La Russie trop puissante chez les hommes. Les Turques avec Mathé
C’était tombé l’année dernière, sous l’impulsion de l’Union Européenne qui souhaitait créer deux niveaux de championnat d’Europe des clubs : on décidait de réunir pour 2014 les huit meilleurs clubs masculins et les huit meilleurs clubs féminins 2013 (c’est à dire ceux qui avaient fini classés de 1e à 5e au championnat d’Europe des clubs 2013 organisés à Paris) dans une « Golden League » d’élite, tandis qui les clubs moins puissants ou moins heureux allaient se rencontrer dans un championnat d’Europe ordinaire, lequel qualifiait les clubs médaillés pour la Golden League de la saison suivante. Les deux championnats de cette nouvelle formule ont eu lieu en même temps, et c’était ce samedi, à Samara en Russie pour l’élite de la Golden League, à Hoofddorp aux Pays-Bas pour le championnat d’Europe des clubs « basique ».
À Samara, on retrouvait donc les animateurs du championnat d’Europe de l’INJ en décembre dernier, soit pour les garçons, les valeureux finalistes de Levallois, l’AC Boulogne-Billancourt et Sainte-Geneviève Sports, tous les deux cinquième en 2013, face à quatre équipes russes, le Yawara-Neva Saint Petersbourg (3e à l’InJ en 2013) , le Dinamo RNO-Alania (3e) , le Adygea Maykop (5e) et le Sambo-70 Moscou (5e) et face aux vainqueurs allemands du TV Abensberg, avec Iliadis et Zantaraya en renfort. Chez les filles, les championnes d’Europe en titre de Maisons-Alfort n’étaient malheureusement pas là, l’équipe s’étant dispersée entre temps après le départ de l’entraîneur Ludovic Delacotte. Mais les championnes d’Europe de l’année précédente (et 5e à l’InJ en 2013), le RSC Champigny d’Amandine Buchard et d’Emilie Andeol défendaient les chances françaises, avec l’AJ Limoges, malheureusement sans leur leader Fanny Estelle Posvite, blessée, et le JC Pontault-Combault d’Anne-Laure Bellard.
Face aux quatre ogres russes, et à l’épouvantail allemand, qu’allaient réussir les clubs français, chez les masculins ?
Boulogne, trop léger
Le premier à tomber était un AC Boulogne-Billancourt tragiquement privé de ses champions emblématiques de ces dernières années, Loic Korval et surtout Loic Pietri. Malgré la présence du vieux général Nicolas Brisson, les Romain Poussin, Alexandre Bordat et autres Thomas Capra (l’AC Boulogne ne présentant personne en -81 kg…), ne pouvait pas faire grand chose contre l’équipe russe du Dinamo RNO-Alania et son cortège de solides internationaux, dont Uali Khurzev (-66 kg), Stanislav Semenov et Murat Gasiev (-90 kg), respectivement troisième des Grands Chelems de Moscou pour les deux premiers cités, et Bakou pour le troisième, en 2014. Ce club ne manque pas de ressources humaines car, au tour suivant, il sortait de sa manche l’excellent Moldave « émirati » Victor Scvortov (-73 kg) et le Russe Vorobev (-81 kg) pour dominer l’un des favoris, le TSV Abensberg.
En repêchages, Boulogne prenait aussi une volée de bois vert face au Sambo 70, d’un niveau pourtant moindre. Seul Nicolas Brisson en lourd (+90 kg) sauvait l’honneur alors que l’équipe était déjà menée 4-0.
© Marina Mayorova – EJU / Renat Saidov, imprenable en finale après avoir de nouveau perdu contre Cyrille Maret en demies.
Sainte-Gen’ sans Larose
Sainte-Geneviève, formation plus solide, mais néanmoins pénalisée par l’absence de son leader David Larose, toujours convalescent, prenait d’entrée le « monstre » du jour, le Yawara-Neva de Saint-Petersbourg… soit une très convaincante équipe nationale russe dans cette première configuration, avec le champion d’Europe Alim Gadanov (-66 kg), le vainqueur du Grand Chelem russe et titulaire en équipe nationale Denis Iartcev (-73 kg), le double champion d’Europe Shirazudin Magomedov (-81 kg), le champion d’Europe et triple médaillé mondial Kirill Denisov (-90 kg) et le poids lourd Renat Saidov, médaillé mondial et récent vainqueur du Grand Chelem de Tokyo. Une punition logique par 4-1, malgré l’espoir un temps entretenu par la belle victoire au deuxième combat (le premier étant perdu par François Persehais devant Gadanov) de Julien La Rocca sur Denis Iartcev, alors qu’il était mené waza-ari et yuko. Mais malgré la belle résistance de Julian Kermarrec et celle de Ludovic Gobert ensuite, lequel Gobert réussissait à marquer waza-ari à Denisov, les deuxième et troisième points partaient du côté de Magomedov et Denisov, avant une victoire finale de Saidov sur Bonvoisin.
