Sone, Gviniashvili et Tasoev en vedettes ce dimanche
Ultime journée de ce Grand Chelem du Japon 2019. Dans les travées de la Maruzen Intec Arena aujourd’hui, les habituels groupes de supporters venus encourager les judokas de leur entreprise avec dossards aux couleurs de la « company » : jaune pour Komatsu et Park 24 Times, vert pour Mitsui-Sumitomo ou bleu pour Alsok. Une salle dans laquelle malheureusement peu d’étudiants étaient présents, la majorité des universités phares du judo japonais étant à Tokyo. Car ici, au Japon, ce sont eux qui mettent l’ambiance. En haut de la tribune latérale descendirent toutefois aujourd’hui les encouragements des étudiantes de IPU (une université située à Okayama et dont Toshhiko Koga est l’un des entraîneurs), venues encourager leur copine Akira Sone, junior 2e année et déjà championne du monde seniors depuis cet été. Sone qui faisait partie de ces judokas possiblement sélectionnables pour Tokyo 2020, si ils gagnaient ici à Osaka. Ce ne fut pas le cas pour Maruyama et Uta Abe vendredi. Sone, elle, l’a fait et est donc la première qualifiée nipponne pour les JO ! Autre fait marquant, outre un spectacle au rendez-vous, la victoire convaincante du Russe Tasoev en +100kg. Un beau bébé au judo tout en sensations et en fulgurances techniques et donc très agréable à regarder combattre. Autre victoire étrangère, celle du Géorgien Beka Gviniashvili en -90kg, de retour au premier plan. Et côté français ? Cinq engagés ce dimanche dont quatre féminines et au final une belle médaille de bronze pour Fanny-Estelle Posvite et deux cinquièmes places pour les Orléanaises Audrey Tcheuméo, battue pour le bronze lors d’un duel 100% tricolore, et Julia Tolofua en +78kg.
Posvite, 100% plaisir
« Quand je suis montée de catégorie, je savais que je devrais repartir de zéro. Mais depuis que je suis en -78kg, la question du poids ne me hante plus. Du coup, c’est le plaisir de combattre qui me tient. Je prends les compétitions qu’on me donne, j’y vais, je fais de mon mieux. Et pour l’instant ça ne me réussit pas trop mal ! » Réagissant à sa descente du podium, Fanny-Estelle Posvite traduit en mots simples le sillon qu’elle a creusé depuis son choix de monter de catégorie au printemps 2019 et un échec à Paris en février. Etre visible et crédible dans le sillage de la bataille entre la grande Tcheumeo et la nouvelle star Malonga, ce n’était pas gagné d’avance. Victorieuse du Grand Prix de Chine fin mai, 2e à Zagreb fin juillet, la nouvelle championne de France remporte à Osaka la première médaille en Grand Chelem de sa carrière en offrant ce dimanche une prestation offensive et sans calcul agréable à suivre. Seulement battue par Mami Umeki en demi-finale sur un harai-goshi poussée jusqu’au bout et suivi en immobilisation, la Limougeaude retrouvait pour le bronze Audrey Tcheuméo pour un remake de la finale d’Amiens. Alors que, comme en Picardie, les pénalités montaient très vite, Tcheuméo lançait un o-soto-gari dans le timing dans lequel elle ne croyait pas assez. Un manque de confiance que la double championne olympique payait cash puisque quelques secondes après c’est Posvite qui lance o-soto-gari. La championne du monde 2011 pivotait mais Posvite, tout en volonté, continuait la traction pour un tai-otoshi valorisé ippon. Désormais 19e mondiale, l’ancienne médaillée mondiale en -70kg continue à tracer sa route. Sans se prendre la tête. Puissante mais manquant selon elle encore un peu de mobilité, variée techniquement (sode-tsuri-komi-goshi, o-uchi-gari…), sachant contrer comme placer son redoutable juji-gatame, Posvite est clairement pour l’instant une excellente n°2 française. La suite ? Le Masters en Chine, pour marquer encore des points.
