Organisé deux semaines après Paris, l’événement israélien a donc rendu son verdict. Un Grand Chelem de sélection pour l’équipe de France, car si une seule place reste à attribuer chez les féminines, il en reste quatre chez les masculins. Tel Aviv étant même l’ultime occasion pour les judokates présentes de se mettre en lumière afin de rejoindre les huit autres titulaires mondiales. Certains garçons auront eux encore la possibilité de valider leur billet pour Doha avec le Grand Chelem de Tashkent.
Comme à l’AccorArena, la France termine en tête de la compétition avec trois titres : Blandine Pont (-48kg, RSC Champigny), Margaux Pinot (-70kg, US Orléans Loiret JJJ) et Luka Mkheidze (-60kg, Sucy Judo). Pont, championne de France en titre, qu’on n’arrête plus puisqu’elle fait le doublé après sa victoire pleine de panache à Paris. Une performance qu’elle est la seule à réaliser – la Canadienne Jessica Klimkait termine en argent à Paris et en or ici à Tel Aviv -, qui acte la remarquable dynamique actuelle de l’étudiante en chirurgie dentaire. Argument décisif pour être la neuvième sélectionnée pour Doha dans trois mois (7-14 mai, Qatar) ?
Victorieuse de la coupe européenne d’Espagne mi-octobre, troisième un mois avant à l’Open européen d’Italie, elle ne classe pas à Tokyo et Jérusalem, battue toutefois au Japon par la jeune Japonaise Miyaki Kano, qui finira en or à la fin de la journée. Durant ce mois de février particulièrement faste, Pont aura gagné dix combats entre la capitale française et la capitale économique israélienne, ne rencontrant toutefois qu’une seule judoka du top 10, la Serbe Milica Nikolic (n°8), en finale de Paris, mais qu’elle domine nettement.
La Campinoise donne l’impression d’avoir passé un cap depuis le début de l’olympiade avec une victoire en Grand Prix (Croatie fin septembre 2021) et cinq médailles en Grand Chelem (dont deux titres) sur huit sorties. Une régularité qu’un ticket mondial pourrait venir récompenser.
Reste que la victoire de Margaux Pinot (US Orléans Loiret JJJ) en -70kg et la deuxième place de Madeleine Malonga (Étoile sportive Blanc-Mesnil Judo) viennent complexifier le choix du comité de sélection. La première bat la Croate Lara Cvjetko (n°6 mondiale) et l’Allemande Miriam Butkereit (n°8) ce vendredi. Deux victoires aux pénalités et une revanche prise contre la Croate qui avait éliminé la Française lors des championnats du monde 2022 à Tashkent. Septième à Paris, la championne olympique par équipes renoue avec le podium après plus de neuf mois de disette – et sa médaille de bronze aux championnats d’Europe -, mais pendant lesquelles elle n’aura participé qu’à deux compétitions (championnats du monde et Masters). Une victoire qui la remet en selle, sa quatrième en Grand Chelem, où on a pu observer l’Orlénaise maitriser sa finale de bout en bout face à Butkereit qui ne trouva jamais la solution face à la précision du kumikata de Pinot. Une dynamique relancée, suffisante pour être du voyage qatari ?
Madeleine Malonga, elle, termine deuxième hier. Une nouvelle médaille pour la vice championne olympique de Tokyo dont l’un des principaux atouts tiendra dans une capacité certaine à être très souvent classée et/ou médaillée : depuis l’été 2021, la -78kg a participé à neuf compétitions. Elle en revient sept fois dans les cinq premières et quatre fois sur le podium. Hier, elle bat, certes non sans mal, la Japonaise Mami Umeki en demi-finale. En finale, elle cède face à l’Italienne Alice Bellandi. Montée de catégorie après les JO, la Transalpine confirme que ce choix fut le bon : quatrième titre sur le circuit FIJ consécutif et une image de judokate particulièrement difficile à manoeuvrer et qui aura beaucoup fait tomber ce samedi. Malonga aura de son côté montré des séquences intéressantes avec un uchi-mata retrouvé et terriblement impactant qui lui permit de remporter très rapidement ses deux premiers combats.
Alors qui de Pont, Pinot et Malonga sera l’ultime sélectionnée pour le Qatar ? Réponse très rapidement.
Pour son retour sur le circuit, la Reine Clarisse termine à la septième place dans des conditions qu’on a su loin d’être idéales.