Sainte-Geneviève passait facilement au premier tour de repêchages les quasi anonymes de Adygea Maykop, mais s’inclinait pour la place de trois face à un autre « monstre », le TSV Abensberg, avec une seule victoire pour le -81 kg Quentin Joubert, sa majesté Ilias Iliadis se chargeant d’amener lui-même le troisième point décisif en ipponisant Ludo Gobert par ura-nage.
© Marina Mayorova – EJU / Ludovic Gobert « iliadisé » à Samara.
Pendant ce temps-là Levallois…
Le club n°1 français chez les masculins avait d’autres atouts, malgré l’absence de Teddy Riner, en délicatesse avec son coude depuis sa tournée asiatique. C’est Dimitri Dragin qui devait ouvrir les débats en -66 kg, suivi par le désormais très autoritaire Pierre Duprat en -73 kg, puis par le « grognard » médaillé mondial Alain Schmitt en -81 kg, Alexandre Iddir en -90 kg auréolé de ses récentes belles performances, pour finir par le meilleur « poids lourd » français quand Teddy Riner n’y est pas, le très puissant Cyrille Maret. Ça passait sans problème au premier tour contre les Russes de Adygea Maykop, malgré une première alarme pour Dimitri Dragin, battu au premier combat par le point fort de l’équipe adverse, Anzaur Gadanov, médaillé au Grand Chelem de Russie et au Grand Prix de Corée récemment, et qu’on ne reverra plus ensuite sur la compétition (notamment en repêchage contre Sainte-Geneviève).
Yawara Neva, dans une nouvelle configuration tout aussi impressionnante, allait arrêter Levallois au tour suivant : Dimitri Dragin perdait une seconde fois, cette fois contre le vice champion du monde, l’exceptionnel Mikhail Pulyaev (qui est aussi médaillé européen et vainqueur du Grand Chelem à Paris…), avant que Pierre Duprat ne remette le compteur à zéro contre Musa Mogushkov, récent médaillé mondial, par ippon en 15 secondes ! Mais le Russe qui monte, Khasan Khalmurzaev (champion d’Europe junior 2011 et vainqueur du Grand Prix de Hongrie 2014) trouvait la faille dans le judo d’Alain Schmitt et le battait par ippon. Kirill Denisov en faisait de même avec Alexandre Iddir en moins d’une minute. La victoire de Cyrille Maret, comme l’année dernière, sur Renat Saidov, allait cette fois n’être que de prestige.
La place de trois était une formalité contre le Sambo 70, d’autant que le jeune Alexandre Mariac, suppléant Dimitri Dragin, apportait le premier point. Seul Alain Schmitt, en petite forme, laissait la victoire à son adversaire.
La Russie deux fois en finale
Malgré Scvortov, Vorobev, Gasiev et les autres, dans les rangs du Dinamo RNO Alania, tombeur du Abensberg d’Iliadis par 3-2, le Yawara-Neva allait se montrer intransigeant en finale, emportant les cinq victoires, Murat Khabachirov, vice-champion d’Europe en 2012, entrant en -81 kg à la place de Shirazudin Magomedov. Décidément, la présence russe est de plus en plus étouffante au niveau européen et ce Yawara-Neva en est la phénoménale illustration.
Les clubs français allaient-ils garder l’or européen pour la troisième fois chez les féminines ?
Face à Pontault-Combault, Champigny et Limoges, quatre équipes seulement. Deux russes, celle du Yawara-Neva – emmenée par la médaillée mondiale Kuziutina secondée par les médaillées européennes Zabludina et Labazina – et celle d’Ugra Khanty-Mansiysk, avec la lourde Vera Moskalyuk en leader. Les Italiennes de Fiamme Gialle Roma, avec son lot d’internationales transalpines, dont la -63 kg Edwige Gwend, récente finaliste du Grand Chelem du Japon et victorieuse du Grand Prix de Géorgie cette année devant Yarden Gerbi. Et enfin le terrible groupe des « Turques » du Galatasaray d’Istanbul, avec deux fers de lance en acier trempé, la championne du monde kosovare Maljinda Kelmendi en -52 kg et la championne du monde 2013 et vice championne du monde 2014 israélienne Yarden Gerbi en -63 kg.
