Bouche grande ouverte, mains sur les genoux en cherchant un peu d’air, Melkia Auchecorne sait qu’elle doit encore tenir presque une minute contre la Japonaise Kurumi Ishioka. Visiblement éprouvée par sa journée – elle a battu au premier tour l’Israélienne Kerem Primo, l’une des favorites de cette catégorie des -63kg, après six minutes de golden score – , la Nippone ne trouvera jamais la solution pour faire son retard sur la Tricolore. Un ippon seoi-nage à gauche à mi-combat de l’élève de Benjamin Gury à Chelles (un club qui monte au niveau féminin depuis plusieurs années) qui s’avérera donc décisif, lui permettant, elle la junior première année, d’aller chercher une médaille mondiale ! Victorieuse des coupes européennes de France et de Bosnie-Herzégovine cette saison, la performance de la jeune -63kg tricolore est d’autant plus belle qu’elle s’offre un podium planétaire pour sa première sélection sur des championnats internationaux. Un jeudi débuté sereinement avec deux victoires aisées, dont un de-ashi-barai en dix secondes qui plaquait l’Équatorienne Antonella Ludena sur le dos. Battue en quarts par la Croate Katarina Kristo au sol, Auchecorne remonte les repêchages pour offrir à la France sa troisième médaille, après l’argent de Chloé Devictor (-52kg) et le bronze de Romain Valadier-Picard (-60kg) hier. Avec encore deux années juniors devant elle, Melkia Auchecorne pose, pour son futur international, des rails ambitieux et prometteurs.
Un vrai rayon de soleil dans une journée plutôt maussade pour le clan français avec les défaites au premier tour de Martha Fawaz (PSG Judo), étranglée par la Japonaise Rin Eguchi (finalement en bronze) et de Daniyl Zoubko (Stade Bordelais Judo) face à l’Azerbaïdjanais Vusal Galandarzade. Un combat indécis finalement conclu sur un makikomi, au golden score, alors que les deux judokas donnaient des signes de fatigue. Un combat en forme de revanche pour Galandarzade, battu par Zoubko en finale à Nanterre, mais qui se fera éliminé par le Polonais au tour suivant.
Trois nouvelles médailles japonaises
Le Japon continue sa récolte et creuse l’écart avec le reste du monde, même si les judokas nippons se sont montrés moins souverains avec deux défaites lors du bloc final. Trois médailles ce mercredi, dont le titre pour Ryuga Tanaka en -73kg. Vainqueur de la coupe européenne d’Autriche (Graz) – la compétititon référence de cette saison -, le petit frère de Ryuma (cinquième de la ranking-list seniors en -66kg et vainqueur du Grand Chelem de Paris en octobre 2021), lycéen de dix-huit ans (il n’est que première année), aura donc passer tous les obstacles, en particulier géorgiens, pour offrir le troisième titre à son pays.
En demi-finale, il bat Kote Kapanadze avant, en finale, de piquer au sol lors du golden score Giorgi Terashvili, juniors deuxième année, mais déjà vainqueur du Grand Chelem d’Antalya (il bat l’Italien Manuel Lombardo en finale) et troisième à Tbilissi. Un précoce qui pourrait bien s’annoncer comme le successeur de Lasha Shavdatuashvili dans cette catégorie. Une finale initialement dominée par Terashvili, sa puissance et sa garde croisée (parfois un peu longue mais jamais sanctionnée) avant que ce dernier ne baisse d’intensité et permette à Tanaka de revenir dans le jeu puis de l’emporter. Un judoka nippon aux très forts mouvements en nage-waza (il place un sode-tsuri-komi-goshi à une main à Kapanadze dans les trente premières secondes), très à l’aise en ne-waza et avec une marge de progression encore importante.
La seconde médaille est d’argent et elle va à Akari Omori (-57kg), étudiante à l’université de Teikyo, battue par la Turque Ozlem Yildiz sur un sumi-gaeshi en finale. Yildiz, en bronze l’année dernière – sortie uniquement sur la coupe d’Europe de Hongrie cette saison – qui bat les deux Nipponnes du jour, plaçant juji-gatame imparable à Rin Eguchi en demi-finale. Une prouesse plutôt rare : l’une des dernières à avoir réalisé pareil exploit était l’Italienne Alice Bellandi, championne du monde juniors 2018 à Nassau (Bahamas). Junior deuxième année, cette Turque sera à guetter en vue de Paris dans une catégorie stratégique pour les équipes. La dernière médaille nippone va à Eguchi (toujours en -57kg) qui bat pour le bronze l’Espagnole Marta Garcia Martin sur un contre.
La jeunesse féminine transalpine est prête
Autre pays à engranger, l’Italie. L’équipe de Rafaele Toniolo ajoute deux nouvelles médailles aux deux d’hier (or pour Giulia Carna, argent pour Assunta Scutto). Ce jeudi, Veronica Toniolo (-57kg) et Agnese Zucco (-63kg et un uchi-mata superbe) se parent de bronze. Quatre médailles, dans les quatre catégories féminines en lice depuis hier. Un résultat frappant pour ce groupe né entre 2002 et 2004. Une récolte qui pourrait s’enrichir encore puisque la +78kg Asya Tavano, médaillée de bronze aux championnats d’Europe seniors de Sofia, entrera en lice samedi.
Les Pays-Bas, eux, entrent dans la partie après la victoire de Johanne Van Lieshout (Pays-Bas) contre la Brésilienne Kaillany Cardoso en finale des -63kg. Second titre consécutif pour la Batave, très impressionnante toute la journée ! En finale, elle place un juji-gatame parfait à une judokate carioca, seulement première année et au style résolument agressif.
Yonezuka, bon sang ne saurait mentir
Le coup de coeur du jour est pour l’Américain Jack Yonezuka. Petit-fils de Yoshisada Yonezuka, judoka japonais étudiant à Nichidai, immigré aux États-Unis et responsable de l’équipe américaine aux JO de Séoul (1988) et Barcelone (1992), Jack, dans un style typiquement américain (judo classique, très bon ne-waza) devient le sixième judoka masculin de son pays a être médaillé aux mondiaux juniors. Ce soir, il remporte le bronze en -73kg, battant le Hongrois Daniel Szegedi sur un très fluide ashi-guruma tout en reprise d’appui. Beaucoup sorti en Europe cette saison sur le circuit FIJ, ce jeune judoka plein de fougue et de sensations offrit ce jeudi un vrai vent de fraicheur.