Du 17 au 19 octobre prochains, les représentants de chaque club affilié à France Judo vont être appelés à voter, par voie électronique, pour le nouveau conseil d’administration fédéral lors de l’assemblée générale élective. Deux listes sont candidates : « Unis pour le Judo » à la tête de laquelle figure Frank Opitz, à qui nous avons donné la parole ce mardi, et le Collectif « Pour le Judo » mené par l’actuel président Stéphane Nomis, qui brigue un second mandat. Voici son interview pour vous permettre de mieux connaître les motivations et les ambitions de son équipe. 

Stéphane Nomis. © Collectif pour le Judo

Quel bilan dressez-vous de ces quatre années passées à la tête de la fédération ?
Quand je me suis lancé dans la bataille pour 2020, ma motivation la plus forte était de transformer notre fédération, en la démocratisant et en la modernisant. C’était un véritable défi, une tâche très différente de ce que j’ai pu connaître avec mes sociétés car il s’agit du monde associatif, mais j’y ai mis toute mon énergie positive et mon enthousiasme. Je me suis engagé parce que je pensais qu’il était nécessaire de changer les choses, et parce que je savais que j’avais les moyens de réussir un tel projet, en faisant ce que je sais bien faire : m’entourer des bonnes personnes. Jigoro Kano s’était donné comme mission d’élever les hommes par la voie du judo, et je crois fermement en cette mission. Tous ceux que l’on forme aujourd’hui, tous ces gens qui viennent au judo, qui ont la chance de trouver de bons professeurs qui les amènent à la ceinture noire, transforment leur vie à jamais. L’idée forte de ce premier mandat, le programme 1000 Dojos, s’inscrit dans ce cadre-là. À ce jour, nous avons atteint les quatre-cents projets validés. Avec mille nouveaux dojos, nous aurons doté 20% de nos associations, ce qui est considérable. Sans rien imposer à personne, car il ne faut jamais perdre de vue que le judo appartient aux gens des clubs. Ce sont les professeurs qui dirigent la pratique à leur façon, selon leur sensibilité et le public qui se présente devant eux. Chaque situation est différente, en milieu rural, dans les écoles, en EHPAD, en centre-ville… avec toujours la même finalité : rendre meilleurs ceux qui sont sur le tapis.

Qu’avez-vous appris durant ce mandat ?
Je crois que dans les quatre années que j’ai passées à la tête de cette institution, j’ai perçu encore plus en profondeur l’extraordinaire puissance du judo dans sa dimension sociale, une puissance que notre collectivité nationale ne mesure pas encore à sa juste valeur, qui va bien au-delà de la dimension du sport. Au regard de cette puissance que possède le judo, il fallait redonner de l’élan à notre fédération pour qu’elle soit à la hauteur de sa responsabilité. Il a fallu se faire très vite à la situation, renouer des liens aussi bien avec les acteurs sociaux en France qu’avec les fédérations étrangères, en convaincant de notre sérieux et de notre professionnalisme. Nous avons beaucoup appris, moi le premier. Être président, c’est un grand écart permanent, et passionnant, où l’on côtoie dans la même journée le professeur de club et le président de la République, et il faut maîtriser les codes de chaque monde. C’est enrichissant ! Face aux politiques, aux décideurs, je mets en avant en permanence les valeurs précieuses du judo pour la société et les Jeux de Paris ont été une formidable caisse de résonance car, au-delà des médailles récoltées par nos athlètes olympiques et paralympiques, c’est l’image magnifique qu’a renvoyé notre discipline qui a touché et impressionné tout le monde. On a pu voir le respect des combattants les uns pour les autres, l’empathie des vainqueurs pour les vaincus, les émotions incroyables qui se sont dégagées tous les jours et que nous avons eu la chance de vivre tous ensemble.