Elle sera du voyage à Doha pour un sixième titre après un Grand Chelem qui lui aura permis de prendre nombre d’informations avant le Qatar.
Chez les garçons, Luka Mkheidze (Sucy Judo) s’est montré fort et incisif. Titré jeudi, il enchaîne un sixième médaille sur ses six dernières sorties internationales. Mais il y a plus que cela. Comme au Portugal, le médaillé olympique frappe de sa capacité à gagner debout, au sol, avec des techniques variées. Un Mkheidze confiant, tranchant, allant toujours de l’avant. En finale, il bat l’Espagnole Francisco Garrigos, champion d’Europe en titre et qui l’avait battu au Grand Prix du Portugal. Auparavant, le Français avait dominé l’Azerbaidjanais Balabay Aghayev en demi-finale, anticipant malicieusement toutes les attaques en kata-guruma du vainqueur du Grand Chelem de Paris.
L’autre médaillé masculin est Emre Sanal (RSC Montreuil Judo) en +100kg. Jamais médaillé jusque-là sur le circuit FIJ, le champion de France en titre avait visiblement bien préparé son combat pour le bronze contre le Brésilien Joao Cesarino. Le judoka carioca avait battu Sanal en tableau il y a deux semaines à Paris. Hier, ce fut un tout autre combat qui eut lieu. Concentré, Sanal domina cette rencontre dans tous les domaines : initiative, kumikata, opportunités saisies. Un combat pour le bronze maitrisé et qui fit dire à Stéphane Auduc à la sortie du tapis, à juste titre, que «c’était du bon boulot».
En -57kg, le duel canado/canadien est reparti de plus belle entre Christa Deguchi et Jessica Klimkait. C’est la seconde qui s’impose sur un mouvement d’épaules au golden score alors qu’il y avait deux shidos partout. Un duel très serré où jusque-là les principaux kinza étaient l’oeuvre de Deguchi et de son o-soto-gari. Une Deguchi qui avait mis sous l’éteignoir Daria Bilodid en quart de finale dont la montée en puissance dans la catégorie apparait désormais comme avérée. À Tel Aviv elle domine au premier combat la Japonaise Tsukasa Yoshida mais ne terminera que septième après un hansokumake pris contre Deguchi. Sa médaille de bronze à Paris et son combat contre Yoshida montre que l’Ukrainienne semble voir totalement pris la mesure de sa nouvelle catégorie de poids.
Le Canada qui réalise une superbe compétition avec le titre pour Klimkait mais aussi Catherine Beauchemin-Pinard, vice championne du monde des -63kg, le bronze pour Kyle Reyes, également vice champion du monde en -100kg et le -81kg François Gauthier Drapeau, très régulier (troisième à Paris et cinquième à Tokyo et au Masters). Avec la septième place d’Arthur Margelidon en -73kg (tombeur de Guillaume Chaine au premier tour), l’équipe de Nicolas Gill possède un effectif masculin qui se densifie et un effectif féminin qui se maintient au très haut niveau.
Les Japonais repartent eux avec une seule médaille de bronze, grâce à Mami Umeki qui immobilise la Française Fanny-Estelle Posvite (RSC Champigny) en -78kg. Venus à cinq, le seul masculin, Kosuke Mashiyama, titulaire à Doha en -90kg, ne s’est pas présenté sur le tatami hier matin, pour cause de méforme. Les trois autres féminines ont toutes été battues en tableau. Une statistique rare pour le judo japonais traversé par deux débats : les n°2-3-4 sont-ils sortis suffisamment sur le circuit mondial, y compris depuis l’olympiade précédente ? La baisse du budget du haut niveau depuis les JO de Tokyo n’est-il pas inquiétant à court, moyen et surtout, long terme ? Un questionnement posé par un long article de notre confrère E-Judo qui n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat.
Dernière leçon, la belle victoire du -73kg suisse Nils Stump, vainqueur de son second Grand Chelem de la saison après Abou Dhabi et celle de l’inusable géorgien Beka Gviniashvili en -90kg. Gviniashvili (vainqueur du Grand Prix de Croatie et du Grand Chelem d’Abou Dhabi 2022), Luka Maisuradze (troisième aux championnats du monde 2022 mais également au Masters et à Paris), Lasha Bekauri (champion olympique, médaillé de bronzee mondial 2022) et un problème de riche pour Lasha Gujejiani dans cette catégorie à la densité démentielle.