… et Walide Khyar sur orbite
Il faut se rendre à l’évidence, nous sommes déjà dans la zone d’influence de la tempête « Rio 2016 », une dépression d’été encore bien lointaine, mais qui mine déjà les motivations et les forces de combattants de Paris dont l’esprit est déjà ailleurs, là-bas, où les orages électriques s’accumulent. Ce premier jour du Grand Chelem parisien est marqué par cette ambiance de calme plat précédant le grain sud-américain.
Le Japon place ses pions
Le Japon n’a pas laissé une impression magistrale, mais ses représentants sont dans trois finales et ils emportent deux médailles d’or pour quatre médailles en tout. Ce sont les deux -48 kg qui sont les manquantes les plus visibles, peu flambantes, sans doute conscientes que le choix entre elles deux, Asami et Kondo, va se jouer sur le championnat national nippon plutôt que sur les bords de Seine. Miku Tashiro en revanche, qui avait encore des preuves à faire à l’international, se classe finaliste en battant la championne du monde slovène Trstenjak – elle aussi en petite forme aujourd’hui. Chez les garçons le médaillé mondial Toru Shishime (-60 kg) livre une prestation minimum, toujours avec l’air de s’ennuyer, mais avec beaucoup de marge sur les autres. Il fait un sélectionné olympique crédible dans la catégorie de Takato. Le triple champion du monde Ebinuma (-66 kg) s’applique de son côté pour bien montrer qu’il est de retour. Une prestation encore fragile, mais déjà belle à voir. Le double champion du monde 2011 et 2014 Nakaya finalement 5e avec une blessure à la clé, le vainqueur de Paris 2015 en -73 kg, le brillant champion du monde 2010 Akimoto (retrouvez ici son « c’est la guerre » en français), a montré pour la première fois depuis longtemps quelques limites, se faisant déborder par le Coréen An Changrim et se contentant du bronze. Une bonne nouvelle pour leur rival Shohei Ono, champion du monde 2013 et 2015.
Le dégel des Coréennes
À deux médailles d’or aussi, pour autant de médailles que le Japon, la Corée. Venue avec son équipe une, elle n’a pas tout raflé chez les masculins, le champion du monde An Baul (-66 kg) étant notamment dominé par le Japonais Ebinuma. Mais la nouveauté c’est la victoire probante d’une fille, la -57 kg Kim Jan-Di, très solide en finale notamment contre la n°1 mondiale, la Mongole Dorjsuren. On annonce depuis quelques temps la montée en puissance du groupe féminin coréen emmené par l’ancien champion Lee Won-Hee, cette victoire autoritaire en est aujourd’hui la manifestation la plus claire. En hibernation depuis leur grandes années 1991 – 1997, les Coréennes sortent d’un long hiver. Ça va chauffer.
De l’Asie toujours avec la Mongolie, trois fois médaillée, mais trois fois en argent ! Une forte présence tout de même.
Abra Galbadrakh !
De l’Asie encore avec l’intrusion très spectaculaire d’une nouvelle Kazakhstanaise, Otgontsetseg Galbadrakh, 24 ans… qui est en fait une ancienne Mongole très forte passée de l’autre côté de la steppe. Grosse journée ! Elle explose la Japonaise Kondo d’un coup de tête (suivie d’un étranglement), domine la Cubaine par ippon, contrôle la championne d’Europe belge Van Snick avant d’aller marquer un yuko en finale sur tomoe-nage à son ancienne compatriote, la championne du monde Munkhbat. Un parcours, mais aussi le signe que dans cette catégorie des super-légères, à commencer par la Française Buchard (voir par ailleurs), toutes les filles ont du mal à quelques mois des Jeux. Chaque régime va compter. Chaque point gagné sera précieux.
Kelmendi humiliante
En Europe, il y a elle et les autres. La Kosovare Kelmendi aime manifestement faire ses emplettes à Paris, elle gagne son second Grand Chelem parisien en moins de cinq mois, mille points en deux « shopping » du côté de Bercy-Village. Sa seconde prestation, celle de ce samedi, est particulièrement bluffante. Elle laisse tout le monde très loin derrière, humiliant au passage quelques rivales, dont la Française Euranie, sonnée pour le compte, la Roumaine Chitu, éparpillée façon puzzle sur un juji-gatame extra-terrestre. Une démonstration soulignée par sa gentille sollicitude, après, pour les filles qu’elle vient juste de détruire. Kelmendi peut-elle être battue à Rio ?
