Hippopotomonstrosesquippedaliophobie !
Dans le prolongement de L’Esprit du judo n°56 actuellement en kiosque, retrouvez ici la suite du journal de bord de la Judo Académie nouvelle génération.
La phobie des longs mots – ce que signifie celui, méconnu, de trente-six lettres qui sert de titre au présent épisode – est au carnet de route de la World Judo Academy ce que les lois de la gravité sont à Georgii Zantaraia : un parpaing quotidien. Onze vies qui passent peuvent-elles se réduire à onze poignées de signes ? L’époque y pousse mais l’époque est poussive. La World Judo Academy, expérience d’obsolescence programmée mélancolique à durée limitée, a fait le choix – clivant mais assumé – de tenter de repousser ces limites-là sur la durée. Si vous avez manqué les épisodes précédents (voir EDJ46 à EDJ56 et ici), l’équipée comprend Amandine Buchard (France, -48 kg), Hedvig Karakas (Hongrie, -57 kg), Yarden Gerbi (Israël, -63 kg), Kayla Harrison (USA, -78 kg) et Idalys Ortiz (Cuba, +78 kg) pour les filles. Yakub Shamilov (Russie, -66 kg), Gideon « Jacques » Van Zyl (Afrique du Sud, -73 kg), Antoine Valois-Fortier (Canada, -81 kg), Tiago Camilo (Brésil, -90 kg), Toma Nikiforov (Belgique, -100 kg) et Islam El Shehaby (Egypte, +100 kg) pour les garçons.
Saison II, épisode 5, attitude… Ré !
La voiture de la championne olympique slovène Urska Zolnir, dont un aperçu de la vie quotidienne sera à lire dans un prochain « Dojos du monde » ©Anthony Diao/L’Esprit du judo
Vendredi 1er mai 2015. Grand Prix de Croatie. Yakub dans ses œuvres. Le -66 marque waza-ari à l’entrée de la dernière minute face au longiligne arménien Ghazaryan, avant de prendre waza-ari awasete ippon. « J’étais fatigué par l’enchaînement des stages » expliquera plus tard le Russe. Hedvig, encore rincée par celui de Budapest dont elle sort tout juste, boude et peste brièvement contre les arbitres : « J’ai pris deux shidos pour rien… mais c’est le judo ». Pesée à 49,2 kg à 15 h la veille, Amandine est forfait pour raisons médicales [cf. EDJ56]. Dans sa catégorie, la Turque Sahin se tord violemment le coude en finale contre sa compatriote Lokmanhekim, dans un choc Galatasaray-IBB, les deux clubs phares d’Istanbul.
Samedi 2 mai. Grand Prix de Zagreb, suite. Il ne manque que les Asiatiques qui préparent leurs championnats continentaux. Antoine s’incline d’entrée face au Libanais Elias. Yarden se relève d’une clé infligée après le matte par la Polonaise Ozdoba et fait 3e, battue en demie par Tina Trstenjak. La Slovène, qui a avalé la veille les deux heures de route séparant son QG de Celje du lieu de la compétition à bord de la Golf grise break « London 2012 » de sa coach Urska Zolnir, conserve son titre remporté en septembre dernier dans les mêmes lieux. Son compatriote Draksic, champion d’Europe 2013 des -73 kg [cf. EDJ45], mange un uchi-mata du Belge Chouchi, l’un des grands copains de Toma. À Irving, Texas, les championnats des Etats-Unis se déroulent sans Kayla, qui doit composer avec quelques soucis familiaux.
Dimanche 3 mai. Arrivé à Zagreb avec une côte fissurée, Toma est très remonté par le ippon subi au deuxième tour du Grand Prix contre le Polonais Wocjik. Le point est en effet annoncé via l’oreillette plus d’une minute après l’action litigieuse – une réception en pontant. « Commence à m’agacer ce sport où tu ne peux pas frapper ni faire de clé de jambes et où il faut faire son Japonais et dire amen à tout » fulmine celui qui sait que cette contre-performance remet en question sa participation aux Masters. Au Tournoi de Berlin, aucun des 28 cadets français engagés ne remporte de médaille.
