Naohisa Takato, Chizuru Arai, Shohei Ono, Takanori Nagase, Aaron Wolf, Christa Deguchi (quand elle était encore de nationalité japonaise). Des noms qui font rêver les jeunes générations de judoka. Des stars de la discipline, au palmarès XXL. Champions olympiques sacrés à Tokyo ou Paris, ils ont tous foulé, à un moment ou à un autre, le tatami du tournoi international juniors d’Aix-en-Provence. Ils étaient alors les meilleurs judokas lycéens du pays du Soleil Levant. Ce week-end, leurs successeurs ont pris la suite après quatre ans d’absence.
Car la principale information de cette édition du tournoi provençal était bien là : le retour d’une délégation japonaise sur le meilleur tournoi national de cette catégorie d’âge. Champions ou vice-champions nationaux lors du championnat « high school », ces quatorze jeunes Nippons avaient tous, au plus, dix-huit ans. Particularité de cette génération, qui ajoutait à l’excitation ou à l’appréhension, certains sont déjà médaillés mondiaux ! C’était le cas du -66kg, Shuntaro Fukushi, sacré à Douchanbé début octobre et futur étudiant de l’université de Tsukuba, l’établissement de Ryoma Tanaka, en or aux Mondes seniors 2024 en -66kg et de Nagase, désormais double champion olympique des -81kg (et dont vous pouvez retrouver l’interview exclusive dans le dernier numéro de L’Esprit du Judo). Le cas aussi de la -57kg, Riko Honda, future étudiante de Tokai, elle aussi dorée au Tadjikistan il y a deux mois. La -52kg, Senju Nosho terminait, elle, vice-championne du monde derrière sa compatriote Iroha Oi (encore cadette). Début avril, elle prendra la direction de l’université de Kokushikan. Une armada nipponne aussi impressionnante que précoce à laquelle s’ajoutaient des combattants italien, néerlandais, suisse, ou ukrainien.
Ajoutez-y les meilleurs Français ou presque — il manquait Alyssia Poulange, Celia Cancan, Kelvin Ray, Zacharie Dijol, Peter Jean et Ivan Chernyshenko parmi les titulaires des derniers championnats d’Europe et du monde — et voilà un tournoi d’Aix-en-Provence d’un niveau remarquable, bien plus dense et fort que certaines des coupes européennes du circuit continental.
Une édition dont on retiendra :
– les neuf titres japonais. Quatre chez les féminines avec Senju Nosho, Riko Honda, Yoshino Takahashi en -70kg (encore lycéenne en avril prochain) et Yumi Sakai (future étudiante de Sendai). Takahashi et Sakai battent deux n° 1 françaises en finale : Sandra Darbes Takam (RSC Champigny), vice-championne d’Europe et Lila Mazzarino (PSG Judo), championne d’Europe en septembre à Tallinn.
Chez les masculins, l’équipe nipponne gagne cinq titres avec Yunosuke Yoshimura (qui ira à Kokugakuin en avril) en -60kg Fukushi, Ryusei Arakawa (lui aussi futur étudiant de Kokugakuin) en -73kg et deux futurs « Tenri Boy » : Shôkei Hirano en -100kg et Kengjo Segawa en +100kg. Neuf titres sur seize catégories, sachant que la délégation japonaise ne comptait ni -44kg ni -55kg.
Parmi celles-ci, la finale des -73kg offrit un superbe combat entre Arakawa et Oihan Sentenac (JC Orthez). De belles passes d’armes en ne-waza, du rythme, de l’engagement. L’opposition fut belle !
– les sept titres français : Inès Mazenod (Montpellier Judo Olympic) en -44kg, Morgane Annis (Alliance Grésivaudan Judo) en -48kg, Jaelynn Chipan (SO2J Saint-Ouen) en -63kg, Léonie Minkada-Caquineau (Sainte-Geneviève Sports) en +78kg, Titouan Lucas (Bayeux Bessin Judo) en -55kg, Bastien Pons (Olympic Judo Nice) en — 81kg (qui n’aura pas eu à combattre puisque Noah Boué, du PSG Judo, ne se présenta pas à cause de maux de ventre) et Keziah Harvent (Arts martiaux Saint-Gratien) en -90kg, qui bat le Japonais Omido Nakhostin — un « halfu » puisque son père est iranien — en finale.
