Malgré Takato, la sélection européenne s’impose par 10-4
L’ECCO challenge ? Une compétition d’un genre nouveau proposée par les Fédérations mondiale et européenne et qui, sur le papier, était prometteuse. C’était à Tyumen, devant le Président de l’Union Européenne de Judo Sergey Soloveychik et dans une atmosphère de « grand messe » à la russe que deux équipes de 14 combattants (les sept catégories féminines et les sept catégories masculines), représentant respectivement l’Europe et l’Asie, allaient en découdre pour la première fois. En théorie les meilleurs des meilleurs de chaque côté, en pratique, deux groupes très copieux tout de même (voir les compositions ici) plutôt russo-néerlandais pour l’Europe, et Japono-coréeno-mongol pour l’Asie.
Comme toujours, il apparait difficile de créer un événement de toute pièce, et d’abord parce que les combattants eux-mêmes ont un peu de mal à y croire. C’est d’ailleurs surtout sur ce plan que l’Europe a semblé la meilleure, de bout en bout plus concernée – c’était organisé en Russie avec Ezio Gamba comme directeur d’équipe – face à une Asie tout juste appliquée, et qui avait même du mal à taper dans les mains des combattants descendus du tapis, à faire corps.
Partie assez fort, cette longue confrontation assez vite jouée sur le plan du score, a fini par s’étioler un peu et par perdre de son intérêt, d’autant qu’elle aurait peut-être méritée un petit effort de nouveauté dans la mise en scène. Ce qu’il reste néanmoins de ce premier événement du genre ? Une bonne idée qui peut prendre du volume au fil du temps, une nette victoire de l’Europe et de bons moments de judo.
Takato – Galstyan, le pur moment
La petite russe épatante Alesya Kuznetsova, remplaçant au pied levé la Hongroise Csernoviczki, lançait bien l’Europe et l’esprit de la compétition avec son rythme constant et ses attaques au sol très intéressantes. Elle battait d’un petit shido la championne du monde mongole Munkhbat Urantsetseg, peu inspirée. Le combat suivant, celui des -60 kg masculins, était le plus excitant du jour a-priori, et il allait être le vrai événement de la compétition. Le champion olympique 2012 russe, Arsen Galstyan encore peu présent sur les tournois malgré une 3e place à Abou Dhabi, recevait devant son public le lutin infernal, le souriant et foudroyant Naohisa Takato, le Japonais champion du monde 2013. Malgré tout son formidable talent, le Russe allait totalement étouffé à la garde, toujours pris de vitesse sur la saisie. Dès la première, avec une excellente prise sur la manche, le Japonais touchait comme un fleuretiste et projetait pour yuko avec un ko-uchi-gari tout en fluidité. Maître de son sujet et de son adversaire, le petit escrimeur virtuose en plaçait encore un du même genre et finissait sa démonstration sur un incroyable o-soto-gari. À la fin de l’envoi, je touche… Arsen Galstyan la tête un peu basse et la mâchoire serrée, ne pouvait que saluer avec respect le plus fort ce jour-là. Naohisa Takato revenait vers son camp en sautillant comme un ado… qu’il est encore, ou presque, puisqu’il a tout juste vingt ans. La confrontation de ces deux-là va valoir le coup dans les mois et les années à venir.
Les Mongols boivent la tasse
La surprise venait ensuite de la victoire de la Roumaine Chitu en -52 kg sur la médaillée mondiale japonaise Hashimoto, moins autoritaire depuis son échec (relatif) à Rio. Prise en traction sur la manche, elle se faisait surprendre par le changement de direction en ko-soto-gake de l’athlétique roumaine. L’Ukrainien Zantaraya parvenait à dérouler le vice champion du monde kazakh Mukanov sur kubi-nage et la Portugaise Telma Monteiro réussissait un très beau combat sur la Mongole n°4 mondiale, Sumiya Dorjsuren, en l’étranglant avec beaucoup de maîtrise. Le Néerlandais Dax Elmont enfonçait le clou avec un très gros combat sur le guerrier mongol Khashbaatar Tsagaanbaatar, lequel le broyait à la garde et lui faisait prendre trois shido, mais subissait le très beau o-uchi-gari du Néerlandais, impressionnant sur le plan technique. L’Europe était en train de « tuer le match », et les trois Mongols présents venaient tous de baisser le pavillon, mais la Japonaise Abe Kana prenait sa revanche de la médaille de bronze de Rio perdue en prenant la Nérlandaise Annicka Van Emden au sol et, seul contre-performance pour l’Europe, mais relative, le n°1 mondial en -81 kg, le Géorgien Avtandil Tchrikishvili était dominé techniquement par Yakhyo Imamov, l’Ouzbek, d’un sasae en contre et d’un seoi-nage pour ippon. Cet excellent technicien ouzbek avait déjà fait le même coup au leadr mondial géorgien en gagnant le tournoi de Paris de l’année dernière. Un retour de l’Asie ? Juste un dernier soubresaut. L’Allemande Vargas-Koch (-70 kg) se faisait expulser sur un énorme ko-soto-gake en reprise de garde en « prise de l’ours » par la Coréenne Kim Seongyeon, mais le ippon légitime se changeait en pénalité contre la Coréenne. En regardant ce joli pion, on se demande encore pourquoi il fallait l’interdire.Le poin était néanmoins pour l’Europe. Ensuite le Géorgien Lipartelliani dominait le Coréen Lee Kyu-Won sur un sumi-gaeshi opportuniste. L’Asie se donnait encore un peu des raisons d’y croire avec une victoire aux pénalités de la Coréenne Jeong face à la Hongroise Joo, mais le duel continental se concluait avec l’un des menhirs européens, le pâle et surpuissant Henk Grol, qui parvenait à tenir à bouts de bras l’Ouzbek Kurbanov, l’une des révélations des championnats du monde. Un combat sérieux du Néerlandais qui allait ensuite s’écrouler sur le dos dans les jambes de ses camarades d’équipe, manifestement totalement exténué.
Il restait encore à accumuler quelques points de bonus, alors que l’équipe d’Europe célébrait sobrement la victoire. La Slovène Polavder grapillait la victoire aux pénalités face à la grande Coréenne Kim et c’est le baron européen, le vieux seigneur russe Mikhaylin, qui concluait face au jeune Khirghize Yuri Krakovetskii par une belle projection en harai-goshi dont il semblait ne plus avoir le secret. Une projection si dynamique que son adversaire lui échappait dans la rotation et finissait seul au sol. Un beau geste pour finir.