Lundi 4 mai. « À Zagreb nous avons senti que les choses sérieuses étaient en train de commencer » déclare Antoine. Le Canadien regagne ses pénates pour une semaine avant d’enchaîner sur le stage international d’Antalya en Turquie. De leur côté, les inséparables Slovènes Trstenjak et Velensek, en or toutes les deux ce week-end, s’envolent pour deux semaines d’entraînement au Japon, en compagnie de l’entraîneur adjoint Igor Trbovc. De retour de Croatie, Hedvig se plonge dans ses révisions pour un cycle de dix jours d’examens à l’Université. Tiago arrive au Japon pour un stage itinérant.
Mardi 5 mai. L’adoption en France de la Loi sur le renseignement n’empêche pas Kayla de décoller pour Bakou en compagnie de son coach « Big Jim » Pedro. Le voyage – interminable – pour l’Azerbaïdjan est épargné à Yarden, rentrée en Israël soigner son coude abîmé en Croatie.
Mercredi 6 mai. 29 ans de Ghandi Djuna, plus connu des dancefloors sous son nom de scène de Maître Gims. Au Japon, Tiago arrive à l’Université de Nitai pour un cycle de « dix à douze randoris par jour ». Aux Pays-Bas, la -63 kg Anicka van Emden sort du sauna afin de parachever sa descente au poids à deux jours du Grand Chelem de Bakou lorsqu’un homme se présente pour procéder à un contrôle antidopage inopiné. Pour satisfaire à sa demande et produire l’échantillon d’urine requis, la Néerlandaise sait qu’elle doit boire des litres d’eau, ruinant ainsi ses chances d’être au poids pour l’échéance azérie. Croyant être dans son bon droit, elle refuse. Début de l’affaire van Emden.
Jeudi 7 mai. Contre toute attente, les Conservateurs remportent les élections législatives britanniques. En Écosse, les indépendantistes du Scottish National Party, dont les panneaux pullulaient à tous les coins de rues quelques semaines plus tôt à Edimbourg comme à Glasgow, remportent 56 des 59 sièges en jeu.
Vendredi 8 mai. Au Grand Chelem de Bakou, la Roumaine Chitu – dont vous avez pu suivre l’automne dans l’EDJ54 – atomise la concurrence pour fêter les 27 bougies qu’elle a soufflées la veille. Seule la Brésilienne Miranda, vice-championne du monde un an avant elle, parviendra à l’arrêter en finale sur un juji à la volée.
Samedi 9 mai. Anniversaires de Maljinda Kelmendi, Ami Kondo, Kelita Zupancic, Yuki Hashimoto, Meheddi Khaldoun, Adil Fikri, David Somerville, l’éternelle pile électrique du Dojo Romanais Ludovic Kuntz… Toma met un peu de beurre dans son pinard en allant combattre par équipe dans la Bundesliga autrichienne. Retour encourageant de Kim Polling. Après des mois de doutes suite à son fiasco de Chelyabinsk (5e), le lance-roquettes désormais blonde platine la joue à présent tactique sur les manches et les bordures et se hisse en finale, où une petite erreur lui coûte la victoire face à la Britannique Conway. Comme la Polonaise Ozdoba face à Yarden la semaine dernière, le Français Duprat inflige une clé après le soremade à l’Américain Delpopolo alors que celui-ci avait combat gagné. Le sosie de l’acteur allemand Lars Rudolph ressort du combat très agacé par ce geste évitable car il le met « dans l’incapacité de remettre [son] judogi jusqu’aux Masters ».
