Riner magnifique, trois titres pour la France
Deuxième acte de la campagne d’Asie 2015 en cette fin de semaine sur l’île de Jeju en Corée, une semaine après le Grand Prix de Chine, et une semaine avant le Grand Chelem de Tokyo qui sera « énorme » dans une semaine. Une série de tournois décisifs pour les Jeux de Rio dans quelques mois.
La participation de la France est montée d’un cran sur ce tournoi coréen par rapport au Grand Prix chinois. De même, l’opposition a enregistré de belles entrées, comme une partie de l’élite brésilienne et russe. Mais c’est toujours l’équipe de Corée, ultra-performante chez les hommes, mais aussi de plus en plus chez les féminines, qui donne le tempo chez elle.
La France, quant à elle, a eu l’occasion d’enregistrer beaucoup d’informations intéressantes, positives ou négatives sur ce tournoi coréen de fin novembre. Tour d’horizon.
1-Rien ne bouge et c’est dommage pour… Alexandre Mariac et Kilian Le Blouch
en -66 kg, une nouvelle fois battus rapidement dans ce tournoi, comme en Chine, et comme à Paris pour le premier et Abou Dhabi pour le second. Idem pour Clément Delvert (-100 kg), qui ne parvient à s’exprimer ni à Paris, ni en Chine ni en Corée.
C’est étonnamment le même verdict pour la médaillée mondiale Automne Pavia (-57 kg) et la championne du monde Gévrise Emane (-70 kg). Depuis Paris, la grande Automne n’avance plus. À Jeju, elle est une nouvelle fois battue par la Coréenne Kin Jan Di, une combattante qui est en train d’exploser dans cette catégorie, à 24 ans, en gagnant trois tournois après le championnat du monde, le Grand Prix de Taschkent, le Grand Chelem d’Abou Dhabi et désormais ce Grand Prix de Jeju. Quant à Gévrise Emane, après le faux départ de la semaine dernière (voir par ailleurs), elle part à nouveau au premier tour, d’une pénalité face à la Coréenne Hwang Ye-Sul. Grave ? Un peu embêtant tout de même, ne fut-ce que pour leur image auprès de leurs rivales. Mais rien de vraiment déterminant encore.
C’est à peine mieux pour Guillaume Chaine (-73 kg), non classé à Paris, à Abou Dhabi et en Chine, qui passe cette fois deux tours à sa main avant d’être durement sanctionné par le futur vainqueur, le médaillé mondial coréen An Changrim.
2- Rien ne bouge et c’est tant mieux pour… Clarisse Agbegnenou !
La vice-championne du monde -63 kg n’a pas eu à forcer son talent pour emporter sa seconde médaille d’or après celle du Grand Chelem d’Abou Dhabi en battant l’Italienne Gwend en finale à Jeju. Pas de Trstenjak, la Slovène qui l’a battue deux fois cette année, pas de Japonaise à la hauteur, pas de mauvaise surprise pour la jeune française qui semble revenir au registre de 2014, celui de l’invincibilité, alors qu’elle a perdu trois combats (dont deux très importants) en cette année 2015. Une bonne façon de boucler l’année et de se rassurer, si besoin était. Pour Clarisse Agbegnenou, les enjeux sont clairs et les prétentions à l’or olympique plus crédibles que jamais. Il lui reste à surveiller du coin de l’œil l’avènement d’une éventuelle rivale encore non répertoriée, hypothèse improbable.
Tcheuméo en or en -78 kg à Jeju. C’est bien pour la médaillée d’or de Paris, notamment sur le plan comptable. Cette fois, elle n’a pas eu la mauvaise surprise de rencontrer en finale une Japonaise quasi inconnue, mais capable de l’étrangler, comme la semaine dernière à Qingdao. À vrai dire, elle n’a eu à rencontrer personne dans ce dernier combat, le défi intéressant contre l’Américaine Kayla Harisson n’ayant finalement pas lieu, pour une blessure de cette dernière au combat précédent. La Japonaise inconnue, c’est en demi-finale que la Française eut à la battre. Rika Takayama, 49e mondiale et cinquième japonaise de la catégorie s’incline d’une pénalité.
Et Teddy Riner bien sûr. On le suivait avec curiosité dans ce parcours de préparation un peu inédit avec ces deux tournois en une semaine. Le bilan est très positif : non seulement il gagne deux médailles d’or (ce qui ne surprend personne), mais il profite effectivement bien de cet enchaînement. On l’avait trouvé dur sur les mains et peu inspiré techniquement sur ses dernières prestations – c’était l’avènement de son sumi-gaeshi, une arme nouvelle dans son arsenal, pas forcément très élégante – il profite de Jeju pour sortir une prestation générale remarquable, se montrant toujours intransigeant, mais plus léger dans ses saisies, ce qui lui a permis d’être plus aérien, plus en rythme. On retrouve sa petite « danse de mort », qu’il exécute quand il a les mains posées comme il aime : petites feintes, coups de patte pour tester, troubler, précision d’appui avant l’attaque grand style qui suit. En finale, il prenait comme en Chine la semaine dernière, le Coréen Kim Sung-Min, le vainqueur d’Abou Dhabi, son souffre-douleur du moment. Devant son public, celui-ci essayait un peu plus, la sanction était d’autant plus lourde. Il lui plaçait un sasae-tsuri-komi-ashi absolument parfait, à voir en boucle ! Le Coréen a eu la « chance » de prendre deux fois le Français en compétition en quelques jours. Ce n’est pas sûr qu’il en ait tiré beaucoup de confiance pour la prochaine fois… Quant à Teddy, il se renouvelle presque à chaque fois, ne se rendant jamais prévisible pour ses opposants. Réjouissant.
