Le parcours hors du commun d’un judoka brillant…
Dans l’Esprit du Judo n°44 nous vous proposons l’interview de Mathieu Toulza Dubonnet, la voici dans son intégralité.
Ancien membre de l’équipe de France de judo devenu champion de kung-fu, un parcours déjà hors norme. Et aujourd’hui, alors qu’il n’a pas encore cinquante ans, il affiche une brillante réussite dans les affaires. Une destinée et des idées qui font de lui un personnage central –fusse-t-il encore un peu dans l’ombre- du judo français.
Mathieu Toulza Dubonnet (c) L’Esprit du Judo
« Je suis un fils qui a parfois entretenu des rapports lointains avec le judo, mais un fils reconnaissant ! Le judo restera toujours ma première maison, celle où j’ai appris les fondamentaux, ce qu’est l’ambition et les moyens qu’il faut mettre en œuvre pour atteindre ses objectifs.» Cette déclaration d’amour à la discipline qui l’a formée est signée Mathieu Toulza Dubonnet. À 48 ans, cet élégant à la peau d’ébène reçoit dans le très chic quartier du Marais, à Paris, dans son grand bureau cosy dont les larges fenêtres donnent sur une impeccable cour pavée. Costume gris foncé, pochette blanche, élocution soignée, une présentation qui révèle l’une des plus belles réussites parmi les anciens judokas de haut niveau. Souriant et affable, Mathieu Toulza Dubonnet évoque avec plaisir les nombreuses vies qu’il a déjà vécues.
Né à Ogoja au Nigéria en 1965, il est promis à une petite enfance d’épouvante en pleine guerre du Biafra et des conflits interethniques, avant d’être adopté par Rolande Dubonnet, engagée auprès de la Croix Rouge, à l’âge de deux ans et demi. Dubonnet ? De la fameuse famille du chimiste Joseph et de l’apéritif éponyme à base de vin inventé à la fin du 19e siècle et qui fit sa fortune… « Mais à ma mère, il n’est resté que le nom », sourit Mathieu. « Dans les familles, c’est comme ça : il y a ceux qui font la fortune, ceux qui le dépensent et ceux à qui il ne reste rien. On a fait partie de ceux-là. Mais peu importe, mon enfance a été très douce », souligne celui qui est aujourd’hui à la tête d’une entreprise de trente salariés (3,5 millions de chiffre d’affaires annuel), côtée au marché libre de la Bourse de Paris spécialisée en… gestion de patrimoine et défiscalisation. « J’ai toujours voulu être dirigeant d’entreprise » dit-il sobrement au cours d’une discussion à bâtons rompus qu’il mène néanmoins toujours à mots choisis. Venu au judo après avoir poussé la porte du JC Grasse où enseignait alors l’emblématique Yves Frangioni avant de passer par les mains de José Allari –« un homme magnétique dont la fortune est celle des valeurs » -, Mathieu Toulza Dubonnet affiche cinq titres de champion de France et une cinquième place aux championnats d’Europe juniors en 1984 (-86kg), à la bagarre avec les Pascal Tayot mais aussi et surtout Jean-Louis Geymond, Fabien Canu ou encore François Fournier au milieu des années 80, il décide « de remettre l’épée dans le fourreau » à seulement 22 ans. « J’ai vu les limites. J’ai arrêté le judo quand j’ai su que je ne pourrais jamais être champion du monde ». Dans la foulée, il se lance dans les affaires dans le secteur de la mode. Un échec. « Les effets conjugués de la chute du mur de Berlin et de la guerre du Golfe ont englouti mes capitaux et m’ont laissé sur la paille.» La reconstruction par la compétition s’impose à lui. « Tout se bousculait dans ma tête. J’ai décidé d’aller chercher des micro-victoires. Mais au judo, ça n’était pas possible. Je ne me voyais pas dans le registre du come-back ». Ce sera donc ailleurs. Direction le kung-fu. « C’était mon Do à moi : l’entraînement, la compétition et les victoires pour me rassurer. Pendant un an et demi, je me suis fait éclater. Un jour, j’ai même cru que j’allais perdre mon œil. En sports de combat, tu ne peux pas tricher ». Mais ses jambes partent vite, il s’entraîne fort et ses résultats décollent. « En parallèle –est-ce le hasard ?