Une bonne ou une mauvaise chose ?
Depuis quelques jours, la délégation russe était dans la tourmente. Jusqu’à ce dimanche, l’éviction de l’ensemble des athlètes russes, tous sports confondus, semblait quasiment acquise. L’AMA, l’agence mondiale anti-dopage exhortait le Comité International Olympique à agir dans ce sens.
Le CIO ne se prononce pas
Finalement, le CIO renonce à suivre l’AMA, et sous réserve de certaines conditions décide de laisser les différentes Fédérations Internationales choisir les sportifs qu’elle « jugeront propres ». Ce qui, en ce qui concerne le judo, vu la prise de position de la FIJ, veut dire que les combattants russes seront aux Jeux. Dans les conditions à respecter, il y a celles de ne jamais avoir été contrôlé positif au préalable, ce qui est le cas des quatorze titulaires de l’équipe, et d’avoir été contrôlé par des instances internationales et pas uniquement nationales. La FIJ, dans un communiqué annonce que, non seulement les Russes, mais aussi tous les judokas présents aux Jeux ont déjà été ou seront contrôlés avant l’épreuve olympique.
La Russie a encore du boulot
La pire avanie faite au sport, et au judo en particulier étant donné ses aspirations éthiques et humanistes, est de travestir l’esprit égalitaire et juste de la compétition par la tricherie du dopage.
Le fait que d’autres pays ne sont pas aujourd’hui autant mis sur la sellette que la Russie (ce grand pays en opposition frontale avec l’Ouest, sur la question de l’Ukraine par exemple), sans être moins coupables en termes de pratiques diverses de dopage, n’est pas un argument suffisant. A l’évidence, le modèle du sport russe montre encore des traces de dopage politique, comme au temps de l’Union Soviétique. Les échantillons de 2008 et 2012 analysés à nouveau ces derniers mois, qui révèlent de nombreux cas de dopage chez les Russes (mais pas seulement, de nombreux pays sont touchés. Sur la dernière révélation de quarante-cinq nouveaux cas, six sports et douze pays sont concernés), notamment en athlétisme et en altérophilie, ainsi que sur les Jeux d’hiver de Sochi, sont à cet égard significatifs et on peut considérer légitime la décision de la fédération mondiale d’athlétisme de sortir les athlètes russes des Jeux… Selon les mots de Sebastian Coe, le patron de l’athlétisme mondial (IAAF), « la Russie doit regagner la confiance des autres nations ». Mais les pratiques « pragmatiques » (un adjectif a placé ici entre de gros guillemets) de la Russie dans ce sport comme en althéro, ne plaide pas non plus pour la capacité de ces sports a organisé des compétitions « propres ». Et pourquoi la Russie et pas le Kenya, déclaré lui aussi coupable de dopage collectif ? On se met aussi à la place de l’athlète russe qui n’a participé à aucun protocole, aucun dopage « collectif » et dont la vie et les espoirs se trouvent balayés par cette décision.
La reconnaissance plus efficace que le ressentiment
Il ne s’agit pas ici de faire d’analyse géostratégique, mais l’éviction de la nation russe tout entière paraissait un choix disproportionné et peu propice à maintenir la Russie dans une dynamique positive de développement du sport, son « soft-power » vis à vis de l’Ouest. C’est pour nous un soulagement de pouvoir aller aux Jeux sans l’ombre de cette « énorme » absence, et avec désormais l’espoir que ces tensions récentes qui se dénouent finalement, plutôt que de créer du ressentiment, vont permettre à la Russie, qui se dit « reconnaissante », d’accélérer son processus de modernisation et le changement de mentalité qu’on sent à l’oeuvre là-bas. Après tout, Vladimir Poutine, qui n’y était pas forcément obligé dans la situation actuelle, a réaffirmé son opposition ferme au dopage dans le sport. Il s’agira alors de poser les bonnes questions aux grandes Fédérations Internationales comme celles de l’athlé, pour savoir ce qu’ils font pour écarter radicalement non seulement le dopage d’état éventuel, mais aussi les dopages d’origine privé, des pratiques habituelles.
Les Russes tous dopés ?
Cela aurait mérité l’éviction réclamée par l’AMA. Mais ce n’est très probablement pas le cas. Dans la discipline qui nous préoccupe, le judo, il faut rappeler qu’aucun combattant n’est pour l’instant (croisons les doigts) concerné par ces révélations de dopage concernant 2008 et 2012 – le cas de la Chinoise Wen TOng s’étant réglé bien avant – ce qui est somme toute un excellent signe, notamment après le succès exceptionnel de l’équipe masculine russe à Londres en 2012.
Par ailleurs elle est prise en main, cette équipe, depuis 2008, par un technicien italien peu suspect d’avoir couvert un système de dopage, et peu suspect non plus de ne pas l’avoir décelé dans l’hypothèse où il se serait développé à son insu : le double finaliste et champion olympique Ezio Gamba. Le préparateur physique Broussal, les prestigieux entraîneurs Gibert et Roux, trois Français, ont travaillé ou travaillent toujours sous la responsabilité d’Ezio Gamba et ont cotoyé cette équipe tous les jours pendant quatre ans. Officieusement, ou officiellement sur les réseaux sociaux, ils ont tous affirmé leur confiance. Un dopage collectif n’aurait pu leur échapper et le moindre soupçon les aurait conduit à la démission. Clairement pour nous il n’y a donc pas de problème avec les Dolgova, Mudranov, Khalmurzaev et autres Khaybulaev. Leur judo technique et leur engagement aurait cruellement manqué à l’aventure de Rio. Ce ne sera pas le cas et c’est pour nous une bonne nouvelle. L’angoisse et le découragement par lequel tous ont dû passer dans cette période cruciale de montée en puissance et en concentration de la préparation olympique est déjà en soi une terrible sanction. Il faudra qu’elle soit vraiment forte cette équipe pour se remobiliser à quinze jours d’un objectif dont elle pensait être privé jusqu’à hier.