Des vainqueurs tricolores qui confirment, pour la majorité, leur bon début de saison : Mazenod avait fini troisième Clermont-Ferrand et première à Poitiers, Annis a été médaillée continentale début septembre en Estonie, Chipan était déjà première à Cormelles-le-Royal et cinquième sur la coupe d’Europe seniors d’Espagne à l’automne, Minnkada-Caquineau a terminé ses années cadettes sur une médaille d’argent européenne et mondiale. Chez les garçons, Lucas est champion de France cadets en titre et a remporté Clermont-Ferrand en octobre, Bastien Pons est vice-champion de France 2024 et s’impose sur son premier tournoi de la saison. Enfin, Harvent, titulaire européen et mondial cadet en 2022, a fini en argent à Cormelles-le-Royal et Clermont-Ferrand et en bronze lors du tournoi seniors de Noisy-le-Grand.
– cinq cadets médaillés : la performance n’est pas mince sur le meilleur tournoi juniors de la saison et labellisé Super Excellence.
Il s’agit de Mathilde Aurel (Judo Lons 64), championne de France cadette et junior et vice championne d’Europe et du monde cette année en -40kg, qui termine ce samedi en argent chez les -44kg ; d’Alice Lopez (Dojos de l’Agglomération du Niortais 79), en bronze chez les -52kg, elle qui fut médaillée nationale juniors début mars en -48kg ; d’Audren Guenneugues (Sainte-Geneviève Sports Judo) en — 63kg, vice-championne de France cadette 2024 et qui s’adjuge, samedi, l’argent ; d’Emma Feuillet-Nguimgo en -78kg, vice-championne de France cadette +70kg, en bronze hier et de Titouan Lucas (voir plus haut).
– le sujet de l’arbitrage. Il fut au cœur de nombreuses discussions/contestations, en particulier samedi. Un situation habituelle ? Cela est sans doute vrai. Reste toutefois que la problématique n’est pas épuisée par les arguments courants. En effet, le plateau arbitral de cet événement, dont on répète qu’il n’a rien à envier à plusieurs coupes européennes juniors du circuit de l’UEJ, ne comptait en tout et pour tout qu’une seule arbitre continentale. Beaucoup déplorèrent ainsi un décalage, parfois bien réel, entre le niveau du plateau et l’arbitrage proposé. Une analyse à chaud, mais qui soulève une vraie réflexion, y compris peut-être au niveau national : ne serait-il pas logique et cohérent que le meilleur tournoi juniors du circuit national bénéficie de la présence d’arbitres présents sur les championnats de France de cette catégorie d’âge ? On sait par exemple que les résultats obtenus à Aix-en-Provence font partie des critères de sélection future pour les judokas suisses. Une erreur d’arbitrage peut donc avoir des conséquences plus sérieuses que sur un tournoi labellisé Excellence.
– le questionnement autour de la ranking-list nationale et du tirage au sort : une question secondaire pour certains, mais qui mérite tout de même qu’on s’y arrête. En effet, les points marqués par les cadets (voir plus haut) sur cet événement ne leur seront pas ajoutés puisqu’obtenus dans une catégorie d’âge autre. Ainsi, la performance de battre des judokas parmi les meilleurs de la catégorie d’âge supérieure n’est pas pleinement récompensée. Cela parait dommage.
Une forme d’injustice sportive qui ne se limite pas à la France puisque la FIJ est sur cette même logique qui fausse parfois les tirages au sort. Si les cas sont rares – c’est d’ailleurs l’argument utilisé – il n’en reste pas moins existant et pose donc des problèmes d’équité quand ils arrivent. Un exemple concret avec le cas de la jeune Coréenne Hyeonji Lee, championne du monde cadette 2023 qui n’était pas tête de série pour cet événement alors qu’elle fut quelques mois auparavant médaillée d’or de l’Open océanien seniors d’Australie (valorisé comme un Grand Prix, soit 700 points à la ranking-list) et cinquième du Grand Chelem d’Oulan-Bator !