Avec quelles ambitions avez-vous décidé de vous présenter à nouveau ?
Il faut pérenniser tout le travail engagé, solidifier les bases, aller au bout des dossiers. Le programme 1000 Dojos que nous avons déjà évoqué, mais aussi un financement plus fiable de nos professeurs, en trouvant notamment des partenariats avec des grosses entreprises sur tout le territoire. Nous venons de concrétiser un accord avec McDonald’s pour un professeur basé sur Orléans : il travaille pour eux le matin dans un travail de gestion d’équipe, et il retrouve son club de judo l’après-midi. Si cela fonctionne, étendons ce projet à l’échelle nationale, et sollicitons d’autres sociétés de ce niveau qui pourront, elles aussi, être intéressées par ces profils marqués par la rigueur, la fiabilité et le sérieux, ces qualités associées à notre ceinture noire. C’est une ingénierie à trouver et à mettre en place pour consolider le statut de nos enseignants, en allant chercher l’argent où il se trouve pour pouvoir en reverser un maximum à nos clubs afin qu’ils vivent mieux. Nous nous devons d’explorer toutes les solutions possibles, en parvenant à diversifier une économie fédérale jusque là fondée sur les licences et les subventions de l’État, dont on peut penser qu’elles sont amenées à se réduire dans les années à venir. Nous avons déjà fait beaucoup dans ce sens et il faut continuer, car il faudra des moyens pour développer nos projets, le judo et son image. La solidité financière de la fédération profite aux clubs et aux licenciés et nous permet de faire face aux épreuves, dont le covid nous a enseigné qu’elles étaient toujours possibles.

Quels seront vos autres chantiers prioritaires en cas de réélection ?
Les clubs et leurs dirigeants que je rencontre au quotidien me font part de la problématique qu’ils rencontrent, la perte des bénévoles et la difficulté de ceux-ci à gérer les clubs. Lors de notre premier mandat, nous avons d’abord dû redresser la barre sur le plan financier – nous sommes passés de vingt-cinq à quarante millions de budget sur l’olympiade – et nous n’avons pas eu le temps nécessaire pour prendre à bras le corps ce dossier. Demain, nous devons pouvoir proposer des outils qui permettraient aux clubs de gérer les licences et les compétitions, mais aussi leurs finances, les remises de frais aux bénévoles, les adhésions, dans un rapport direct et facilitant avec la fédération. On pourrait en faire un véritable game changer pour les associations et, là encore, une façon de créer de la consistance et de la cohésion dans la dynamique sociale actuelle. Nous avons encore besoin d’approfondir les enjeux liés aux grades, à la culture. La réussite des Jeux de Paris a ouvert le champ d’une réforme du système du haut niveau sportif et de la filière d’accès. Nous avons engagé le travail sur le jujitsu et il faut continuer à modéliser les choses.

Comment souhaitez-vous le faire ?
Je suis partisan, à l’entrée de cette nouvelle olympiade et de ce nouveau mandat, de mettre sur pied des assises qui nous permettraient de donner la parole à qui veut la prendre et de recueillir les idées qui émergeront de ces temps d’échanges. Nous devons réfléchir, par exemple, à la façon dont on reste fidèle à soi-même et aux repères des générations précédentes, tout en parlant aux générations nouvelles. C’est un beau sujet de réflexion collective. Il y a encore beaucoup de travail, et c’est ce qui rend la mission excitante pour les prochaines années. Et en développant le judo français, nous savons que nous contribuons aussi à faire grandir le judo mondial, ce qui est une responsabilité que nous avons à prendre. La Fédération Internationale a regardé du côté de la France pendant les Jeux et a été impressionnée par nos actions, L’Itinéraire des Champions, les 1000 Dojos, la Judo Pro League, et même Kodomo !  Il est désormais temps de mieux nous faire entendre, mieux nous faire comprendre à leur niveau. Nous avons relancé nos relations internationales qui étaient au point mort. En particulier avec le Japon. Les dirigeants japonais nous interrogent sur ce que nous avons mis en place qui pourrait s’adapter à leur culture, car ils ont besoin de redynamiser la pratique du judo là-bas et de toucher positivement un plus large public. De notre côté évidemment, nous sommes toujours désireux de mieux comprendre ce qui fait la force et l’excellence du judo japonais. C’est une relation où tout le monde a quelque chose à gagner. Les Jeux sont à peine terminés que nous sommes aussi déjà à pied d’œuvre pour aider les États-Unis à organiser les épreuves de judo dans quatre ans. Nous avons par ailleurs été missionnés sur la réforme de la Champions League par l’UEJ, où notre présence dans l’instance sera prochainement renforcée. Dans les quatre ans qui viennent, nous sommes déterminés à nous engager pour le judo en France et à le faire reconnaître dans le monde entier.

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