Tolofua manque le coche, retour délicat pour Dicko
Dans la catégorie supérieure, Julia Tolofua et Romane Dicko étaient les deux représentantes françaises. La première finit 5e, battue par Akira Sone en demi-finale et Beatrix Souza — la n°2 brésilienne en passe de prendre le laedership nationale — pour le bronze. Dans un combat où on voyait Larbi Benboudaoud sur la chaise mimer le kumikata que sa combattante devait mettre en place, la Française se faisait embarquer au sol sur un tani-otoshi suivi en immobilisation. Pas de médaille donc cette fois-ci pour Tolofua, 3e au Brésil. Vingt-deuxième mondiale, la Corse rate une chance de rentrer dans le top 20 mondial et de se rapprocher d’Anne-Fatoumata M’Bairo, 13e mondiale. Pour Romane Dicko, on a eu confirmation que son retour à la compétition s’avère pour le moins délicat. Battue en tableau à Amiens par Eva Bisseni, la championne d’Europe 2017 perd dès son entrée en lice face à la Coréenne Kim, vice-championne du monde juniors à Marrakech il y a un mois. Une judokate sous pression du bras droit de Dicko en début de combat mais qui su inverser la tendance avec une garde… coréenne qui montrait les limites actuelles de la championne d’Europe 2018. Résultat ? Deux shidos consécutifs pour un hansokumake contre la Française. Clairement en manque de sensations, de qualité d’appuis, de repères de la jeune Tricolore qui va devoir très (très) vite monter en puissance (et dans la ranking) si elle veut avoir une chance de combattre au Budokan l’été prochain. Car pour l’instant, on ne reconnaît pas la si pétillante championne continentale de Tel-Aviv.
Seul masculin français du jour, Cédric Olivar, sur une excellente dynamique ces dernières semaines (2e des Jeux mondiaux militaires et champion de France 2019), tiendra la dragée haute à Elmar Gasimov après avoir battu sur un fort o-soto-makkikomi l’Estonien Minaskin au premier tour. Il mène rapidement d’un waza-ari sur un mouvement de hanche. Mais le vice-champion olympique a du métier et surprend le -100kg tricolore avec un morote inversé puis le contre (superbement) sur un tani-otoshi au golden score, tout en affichant toute la fin du combat un épuisement apparent, qui ne l’empêcha cependant pas de prendre sa chance au bon moment. De la frustration pour le Français, mais il pourra se souvenir qui a été l’auteur d’un gros match contre un des tauliers de la catégorie. Un garçon à revoir très vite sur les tatamis internationaux.
Sone, Tasoev et Gviniashivili en vedettes
C’est désormais officiel : Akira Sone sera la +78kg nipponne aux Jeux olympiques. Une sélection obtenue ce dimanche, avec beaucoup de contrôle, y compris en finale contre Idalys Ortiz, la légende cubaine. Dans un nouveau duel après celui de la finale des championnats du monde, la jeune Japonaise trouve la faille sur son o-uchi-gari — elle qui est très attendue sur ses attaques sur l’avant — pour remporter ce Grand Chelem après le championnat du monde. Soit la condition fixée par le comité de sélection nippon pour être le titulaire olympique de sa catégorie. Jamais mise en danger, Sone a pleinement maitrisé son sujet ce dimanche. Du travail bien fait en somme. Elle va pouvoir maintenant se préparer très tranquillement pour l’été prochain.
La prestation XXL du jour est l’oeuvre d’Inal Tasoev, un jeune Russe de 21 ans, dont on vous dit le plus grand bien depuis les championnats du monde juniors 2017. Pour l’instant il nous donne raison ! Aujourd’hui, il va chercher son deuxième titre en Grand Chelem en battant trois Japonais par ippon (des vrais, pas des hansokumake) ! En 1/4 de finale, il surclasse Kokoro Kageura qui s’envole sur ashi-guruma et tsuri-goshi — un garçon qui avait tenu presque dix minutes contre Teddy Riner, se classe dans les dix meilleurs mondiaux et ne perd que contre les grandes leaders mondiaux, Krpalek, Tushishvili… et qui joue sa chance de représenter le Japon aux Jeux. En demi-finale, il anticipe parfaitement le ashi-guruma de Daigo Kagawa pour faucher la jambe d’appui de l’ancien étudiant de Tokai et suivre au sol. En finale, c’est un o-soto-otoshi qui met Hyoga Ota sur la tranche.
