemps, l’or qui se refuse systématiquement à elle (hormis aux championnats de France). Facile jusqu’en demi-finale, elle se fait contrer par la Slovène Katja Kazer sur un sumi-otoshi. Si elle s’impose tranquillement pour le bronze face à la Belge Mina Libeer, cette incapacité (temporaire ?) à ne pas réussir à franchir la dernière marche interroge tout de même un peu. Certes, elle n’était pas loin du tout à Doha au début de l’année. La régularité est là, et n’est plus un sujet de discussion concernant la judoka de l’ACBB Judo, puisque sur ses vingt sorties sur le circuit FIJ, Cysique a été parmi les sept premières dix-huit fois ! Ce vendredi, où elle était tête de série n°2 restera, encore, comme une occasion manquée de franchir ce fameux cap de la victoire.
Mkheidze pose de sérieux jalons
Comme l’annonçait Christophe Gagliano sur notre site, suite aux sélections : « nous avons décidé de les aligner aux Europe pour avoir une compétition supplémentaire pour espérer finaliser notre choix. Si une performance significative était réalisée au Portugal, nous pourrions décider du titulaire de cette catégorie dans les jours suivants cet évènement. »
La médaille d’argent, ce vendredi, de Luka Mkheidze n’est peut-être pas une performance significative, mais cela y ressemble beaucoup. Le judoka de Sucy Judo, a nettement dominé son adversaire direct Walide Khyar en quart de finale sur un makikomi et un ippon-seoi-nage, mais aussi dans une sorte d’aisance générale sur ce combat qui marque les esprits. Il pourra repenser plus tard à sa finale avec regret, tant sa montée en puissance durant ce combat face à l’Espagnol Francisco Garrigos laissait penser qu’il pouvait succéder au palmarès continental dans cette catégorie à Walide Khyar (sacré en 2016), finalement septième aujourd’hui.
Très tonique, connaissant peu de temps faibles, dirigeant très souvent les débats avec son travail de jambes faits de grands o-uchi-gari et ko-soto-gari, ou ses mouvements d’épaule, Mkheize a montré un beau visage du judoka qu’il est. Un peu de précipitation, le mieux étant l’ennemi du bien, donne un ippon « tout fait » à l’Espagnol, trop heureux de prendre le trophée, tant il se trouvait bousculé par le Tricolore.
C’est néanmoins la première médaille continentale pour le Français et sa troisième de la saison après le bronze des Grands Chelems de Budapest et Tashkent.
Ce vendredi Mkheidze frappe objectivement un grand coup pour la sélection olympique. Sera-t-il définitif ?
Éternelle Monteiro, Lombardo fortissimo
Aucune suprise côté vainqueurs puisque trois têtes de série n°1 (Distria Krasniqi en -48kg, victorieuse par forfait suite à la blessure de Daria Bilodid en demi, Amandine Buchard et Manuele Lombardo en -66kg) montent sur la plus haute marche. Les deux derniers vainqueurs du jour, Telma Monteiro en -57kg était tête de série n°4 alors que Francisco Garrigos était lui tête de série n°2.
Disqualifié à Prague lors de son premier combat, le très costaud Lombardo n’aura pas eu à s’employer totalement ici à Lisbonne. En finale, il enfonce dans le tatami le Géorgien Vazha Margvelashvili, surclassé sur un ko-soto-gake en contre, effrayant de puissance et de maîtrise. On le sait déjà mais sa prestation le confirme : garder le titre olympique pour l’Italie s’avère une hypothèse franchement crédible avec ce combattant d’élite.
Hommage appuyé, enfin, à l’insubmersible Portugaise Telma Monteiro : trente-cinq ans et une rage de vaincre encore inassouvie ! À domicile, la Lisboète glane une sixième couronne européenne et sa quinzième médaille continentale ! En finale, elle place un magnifique yoko-guruma en contre à la jeune Slovène Kazer.
Ce soir la France est en tête avec ses quatre médailles, devant l’Italie et l’Espagne, après une journée où l’arbitrage nous aura encore gratifié de quelques séquences dont il a désormais le secret. Comme par exemple le second waza-ari donné à l’Azerbaïdjanais Huseynov, pour le bronze en -60kg, une tentative avortée de seoi inversé contrôlé par son adversaire bulgare, qui finit par s’assoir, et plusieurs secondes plus tard, se met sur le flanc. Certes, selon les règles actuelles cette valeur est – malheureusement – justifiable. Reste qu’il sera difficile pour la FIJ (et les judokas) d’expliquer aux profanes devant leur télé fin juillet en quoi un telle «projection» peut valoir une telle valeur.