La France termine deuxième nation
Ultime journée de ces championnats du monde, ce samedi voit l’élimination très précoce de l’unique Tricolore du jour, la +78kg Anne-Fatoumata M’Bairo. Un samedi lors duquel le Japon engrange encore trois médailles avec une médaille de chaque métal : l’or pour Akira Sone, l’argent pour Hisayoshi Harasawa et le bronze pour Sarah Asahina. Chez les +100kg, le titre de Lukas Krpalek, l’albatros tchèque (voir l’Esprit du Judo actuellement en kiosque) prouve que ce formidable champion a désormais pleinement pris la mesure de sa nouvelle catégorie. On l’avait vu à Montréal. Krpalek sera pour Teddy Riner un adversaire redoutable.
Equipe de France : merci les filles et Axel
Avec la formidable dynamique initiée par Capitaine Clarisse mercredi, on se prenait à espérer une nouvelle médaille pour Anne-Fatoumata M’Bairo. Souvent classée, la Campinoise, finaliste au Grand Chelem de Russie cette saison, se préparait sans doute à un gros duel contre la Japonaise Asahina au tour suivant, mais subissait une véritable douche froide puisque sur la première séquence du combat contre la modeste Serbe Milica Zabic, 94e mondiale, la Tricolore se faisait cueillir sur un tani-otoshi. Vingt secondes de combat et voilà M’Bairo déjà éliminée.
Du coup, l’équipe de France termine donc ces championnats du monde à cinq médailles. Deuxième nation tout de même derrière le Japon, on retiendra la performance aboslument remarquable des féminines qui, comme nous l’écrivions hier, ont posé de solides jalons en vue de Tokyo 2020. Significatif, la France termine première nation féminine. Un leadership non-japonais chez les filles ? Il faut remonter à Rio 2013 pour en trouver trace. C’est dire le très joli coup réalisée par le groupe mené par Larbi Benboudaoud, Severine Vandenhende et Lucie Decosse.
Une réussite incontestable, qui masque encore une fois la stagnation d’une équipe masculine qui connaît à nouveau une performance historiquement basse avec une médaille de bronze tout de même, celle du récidiviste Axel Clerget. Heureusement, on attend du renfort pour Tokyo 2020.
Le Japon dominant mais sous pression ?
Avec quinze médailles, dire que ces championnats du monde serait un demi-échec pour le pays du Soleil-Levant releverait de la provocation ou d’une attente exagérée. Ce samedi, le Japon ramène encore trois médailles pour trois engagés. Chez les lourdes, Akira Sone, junior 2e année (elle est de la même année qu’Uta Abe), désormais étudiante à l’université IPU (celle dont l’entraîneur en chef est Toshihiko Koga) s’offre son premier titre seniors face à la légende cubaine, de dix ans son aînée, Idalys Ortiz. Une finale lors de laquelle Sone se sera montrée plus fraîche physiquement et donc plus lucide, évitant la fausse attaque ou l’erreur tactique de trop. Une victoire qui lui arrachait des larmes de joie, et peut-être de soulagement pour avoir fait le plus dur dans la course à la qualification olympique qui l’oppose à la championne du monde précédente, Sarah Asahina.
Des pleurs qu’on aura beaucoup vu chez les judokas nippons tout au long de cette semaine : Hifumi Abe, Soichiro Mukai, Chizuru Arai… Tentons l’hypothèse suivante : une pression très (très) forte du fait de championnats du monde à domicile, les critères de sélection pour Tokyo 2020 dont cette compétition était l’une des composantes majeures expliqueraient ces « body language » inhabituels, encore plus criant dans les catégories où la concurrence est féroce (+78kg, -66kg, etc.).
Ainsi, les chaudes larmes de Sarah Asahina à sa descente du tatami, preque inconsolable de sa médaille de bronze, confirmeraient cette hypothèse.
En +100kg, Hisayoshi Harasawa, auteur jusque là d’une journée très solide en éliminatoires (il bat par ippon le jeune et dangereux combattant autrichien Hegyi, le Mongol Naidan et le Brésilien Silva) monte encore d’un cran en demi-finale, ne craignant pas le corps-à-corps de « Guram », le Géorgien double champion d’Europe et champion du monde en titre, pour tourner les hanches et placer un uchi-mata. Finalement en argent, le Japon a sans doute son lourd pour Tokyo 2020. Le même qu’à Rio, battu seulement par la légende Teddy Riner.
Un Japon qui clôt donc ses championnats du monde avec quatre titres, soit trois de moins qu’à Bakou tout de même, la faute finalement à la réussite réjouissante des féminines françaises. D’ici les JO, des ajustements auront certainement lieu au sein des équipes nippones dans de rares catégories (par exemple en -81kg la défaite de Sotaro Fujiwara renforce l’idée que Takanori Nagase, de retour comme un avion de chasse sur le circuit international, devient un titulaire crédible pour l’année prochaine).
Krpalek, plus dangereux rival de Riner ?
La démonstration du jour, elle vient finalement du Tchèque Lukas Krpalek. Un judoka qui a démontré qu’il avait, c’est désormais une certitude, pris toute la mesure de sa nouvelle catégorie post-Rio. Fin tacticien, ayant complètement intériorisé les règles d’arbitrage et ce qu’elles induisent en termes d’attentes pour être désigné vainqueur, très à l’aise en ne-waza, bon contreur, Krpalek s’est montré, grâce à toutes ces qualités, tout simplement plus fort que Harasawa pour s’offirir un second titre mondial, après celui obtenu en -100kg à Chelyabinsk en 2014. Cinquième l’année dernière à Bakou et à Minsk fin juin, le voilà désormais titulaire du dossard rouge. Une victoire qui va, aucun doute possible, gonfler encore la confiance d’un combattant sûr de ses forces et sans complexes, comme on avait pu en juger dans son combat contre Teddy Riner à Montréal.
Maruyama, Ono, Uta Abe, Agbegnenou, stars de la semaine
Lors de championnats du monde dont on a perçu, de plus en plus chaque jour, qu’ils étaient pris pour une majorité de combattants comme une répétition générale avant Tokyo 2020, quelles sont les images qui resteront ? Il y a bien sûr des combats formidables, voire stratosphériques comme cette demi-finale Kelmendi/Abe en -52kg, Abe/Maruyama en -66kg ou la finale Agbegnenou/Tashiro en -63kg.
Côtés combattants, Uta Abe a confirmé un génie précoce à la Tamura-Tani, Joshiro Maruyama, une technique affolante et une force de caractère surhumaine pour s’imposer au phénomène Abe, chouchou des médias et du judo nippon, mais aussi de l’ensemble du milieu qui tien à sa star, Clarisse Agbegnenou, désormais unique quadruple championne du monde française dont l’accomplissement sportif et humain est tout simplement magistral. Enfin Shohei Ono dans sa nouvelle et minimaliste expression d’exception. Il est de ceux dont parle pendant des décennies et dont on se souvient longtemps avec émotion et admiration. Il se murmure d’ailleurs qu’il pourrait bien être aligné demain pour la compétition par équipes, alors que le premier ministre nippon, Shinzo Abe, est annoncé dans les tribunes du Budokan. Une preuve supplémentaire de son statut d’icône du judo japonais.