Dimanche 10 mai. Fête des mères dans de nombreux pays. À Bakou, Islam est dépassé en vitesse et en coordination par l’Ukrainien Gordienko. Kayla colle quatre pénalités à la Portugaise Ramirez, pendant que sur le tapis n°3 les vérins et les sasae du Néerlandais Grol semblent enfin prendre la mesure du uchi-mata du Japonais Haga, que Toma avait été le seul à bousculer lors de sa tournée de février. Le Nippon trouve pourtant l’ouverture à dix secondes du terme en sautant par dessus le bras du Néerlandais puis en l’immobilisant. Seuls le Russe Bisultanov puis l’Egyptien Darwish trouveront la faille en croisant les mains juste ce qu’il faut pour perturber la belle assurance nippone. La tactique russe d’insérer le doute en amont des grands évènements, expérimentée par Galstyan et Denisov en 2012, est en place. À propos de l’Egyptien Darwish, ce vieux compagnon de route d’Islam se présente en repêchage face à l’Israélien Paltchik. Comme il l’avait fait jadis à Moscou et Düsseldorf face à Ariel Zeevi [cf. EDJ57 à paraître], il s’impose, le salue mais ne lui serre pas la main – « selon les règles du judo, il n’y a rien à lui reprocher » observait à l’époque avec son sang-froid britannique le commentateur Sheldon Franco-Rooks. Épuisée par les trente heures de voyage et d’autres tracasseries familiales, Kayla cède au sol en quarts contre la Polonaise Pogorzelec, qui la menait déjà de deux yuko. Les retrouvailles avec la Japonaise Ogata, qui immobilise tout ce qui se présente, ne sont donc pas pour cette fois. En repêchage, l’Américaine colle waza-ari sur soto-maki-komi à la Russe Dmitrieva. Depuis la chaise où elle attend le podium, la championne olympique peut voir les larmes de la Néerlandaise Steenhuis, qui s’impose pour la première fois à ce niveau. « Quand ai-je été moi-même aussi heureuse d’une victoire pour la dernière fois ? » couchera le soir venu sur son journal intime la Merckx supérieure de la catégorie…
Lundi 11 mai. Accompagné de Catherine Beauchemin-Pinard, Kelita Zupancic et Antoine Bouchard, Antoine s’envole pour la Turquie et le stage d’Antalya. Un stage auquel ne prendront part ni Toma, qui aurait pourtant « bien aimé », lui qui a peu de vrais -100 kg à enfourcher à l’entraînement, ni Yakub, contraint de rentrer en Tchétchénie « soigner des problèmes de dents ».
Mardi 12 mai. Pendant que la Roumaine Chitu arrive à son tour en Turquie, Yarden et son équipe accueillent la Néerlando-Géorgienne Esther Stam pour quelques jours d’entraînement en Israël [cf. EDJ56]. 3 000 km plus à l’ouest, Hedvig poursuit sa session d’examens universitaires. Tiago, lui, enquille les blocs de randoris au Japon.
Mercredi 13 mai. Au Caire, Islam reprend le chemin de l’entraînement le genou presqu’en paix et motivé comme jamais, pendant qu’à Koweit City les championnats d’Asie débutent avec une majorité d’équipes bis chez les grosses nations, proximité des Masters obligent.
Jeudi 14 mai. Les championnats du Canada se déroulent sans Antoine, toujours au charbon en Turquie. À 17 h 57 heure du Caire, Islam gare sa voiture pour attaquer l’entraînement de 18 h. Tiago quitte le Japon pour le Brésil.
Vendredi 15 mai. 37 ans de Kosei Inoue et 27 ans de Loïc Korval. Arrivée dans le staff de l’équipe canadienne d’Antoine de l’entraîneur portugais Michel Almeida. L’ancien champion d’Europe des -73 kg fut le premier à répondre à l’appel d’offre pour remplacer le Français Jérémy Le Bris.
Samedi 16 mai. Pendant qu’en Allemagne, Ilias Iliadis dirige une animation pour son club du TSV Abensberg, les championnats de France juniors débutent à Lyon sans Amandine, restée au calme suite à sa mésaventure de Zagreb. En -66 kg, le Choletais Louis-Marie Guimendeguo réussit l’un des pions du week-end sur un harai-maki-komi à une main en reprise de garde lors de son combat pour le bronze.