Et la France, dans son « jardin » ?
La France du samedi peut compter une nouvelle fois sur Clarisse Agbegnenou (-63 kg), dont le retour en pleine confiance, en pleine lumière, est le fait du jour (voir sa réaction ici). Elle se charge elle-même de battre l’une de ses rivales proclamées, l’Allemande Trajdos, plaquée sur le dos, et écarte toute arrière-pensée japonaise de se replacer dans cette catégorie en martyrisant une nouvelle fois Miku Tashiro en finale, sa quatrième victoire de suite contre elle. Troisième titre à Paris après celui de 2013 et 2014, Agbegnenou est là.
Pas de Sofiane Milous ni de Vincent Limare en -60 kg, qui rate une nouvelle belle occasion de s’imposer, pas de Loïc Korval en -66 kg, une mauvaise surprise tant il paraissait de plus en plus sûr de lui ces derniers temps, pas de Guillaume Chaine ni de Pierre Duprat sur les podiums -73 kg, pas d’Hélène Receveaux, pourtant souvent médaillée en 2015, (voir EDJ 60 prochainement en kiosque), pas même d’Automne Pavia en -57 kg. Certes Automne Pavia a fait beaucoup mieux que sur ses derniers tournois où elle s’était éclipsée dès le premier tour, mais elle échoue à monter sur le podium et se trouve de nouvelles adversaires dangereuses avec la Mongole Dorjsuren (qui est à 2-0 contre elle) et l’Américaine Marti Malloy qui ne l’avait jamais battue. Plus présente, plus agressive, mais aussi « trouée » deux fois sur deux mouvements d’épaule, deux mises en défaut qui montre que la grande blonde manque un peu d’entraînement dur en ce moment. Elle a quelques mois pour retrouver son âpreté à l’entraînement.
Pas non plus tous ces combattants espérés, les Arthur Clerget, Laetitia Payet, Mélanie Clément, Florent Urani ou Matthias Boucher, pour n’en citer que quelques uns, dont les espoirs ont été douché avec plus ou moins de rapidité.
Outre Clarisse, il reste donc nos deux -52 kg qui ne se lâchent pas d’une semelle. Annabelle Euranie et Priscilla Gento. Deux médailles de bronze à la fin du compte, mais encore une fois une victoire pour Annabelle contre Priscilla en confrontation directe… la quatrième de suite en compétition internationale depuis le Grand Chelem de Bakou 2014 !
Le Khyar d’heure de Walide
L’honneur d’égayer la journée pour les Français est venu aussi de deux nouveaux visages (pour le grand public). Kilian Le Blouch (-66 kg), minimaliste avec son intransigeance sur les mains, mais présent mentalement et intelligent dans les combats, fut sans doute l’un des adversaires le plus difficile du vainqueur Japonais Ebinuma qui s’en tira d’un décalage aux pénalités. Une médaille de bronze, comme une revanche sur le peu de crédit qu’il possède aux yeux des responsables fédéraux, malgré la place qu’il a progressivement prise en senior à force de travail. Après quelques victoires significatives en open, il passe un cap aujourd’hui avec cette médaille de prestige devant sa famille et ses amis (voir sa réaction pleine d’émotion ici). Walide Khyar, son élève à FLAM91, fut le plus ébouriffant d’une journée un peu terne, battu seulement (mais dans les grandes largeurs), par le Japonais Toru Shishime. Il sort entre autre l’espoir espagnol Garrigos, le médaillé olympique brésilien Kitadai, 14e mondial, l’Allemand Englmaier, 19e mondial (sur un remarquable uchi-mata), et le n°7 mondial, l’Ouzbek Lutfillaev, qui venait de le battre à Cuba (voir ce qu’il en pense ici). En octobre, il sortait du championnat du monde junior avec une médaille, en décembre il était troisième au Grand Prix de Chine, le voici troisième au Grand Chelem de Paris en février. Dans le rôle du joker qui tente le hold-up sur la fragile catégorie des -60 kg, il est tout simplement parfait pour l’instant.