–, mon activité professionnelle prenait corps elle aussi.» Il planche sur la fiscalité et créé sa première structure. Avec des convictions : « Ne jamais accepter de ne pas comprendre, pousser fort, mais droit, pour donner de l’éthique à ses projets et participer à la construction d’une société plus belle. Inventer sa vie » Champion de France, les événements « championnats d’Europe » et « championnats du Monde » résonnent à ses oreilles. Le voici de nouveau en équipe de France… Tout en gérant sa structure MTD Finance naissante. « À ce moment-là, je me suis senti fort de nouveau. » Des rues d’Ogoja au monde des financiers, Mathieu en est déjà à sa quatrième ou cinquième vie. Champion d’Europe de kung-fu en 1998, deux fois quart de finaliste aux mondiaux, il décide, à 34 ans, que l’heure est venue d’arrêter. Pour de bon.
Désormais patron d’une chaîne de télé
Et le judo ? « C’est après tout cela que j’ai osé revenir vers ma maison. Je n’avais plus de complexe », lâche celui qui passait tout de même chaque année, incognito, au tournoi de Paris. Ce Racingman dans l’âme renoue avec le kim en embauchant des judokas au sein de la société, dont Stéphane Biez, son directeur commercial. Il se rapproche des jujitsukas, aussi. Depuis quelques mois, il a intégré la commission du Cercle des Ceintures Noires. Avec quelle ambition ? « En faire une société au sens littéral. Nous devons élever le judo intellectuellement, faire en sorte que les valeurs puissantes du judo transcendent notre discipline et être les garants, aussi, de ce que le judo a à défendre et à dire à la société. Nous avons la légitimité et aussi la responsabilité de nous positionner sur des choses importantes et ne pas avoir peur de développer ce réseau des judokas encore sous exploité. Et puis nous sommes aussi là pour être solidaire, avec les athlètes de haut niveau notamment, pour les accompagner professionnellement. Il faut encourager le rêve.»
Accompli sportivement, PDG d’une grande société, homme de réseau… L’agenda déborde déjà de son I-Pad. Ça ne l’a pas empêché, depuis quelques mois, de se lancer dans une nouvelle aventure : la télé ! En investissant dans le groupe France Diversité Média devenu une filiale de MTD Finance, le voici patron de la chaîne BDM (Pour Banlieues Diversités Médias) TV disponible sur la TNT*. « J’aime avoir l’œil sur tout, mais diriger une chaîne n’était pas un objectif. C’est une rencontre. Il y avait du potentiel et un besoin de restructuration », assure celui a trouvé sa nouvelle marotte, allant jusqu’à s’investir dans l’élaboration des programmes, et même à mener quelques interviews. « Avec cette chaîne, il s’agit de sortir du carcan de la télé et de montrer l’excellence de la diversité. Il y a tant de talents invisibles ! Nous touchons aujourd’hui 100 000 personnes. L’objectif, c’est un million. Nous ne sommes pas une chaîne militante ni donneuse de leçons. L’axe éditorial est clair et axé sur la diversité : minorités visibles, orientations sexuelles et handicap traités d’un point de vue économique, politique, en s’intéressant aussi aux arts, à la culture, au rapport entre le sport et la société. Le tout dans un positionnement républicain, car je dois tout à la République.» Le judo tient là un fils.
*Canal 31 sur la TNT, canal 94 sur Numéricâble, 337 SFR, 401 BBox, 215 Free
Infos sur http://www.bdmtv.eu