Une mention pour Marine Erb, cinquième à Jeju comme à Abou Dhabi. La jeune Française, championne de France au début du mois, reste à distance de son aînée Andéol, mais elle se met à chaque fois en valeur par son engagement et un potentiel déjà affirmé qui lui permet déjà de rôder systématiquement autour des podiums de Grand Prix (qu’elle a atteint une fois, en Mongolie en juillet). À 21 ans, c’est déjà très intéressant.
3- Les duels qui comptent pour Rio : Euranie – Gneto (-52 kg)
Annabelle Euranie avait fait très fort en gagnant le Grand Chelem d’Abou Dhabi. Mais sa rivale Gneto de son côté ne lâchait plus les podiums : 3e à Taschkent, 3e à Paris. La médaillée olympique de Londres renforce cette tendance, et confirme son retour à la fiabilité à quelques mois des Jeux, à Jeju, où elle est seulement battue sur un « contre dans le contre » assez acrobatique de la n°1 mondiale Andreea Chitu, avant de prendre le bronze à une combattante du pays. Annabelle Euranie, 5e, faisait presque aussi bien avec une défaite d’une pénalité devant la Japonaise Uchio (2e), mais elle faisait l’erreur de laisser le bronze à l’Israélienne Roni Schwartz (battue par ippon en tableau par Gneto) d’un yuko. Deux rivales qui se marquent de très près. La bataille n’est pas finie. Elle seront d’ailleurs à Tokyo la semaine prochaine pour un match retour.
4- Les duels qui comptent pour Rio : Limare – Khyar (-60 kg)
Non classé en Chine, le finaliste de Paris Vincent Limare avait laissé surgir comme un bouchon un jeune rival : Walide Khyar, 3e et immédiatement identifié comme un « joker » possible. À Jeju, le jeune médaillé mondial juniors ne peut pas maintenir cette pression, battu à son second combat par le 16e mondial, l’Azéri Mushkiyev, vainqueur en Chine quelques jours plus tôt, non sans avoir vaincu au premier tour un garçon d’expérience, le Bulgare Gerchev. C’est au contraire Vincent Limare qui reprend la main en gagnant trois combats, ne cédant que d’un yuko au numéro un mondial et médaillé de bronze mondial 2015, Kim Won Jin. Dommage pour lui, il laissait le Brésilien Takabatake (17e mondial) lui arracher le bronze.
5- Les duels qui comptent pour Rio : Iddir – Clerget (-90 kg)
Une nouvelle fois, Alexandre Iddir allait se montrer bon après sa finale à Paris et sa troisième place en Chine, menant jusqu’à 40 secondes de la fin d’un quart de finale face à Ilias Iliadis. Mais il jouait un peu trop la montre face à cet adversaire extrêmement opportuniste et celui-ci revenait au score puis aux pénalités avant de s’imposer au golden score. Iddir allait subir en repêchages le ippon du Russe Magomed Magomedov.
Jusque-là, Axel Clerget, 5e à Paris et en Chine, était resté dans l’ombre du titulaire de la catégorie. À Jeju, c’est lui qui prend la lumière, se hissant dans un style impressionnant jusqu’en finale, en battant le champion d’Afrique, l’Algérien Benamadi, 19e mondial, et les deux derniers vice-champions du monde, le Hongrois Toth (6e mondial), copieusement dominé et projeté sur o-soto-gari, et le Russe Denisov (7e), jeté au moins deux fois pour ippon en ura-nage et yoko-tomoe-nage avant que l’arbitre ne finisse par accepter la manifeste supériorité du Français sur ce combat.
Toujours à fond sur l’attaque, mais mieux contrôlé émotionnellement, toujours puissant, mais plus souple dans ses saisies, Clerget est du coup beaucoup plus efficace dans ses tentatives, notamment avec son excellent sutemi. Sans compter son ne-waza redoutable, « le meilleur à l’Insep » nous disait Teddy Riner qui le « challenge » régulièrement à l’entraînement.
En finale, le champion du monde coréen Gwak marquait rapidement un yuko (sévère) et Axel Clerget ne trouvait pas de solution, mais cette finale est néanmoins un événement au niveau de l’équipe de France. Saluons le retour au premier plan d’un combattant à fort potentiel – son intelligence et ses capacités techniques vont se combiner très positivement à l’expérience et à la confiance – dans une catégorie où Alexandre Iddir est lui-même dans une dynamique positive (et pour l’instant toujours largement devant). Si tout se passe bien pour Axel Clerget dans les tournois à venir, il est devenu crédible au niveau d’une sélection individuelle en championnat. Pourquoi pas aux championnats d’Europe ?
6- La Corée puissance 4
Chez les garçons, les données sont simples : la Corée a placé son équipe numéro un en or à quatre reprises, notamment en -100 kg où Cho Guham avait raté son championnat du monde, mais s’affiche en potentiel vainqueur des Jeux. Teddy Riner est inaccessible, la Russie gagne en -66 kg avec Pulyaev – et replace une nouvelle fois au passage son champion olympique des -100 kg Tagir Khaybulaev (3e à Jeju après avoir gagné à Abou Dhabi). Le Japon prend une médaille d’or au passage avec l’un des combattants de son « équipe 5 », le -81 kg Seidai Sato, un maître en seoi-nage. Il bat en finale le Russe Khasan Khalmurzaev, qui s’affiche de plus en plus en futur sélectionné olympique.
7- La France en tête chez les filles
Pour les féminines c’est la France qui termine en tête avec deux titres pour deux piliers de l’équipe nationale. La Coréenne Kim Jan Di (-57 kg) s’affirme, une Kazakhe, Otgontsetseg Galbadrakh, l’emporte en -48 kg, et c’est nouveau. Les Anglaises ont sorti le grand jeu avec quatre médailles dont une d’or pour Sally Conway en -70 kg.