Désormais 7e mondial, Tasoev, battu lui aussi par Teddy Riner à Brasilia, sera un candidat, c’est sûr, à une médaille olympique. Un judoka à la qualité d’appui, au « feeling » impressionnant, avec un excellent timing et une capacité à sentir les coups remarquable. C’est un combattant encore jeune, tout en volonté d’aller au contact et de prendre l’adversaire sur ses points forts, sans schéma fixe, ce qui est à la fois sa faiblesse (il fut archi-dominé par le Français au kumikata), mais aussi sa grand force. Attention à lui.
En -90kg, petit évènement : ce fut la seule finale de ce Grand Chelem d’Osaka sans Japonais ! Et c’est Beka Gviniashvili, le Géorgien, qui en sort vainqueur grâce à un o-goshi à gauche sorti de son chapeau au bon moment pour battre l’étonnant Azéri Bobonov, coaché toute la journée (sauf en finale) par Ilias Iliadis. Bobonov qui menait pourtant grâce à un eri-seoi-nage lancé à la vitesse du son. Auteur du même mouvement plus tard dans le combat, les superviseurs ne lui accordaient pas un second waza-ari remplissant pourtant tous les critères.
Décevant lors des grands championnats, le petit colosse Gviniashvili ne lâche pas le morceau alors que le staff géorgien compte beaucoup sur Lasha Bekauri, le double champion du monde juniors dans cette catégorie, pour défendre les couleurs du pays à Tokyo. Une victoire qui comptera pour peut-être participer à ses seconds Jeux olympiques à Tokyo.
Côté japonais, contre-performance de Sanshiro Murao, finalement 7e. Soichiro Mukai, lui, termine sur le podium mais à la faveur du forfait de Kenta Nagasawa, visiblement blessé au sternum dans sa demi-finale face à Gviniashvili, qui avait battu au préalable le champion olympique Mashu Baker sur un sasae. Mukai, vice-champion du monde, subit une des tôles de la journée face au Coréen Gwak qui lui administre un tai-otoshi à droite sublime. Des prestations pas franchement convaincantes des combattants du cru et qui n’aident donc pas à voir un leadership clair se dessiner.
Le Japon, comme en 2018
Ce dimanche, outre la victoire de Sone en +78kg, Mami Umeki en -78kg et Ryonosuke Haga en -100kg apportent leur écot au triomphe nippon. La seconde, dans une finale nippo-japonaise contre Shori Hamada, vice-championne du monde 2019 (battue par Madeleine Malonga), plaque sa rivale sur le dos (un peu comme Malonga en finale du championnat du monde) alors qu’elle était menée waza-ari sur un petit contre. La voilà 5e mondiale alors que Hamada est 2e. La concurrence fera rage jusqu’au bout dans cette catégorie.
Une concurrence que Ryonosuke Haga aurait-il relancer ce dimanche chez les -100kg nippons ? C’est possible, car Aaron Wolf, champion du monde 2017 et 3e en 2019 est certes constant avec à nouveau un podium ce dimanche, mais se fait surprendre par le uki-waza en sortie d’esquive de Gasimov et reste sur une troisième place « seulement » au championnat du monde. Quel plaisir en tout cas de retrouver Haga et son uchi-mata si pur. En finale, il ajuste magnifiquement Elmar Gasimov qui en fait un tour et demi ! Un mouvement à voir et à revoir tout comme le respect mutuel affiché par ses deux « anciens » de la catégorie à la fin du combat. Un des jolis moments de ce dimanche.
Avec onze titres au total, le Japon égale sa performance de l’année dernière. Avec, aussi, le même nombre de médailles d’argent. Le bronze, lui, ne diffère que d’une médaille en moins cette année. Anecdotique. La France termine seconde nation avec la victoire d’Amandine Buchard, le bronze de Fanny-Estelle Posvite et les deux cinquièmes places d’Audrey Tcheuméo et Julia Tolofua. Pour le Japon cependant, à quelques rares exceptions près, ce Grand Chelem n’a pas contribué à éclaircir la situation pour les sélections finales. Chaque mouvement sera décisif !