Et la Russie termine en trombe
Comme pour Marie-Eve Gahié la veille, c’était le bon moment pour Cyrille Maret en -100kg et pour Audrey Tcheumeo en -78kg, malgré les turbulences, de rappeler leur présence. Mais cela ne s’est pas passé comme ils le voulaient.
Le champion des -100kg français, le médaillé olympique Cyrille Maret, faisait face d’entrée à ce qu’on appelle « un vrai test ». Un garçon de vingt ans, au-delà du top 30, mais médaillé mondial juniors en 2018 et remarquable finaliste du Grand Chelem du Japon, avec une victoire sur l’espoir japonais Kentaro Iida. Shady El Nahas est canadien. Puissant et actif, il garde le style un peu échevelé d’un junior et le Français s’employait d’abord à calmer cette « furia » au kumikata. Mais alors qu’il semblait prendre la situation en main, le jeune Canadien reprenait le dessus et lui infligeait son « spécial », un lourd harai-goshi redoutablement efficace, qui lui permettra d’ailleurs d’aller jusqu’à la médaille de bronze. L’étoile montante est canadienne. En revanche, c’est une terrible déconvenue, une de plus, pour le champion français, qui ne parvient plus à s’exprimer depuis sa dernière belle performance, la finale des championnats d’Europe 2018, soit sept tournois (et un championnat du monde) sans réussite, quatre premiers tours successifs… Quelque chose ne marche plus pour Cyrille Maret, si régulier auparavant en tournois, à commencer par la confiance.
Tcheumeo n’explose pas
Audrey Tcheumeo se retrouvait dimanche soir un peu dans la même situation. La grande championne française des -78kg, vice championne olympique 2016, n’est plus parvenue à s’illustrer en tournoi depuis son échec inattendu des championnats du monde. Longtemps absente, septième à Paris, cinquième à Dusseldorf, elle ne parvient pas à remettre la main sur la catégorie. Cette fois encore, elle s’appliquait, et en apparence tout était « comme avant ». Mais l’Autrichienne Bernadette Graff ne la craint plus et la bat pour la seconde fois, après Düsseldorf, en jouant plus habilement qu’elle avec les codes de l’arbitrage actuel. Elle était une nouvelle fois disqualifiée en repêchages par la n°4 Japonaise, 19e à la ranking list, Rika Takayama, future troisième, battue par la Brésilienne Mayra Aguiar, elle-même arrêtée en finale par la n°7 japonaise Mao Izumi, seule médaille d’or nippone du tournoi.
Faut-il enterrer pour autant les deux grands piliers que furent il y a peu Cyrille Maret et Audrey Tcheumeo ? Ce serait sous-estimer la capacité de réaction de ces deux grands champions. La situation est inquiétante pour Cyrille Maret, trente-et-un ans, désormais 25e à la ranking list et totalement à l’arrêt pour l’instant. Mais il aura encore d’autres occasions, y compris en grands championnats, où son expérience, et cette mauvaise passe peut-être, pourraient jouer finalement en sa faveur pour lui permettre d’aller chercher encore quelques grandes médailles. C’est possible.
Quant à Audrey Tcheumeo, si l’avertissement est fort, elle n’a que vingt-huit ans et elle aussi, très probablement, aura encore des occasions de sortir le grand jeu.
M’Bairo, la médaille de la confirmation
Ils n’étaient pas seuls à combattre dimanche pour la France. Si Sama Hawa Camara ne résistait pas au grand uchi-mata de la Russe Alexandra Babintseva en -78kg, la France pouvait tirer satisfaction du très beau parcours en +78kg d’Anne Fatoumata M’Bairo. Troisième au Grand Prix des Pays-Bas, la représentante française aux championnats du monde affiche de réels progrès. Meilleure sur ses appuis, plus complète, notamment au sol où elle faisait une belle démonstration contre l’Anglaise Sarah Adlington, elle parvient en finale avec ses fortes attaques vers l’arrière en ko-soto-gake ou en contre, et aurait même sans doute dû se voir décerner la victoire contre la solide Brésilienne Altheman, qu’elle contrait sur son ura-nage sans se voir attirbuer un waza-ari qui aurait été décisif. Un beau tournoi pour la n°1 française de la catégorie, actuelle 13e mondiale et potentiellement qualifiée pour les Jeux.
La Russie prépare du lourd
La dernière journée du Grand Chelem russe est marqué par un final en forme de rouleau compresseur du pays hôte, qui termine première nation en prenant les deux médailles d’or masculines en jeu. En l’absence du jeune Inal Tasoev, le réjouissant vainqueur d’Abou Dhabi et finaliste à Düsseldorf, blessé, on retrouvait le petit vice champion d’Europe Tamerlan Bashaev en action. Troisième à Cancun, à Osaka et au Masters, mais aiguillonné sans doute aussi par cette concurrence, il explose tout à Ekaterinbourg, dont le jeune Japonais espoir Yusei Ogawa, cloué sur le dos par un terrible ura-nage dès le premier tour, et le grand Israélien Or Sasson en finale. La dynamique russe en poids lourd est clairement engagée.
Elle est plus forte que jamais en -100kg, avec l’arrivé d’un colosse, le tout jeune vice champion du monde juniors Arman Adamian. Taillé comme un ours, le jeune homme s’est frayé un chemin parmi les nombreux costauds présents, à commencer par le champion du monde 2015, le Japonais Ryunosuke Haga, qu’il battait au golden score sur un petit o-uchi-gari bien placé derrière la cheville, l’une de ses armes fortes. Il arrachait le Canadien El Nahas sur un énorme ura-nage, écartait l’Israélien Paltchik en dix-huit secondes sur un splendide ko-uchi-gari et dispersait la légende russe Kirill Denisov en finale. S’il n’était encore que 8e Russe à la ranking mondiale avant ce Grand Chelem, il a pris beaucoup de points, et parvient même désormais à s’installer en réel prétendant aux grands rendez-vous, malgré les Ilyasov, Denisov et autres Zankhisiev. S’il reste en -100kg, cet Arman Adamian se prépare à renverser la table.
Très belle réussite pour le Néerlandais Noel Van T End en -90kg, qui revient au sommet au bon moment. Il emporte son premier grand Grand Chelem (après cinq finales perdues) en battant le n°3 mondial, le Serbe Kukolj, et le Géorgien Beka Gviniashvili en finale.