Après les médailles de Walide Khyar et Romaric Bouda, ce vendredi était attendu avec beaucoup d’excitation par les passionnés de l’Hexagone. Une impatience liée en grande partie au retour sur la scène internationale de Loic Pietri, le champion du monde 2013, dans sa catégorie d’origine. Un come-back malheureusement avorté lors d’un second jour de compétition lors duquel le spectacle n’aura une nouvelle fois pas été au rendez-vous. On retiendra néanmoins les quatre victoires européennes et prolifique journée italienne, avec Fabio Basile en chef de file.
Pietri et Chilard, ça coince
C’est la catégorie qui cristallise les inquiétudes françaises. En effet, elle n’est pour l’instant pas qualifiée pour Tokyo. Rien d’étonnant à la voir donc systématiquement – ou presque – doublée. Ce vendredi, c’est Nicolas Chilard et Loic Pietri qui étaient de cordée. Le premier, blessée à une côte il y a peu de temps, ne trouve pas la solution face au Hongrois Benedek Toth, 7e des championnats d’Europe juniors 2020 et vainqueur de l’Open européen de Prague fin février. N’arrivant pas à enfoncer le clou pour faire tomber la fameuse troisième pénalité, le judoka de Sucy Judo se fait enrouler sur un makikomi au golden score. Une prestation mitigée, très loin en tout cas de celle extrêmement séduisante de Budapest, où le Breton avait fini en bronze en octobre dernier.
Restait alors Loic Pietri. Le triple médaille mondial, qui vient de se lancer un challenge un peu fou : redescendre dans la catégorie qui avait fait de lui l’un des meilleurs combattants du monde lors de l’olympiade précédente et aller chercher un second ticket olympique. Sélectionné après sa victoire lors des test-matches nationaux, le Niçois débutait sereinement dans sa compétition avec une entrée en lice parfaitement maîtrisée face au Dominicain Del Orbe Cortorreal. Un waza-ari marqué sur ko-uchi-gari en début de combat et une domination constante. Pour son second tour, le triple médaillé européen retrouvait un Polonais, Pawel Drzymal, 344e mondial. Une rencontre à sens unique où toutes les attaques fortes étaient l’oeuvre du Français : ko-uchi makikomi, ura-nage, morote-seoi-nage inversé. Pourtant, sur une action à une minute de la fin, Pietri se faisait contre sur un yoko-guruma compté waza-ari. Le seul mouvement lancé par Dryzmal mais qui douchait malheureusement les ambitions du Tricolore.
On retiendra néanmoins l’absence totale d’inhibition du champion français, qui n’aura jamais joué petit bras. Mais un Loic Pietri bien évidemment « frustré » comme il nous le racontait par Whatsapp : « je me sentais vraiment bien ! Mais je fais malheureusement une seule erreur. Je lance un ippon-seoi-nage mais pas à fond car je pense en même temps à faire un ko-uchi. Là je suis dégoûté car j’ai beaucoup attaqué, je n’ai pas grand-chose à me reprocher…à part cette erreur qui me coûte le combat. J’espère vraiment avoir une seconde chance car les sensations sont bien là. Maintenant, cela ne dépend plus de moi. »
Les masculins italiens engrangent
Une catégorie des -81kg finalement remportée par le Turc Vedat Albayrak. Opposé à l’Italien Christian Parlati en finale, dont la relâchement permanent et la capacité à imposer un faux rythme sont tout à fait remarquables, l’ancien Géorgien et Grec (sous le nom de Roman Moustopoulos) marque un précieux waza-ari sur utsuri-goshi. Vainqueur du Grand Chelem hongrois, Albayrak s’assure probablement le fait d’être l’une des cinq premières tête de série à Tokyo avec ce nouveau titre. Parlati, de son côté, continue sur son excellente dynamique, qui le voit donc prendre l’argent ici, après l’or de Tahkent.
Un vendredi bellissimo pour l’Italie puisque Fabio Basile, son golden boy du club de l’Akiyama Settimo, va chercher l’or en -73kg. On l’avait vu très « léger » dans les mains du Français Chaine à Tashkent au début du mois. Cette fois le champion olympique des -66kg avait la bonne carburation. Toujours un peu en dessous physiquement par rapport aux hommes forts des -73kg, il se montrait intenable par sa mobilité dans son style particulier, corps un peu cassé, aspiration constante de l’adversaire, des déplacements latéraux sanctionnés de formidables balayages et de o-soto-otoshi imparables. Il s’offrait rien de moins que le colossal champion d’Europe slovène Sterpu sur l’un d’entre eux. Une finale à sens unique face au Turc Bayram Kandemir, surprise totale de cette journée : ce dernier finit en argent pour sa première compétition seniors (!), lui qui n’a aucune référence chez les juniors. Une rencontre que le Transalpin s’adjuge sur un waza-ari très léger avec un uchi-mata tout en élan circulaire. Notons aussi le… shido donné sur la première action à Basile alors que ce dernier avait balayé magnifiquement et envoyé dans les pommes Kandemir sur une liaison debout-sol et un étranglement de mammouth en quelques secondes ! Un shido qu’on serait curieux de comprendre – a-priori un contrôle de la jambe tendu sans aucune tension dangereuse – car même le geste de l’arbitre géorgien, un peu perdu, n’avait rien de clair… En plus du champion d’Europe en titre, le Transalpin surclassee le Canadien Margelidon, 5e mondial, en demi-finale. Une très bonne journée. Et si Fabio Basile réussissait le pari d’être une nouvelle fois le « danger olympique » dans la catégorie supérieure, cinq ans après ?
Expéditive Polling
Et chez les féminines ? Victoire de la Britannique Lucy Renshall en -63kg. Cinquième la semaine dernière à Tbilissi, la 22e mondiale place un très joli ko-uchi-gake à la Vénézuelienne Anriquelis Barrios, 12e à la ranking-list, et très régulière sur le circuit (3e à Tashkent, 5e au Masters, 2e aux championnats panaméricains 2020). En -70kg, Kim Polling atomise la Croate Barbara Matic sur un sode-tsuri-komi-goshi, où la première tourne à l’envers, et un uchi-mata en amené, à la manière du nage-no-kata Du travail expéditif ! Cinquième mondiale, la Hollandaise sera sans aucun doute l’une des prétendantes à une médaille olympique. La seule qui manque à la quadruple championne continentale.
Ce soir, l’Italie prend la tête avec deux titres et deux médailles d’argent devant le Canada, qui glane deux nouvelles médailles de bronze grâce à Catherine Beauchemin-Pinard en -63kg (vainqueur à Tbilissi) et Arthur Margelidon (2e lui en Géorgie). L’équipe de Nicolas Gill sait maximiser ses sorties.
Demain dernier Français en lice samedi avec Cyrille Maret qui n’aura pas la partie facile avec un premier tour compliqué contre l’Azerbaïdjanais Kotsoiev. Le Bourguignon sera tout de suite dans le dur pour son formidable retour !