La compétition aura lieu ce week-end à Fukuoka
Dans le calendrier du judo japonais, le « All Japan Championships » a toujours fait figure de juge de paix pour les sélections internationales de l’été (championnats du monde ou Jeux olympiques). Le principe est simple et inébranlable : qui gagne est sélectionné, abstraction faite de cas très exceptionnels (en 2008, Tomoko Fukumi bat Ryoko Tamura-Tani mais c’est la septuple championne du monde des -48kg qui ira à Londres décrocher sa quatrième médaille olympique).
Cet axiome est-il pour autant toujours valable ? Poser la question c’est un peu y répondre. En effet, deux facteurs ont remis en cause, sans totalement l’invalider, l’évidence que ces championnats devaient servir de test ultime pour sélectionner les différents combattants nippons. D’une part, une hiérarchie nationale souvent plus claire grâce à une participation internationale accrue (et à sa traduction mathématique, la ranking list). D’autre part, les critiques nées du fiasco londonien.
Mais quelques rappels au préalable : les championnats du Japon voient s’affronter les huit meilleurs judokas de l’Archipel, en élimination directe, au début du mois d’avril, à Fukuoka.
Un événement auquel participeront tous les meilleur judokas japonais, y compris ceux absents du circuit international depuis la fin 2015 (Takenori Nagase, Mashu Baker, Ryonosuke Haga, Misato Nakamura, etc).
Quels sont les enjeux explicites de cet événement ? Outre une victoire de prestige, remporter cette compétition ne décidera sans doute d’une place de titulaire sur les tatamis cariocas que pour une poignée de catégories.
Mettons déjà de côté les catégories lourdes (+78kg et +100kg) où tout se jouera lors de la Coupe de l’Impératrice pour les féminines et pour le Zen Nihon pour les garçons.
Actuellement, Megumi Tachimoto et Hisayoshi Harasawa sont en position favorable pour embarquer dans l’avion qui les emmènera vers le Brésil, mais rien n’est définitivement acquis.
D’autres catégories semblent déjà « réglées » du fait des performances mondiales de leurs titulaires lors des championnats du monde d’Astana ou sur le circuit international.
Une donnée que les deux entraîneurs généraux (Kantoku), Kosei Inoue pour les hommes et Mitsutoshi Nanjo pour les femmes prennent en compte bien plus conséquemment que leurs prédécesseurs, suite à la Berezina londonienne.
Flashback : en 2012, la sélection nipponne s’organise encore sur le « vieux » modèle de la toute-puissance de ce All Japan Championships.
Et cela donne, pour ne prendre qu’un exemple, la sélection de Tomoko Fukumi en -48kg, vainqueur, au détriment d’une Asami, éliminée à son 1er combat mais qui revenait de blessure, double championne du monde (2010 et 2011), ultra-dominatrice sur le plan international, et qui retiendra comme elle le pourra ses larmes lors de la présentation officielle de l’équipe japonaise pour Londres devant des caméras qui ne la lâcheront pas.
Une fidélité aveugle à un système de sélection qui, après les JO de 2012, fut contestée. Des critiques qu’Inoue et Nanjo ont tout l’air d’avoir parfaitement intégrée depuis leur entrée en fonction.
Chez les garçons, Takenori Nagase (-81kg), Mashu Baker (-90kg), Ryonosuke Haga (-100kg, qui sera absent ce week-end, remplacé par Ryutaro Goto, champion du monde juniors 2014) pourront aborder cette compétition l’esprit tranquille. Leur titularisation est acquise.
Pour les -66kg et les -73kg, un léger doute pouvait encore subsister, mais Paris et Düsseldorf les ont très probablement levés.
Masahi Ebinuma (-66kg), battu à Astana par Rishod Sobirov a fait un pas plus que décisif vers sa titularisation en remportant le Grand Chelem parisien. Alors certes, Tomofumi Takajo a gagné Tokyo en 2015 mais le palmarès et la régularité sans faille (hormis son accident kazakh) du bonze de Meiji pèsent d’un poids presque trop évident pour ne pas le voir participer à ses seconds JO.
Shohei Ono fait lui face à une problématique différente : malgré sa victoire époustouflante au Kazakhstan, le joyau de Tenri ne devait montrer aucun signe de méforme face à la concurrence non pas d’un mais de deux prétendants : Riki Nakaya, vice-champion du monde (et vice-champion olympique) et Hiroyuki Akimoto, revenu dans la course avec ses victoires en Grand Chelem (Paris et Tokyo 2015, 3ème à Paris en 2016).
Sa démonstration allemande a définitivement enterré, est-on pensé de croire, toute contestation possible quant au fait que l’un des plus beaux judokas actuels soit du voyage à Rio.
Reste donc une seule catégorie où l’enjeu sera réel. Les -60kg. Alors Naohisa Takato ou Toru Shishime ?
Les deux ont remporté le Grand Chelem de Paris : 2015 pour Takato, 2016 pour Shishime.
Mais Takato s’est imposé aussi à Tokyo. Ses problèmes de discipline ont l’air d’avoir été réglés et la machine « Takato » semble repartir de plus belle. Un judoka atypique, sur le tatami comme en dehors. Mais diablement efficace, avec toujours une botte secrète que ses adversaires découvrent une fois le tapis collé dans le dos.
Shishime, lui, a fini en bronze à Astana. Même médaille à Tokyo.
Un judoka à l’allure nonchalante, au visage statufié, extrêmement avare de ses émotions.
Un judo plus classique que Takato (uchi-mata, o-soto-gari, ippon-seoi) et un kumi-kata (classique) décrit comme l’un des plus puissants de la catégorie.
Un beau duel en perspective.
Chez les filles, la donne est plus floue avec au moins trois catégories : les -48kg, -70kg et -78kg.
Misato Nakamura (-52kg), Kaori Matsumoto (-57kg), Miku Tashiro (-63kg) peuvent déjà mettre leurs judogi dans la valise. La 1ère est championne du monde en titre et vainqueur à Tokyo, la seconde est championne du monde et championne olympique en titre et a époustouflé avec un travail au sol d’une facture exceptionnelle à Düsseldorf. La troisième, a défaut de victoire est d’une régularité métronomique pour accrocher le podium : deux fois 3ème aux championnats du monde, 3ème à Tokyo en 2015, 2ème à Paris il y a un mois.
Trois duels seront donc à observer ce premier week-end d’avril : en -48kg, qui entre Haruna Asami et Ami Kondo ? En -70kg, Chizuru Arai ou Haruka Tachimoto ? En -78kg, le jeu pourrait même être encore plus ouvert entre Mami Umeki, jeune championne du monde en titre mais dans le dur depuis Astana (5ème à Tokyo, non classé à Paris), Ruika Sato (5ème à Paris) et Shori Hamada (1ère en Chine mais 7ème à Tokyo), les trois nipponnes actuellement dans les points pour les JO.