© Marina Mayorova – EJU / La fougue d’Alexia Caillon n’a pas suffi face à la double finaliste mondiale Yarden Gerbi.
Champigny battu par… Ketty Mathé !
Sans Fanny-Estelle Posvite, c’était une gageure pour Limoges, et dès le premier tour, malgré une belle victoire de départ de la jeune Eloise Combeau, les Limougeaudes se faisaient sortir par les Romaines.
C’est Champigny qui rencontrait en premier la terrible équipe turque du Galatasaray. Amandine Buchard amenait le premier point par ippon sur Ebru Sahin (médaillée européenne 2013 en -48 kg), mais Lola Bennaroche finissait par céder d’un yuko devant Kelmendi alignée en -57 kg, non sans l’avoir entraînée dans un golden score de presque une minute. Yarden Gerbi se garantissait bien un waza-ari d’avance face à la remuante Alexia Caillon, qui se permettait de lui marquer un yuko. mais comme Valériane Fichot dominait facilement la Turque Sukran Bakacak par ippon au combat suivant, les deux équipes se retrouvaient à égalité, avantage aux points pour les Champignassiennes, la championne d’Europe et médaillée mondiale Emilie Andeol à suivre… Sur le papier, la lourde turque était une énigme : Kayra Almira Ozdemir, une inconnue au bataillon ou les médaillées européennes Kocaturk et Kaya sont adjudantes. Sauf que son visage (et sa silhouette) ne l’était pas pour ses adversaires françaises, puisqu’il s’agissait de l’ancienne internationale française Ketty Mathé, ancien grand espoir olympique pour la France, désormais naturalisée turque pour un « Ketty Mathé II, the revenge ». Elle qui avait trop souvent était suspendue pour consommation de cannabis et n’avait plus sa place en équipe de France, place occupée désormais par Andeol était volontaire pour montrer ce qu’elle valait. Et c’est elle, la néo-Turque, qui l’emportait sur la Française Andeol marquant waza-ari et ippon à sa rivale. Un joli coup pour « Kayra Almira Ozdemir », qui permettait à Istanbul de sortir la grosse équipe de Champigny.
Mathé-Ozdemir frappe encore
Au tour suivant, Galatasaray prenait Pontault-Combault, vainqueur facile de la seconde équipe turque par 4-1. Kelmendi, ouvreuse en -52 kg, amenait le premier point contre Elodie Grou et Ayse Saadet Arca battait Treicy Etiennar aux pénalités. Anne-Laure Bellard apportait un point à Pontault, sans combattre, Yarden Gerbi n’étant pas inscrite sur la feuille de match. Mais l’Anglaise Sally Conway – autre renfort de prestige pour les Turques – dominait largement Maya Thoyer au combat suivant. À trois-un pour Galatasaray, la prestation finale de Mademoiselle Ozdemir n’était plus décisive, mais Mathé-Ozdemir allait quand même avoir à cœur de terminer par un ippon en quinze secondes sur Anne-Fatoumata M’Bairo.
Pontault-Combault allait finir en bronze contre les filles de Limoges par 3-2, mais Champigny buvait le calice jusqu’à la lie en subissant une grosse défaite contre les Russes du Yawara-Neva (lesquelles avaient été écartées de la finale par les Italiennes, alors qu’elles menaient deux victoires à rien). La championne d’Europe et médaillée mondiale Natalia Kuziutina allait apporter en effet un premier point très important du côté russe en battant Amandine Buchard d’un yuko et la suite allait dérouler tranquillement : victoire de Zabludina par ippon sur Bennaroche, de Labazina par ippon sur Caillon, de Prokopenko sur Fichot par ippon, et de Chibisova par yuko sur Andeol – qui a décidément passé une mauvaise journée.
© Marina Mayorova – EJU / Ketty Mathé-Ozdemir a fait forte impression auprès des Kelmendi, Gerbi et Conway.
En finale, c’est Galatasaray qui sortait vainqueur par 3-2 d’un affrontement serré avec les Italiennes, emportant la première victoire par Kelmendi encore une fois en -52 kg, puis par la victoire décisive de Yarden Gerbi sur Gwend. À égalité sur le dernier combat, Galatasaray emportait le dernier point par sa nouvelle recrue française, qui dominait facilement l’internationale italienne Galeone. Un beau début de carrière turque pour Ketty Mathé.