Dimanche 17 mai. Le +100 kg Messie Katanga remporte les France juniors et sort du tapis en se répétant à lui-même : « C’est comme ça que ça se passe ». Un peu plus tôt dans la journées, les deux -81 Chris Gengoul (AJA Paris XX) et Brahima Keita (FLAM91) se sont livré à un golden score de 8’35 durant leur quart de finale. Le thriller aura tenu en haleine pendant près d’une demi-heure les staffs des deux équipes. La victoire du premier nommé laissera les deux hommes sans jus pour la suite… « C’est ça les -81 kg ! » commentera l’Allemand Maresch en apprenant la nouvelle.
Lundi 18 mai. 55 ans de Yannick Noah et verdict de l’affaire Zyed et Bouna : acquittement pour les policiers. Aux Etats-Unis, le Président Obama se lance sur Twitter. Son compte ? @POTUS, comme President of the United States. La frontière ténue entre l’individu et la fonction lui vaut cette question perfide de l’ancien Président Clinton, dont la femme Hillary est candidate aux primaires du Parti démocrate : « Est-ce que ce nom de compte est lié à la fonction ? #jedemandepouruneamie »
Mardi 19 mai. Le +100 kg lithuanien Marius Paskevicius, l’un des seuls combattants du circuit avec Tiago à avoir disputé les Jeux de Sydney en 2000 et à être encore dans la course quinze ans après pour ceux de Rio, savoure en famille le Festival de judo d’Antalya, organisé en marge du camp d’entraînement où des pointures comme Tagir Khaybulaev, Ilias Iliadis ou Antoine et ses amis canadiens sont venus suer à grandes eaux. « Mes deux fils s’éclatent aux animations pour enfants organisées dans le cadre du Festival. Ils ont eu des autographes de champions olympiques et de champions du monde sur leur ceinture. Ils sont aux anges ! » Seule ombre au tableau, un bout d’os se balade dans son coude. Le diagnostic le contraint à déclarer forfait pour les Masters. « J’ai bientôt 36 ans, tu sais. Je dois faire attention. »
Mercredi 20 mai. Fin du stage d’Antalya. Antoine et les trois autres Canadiens quittent très tôt la Turquie pour le Maroc.
Jeudi 21 mai. Mizuno officialise la signature de David Larose pendant qu’Idalys arrive à Rabat après vingt-quatre heures de vol, comme Yarden. Mais le périple israélien se transforme en cauchemar. Huit heures d’attente sans eau, nourriture ou chaises puis, après un ultimatum du Président de l’IJF, l’équipe arrive à la salle et s’aperçoit que, de tous les drapeaux des pays engagés ne manque que celui d’Israël. L’IJF fait alors retirer aussi les autres, dans ce qui ne sera que le prélude à un week-end placé sous les huées et la tension [cf. EDJ56].
Vendredi 22 mai. Disparition du footballeur Jean-Luc Sassus. À la pesée de Rabat où elle s’est rendue en simple supportrice, Amandine tombe sur une Ami Kondo méconnaissable. « Peut-être qu’elle aussi fait des gros régimes ? » s’étonne la Française.
Samedi 23 mai. Deux tapis pour sept catégories. « De grands noms vont tomber car il n’y a que des grands noms aujourd’hui » se régalent d’avance les commentateurs d’Ippon TV Sheldon Franco-Rooks et Annett Böhm, au début d’un week-end placé « sous le patronage de Sa Majesté Mohamed VI » et alors que les championnats d’Europe de katas s’ouvrent au même moment en Belgique. Amandine est en tribune pour supporter le groupe France. Elle observe attentivement les séquences au sol de la Mongole Munkhbat et la constance retrouvée de l’Argentine Pareto, sa tombeuse de Chelyabinsk : « C’est la plus petite de la caté. Je n’ai pas l’habitude d’avoir quelqu’un de plus petit que moi en face ». Confirmation de son constat de la veille : Ami Kondo a le sourire en berne. La championne du monde senior puis junior 2014 des -48 kg, est sortie d’un yuko au premier tour par la Turque Lokmanhekim. Elle qui avait remporté 22 de ses 24 combats internationaux en 2014 en est en deux défaites en deux sorties internationales en 2015 – la précédente remontait au Grand Prix de Düsseldorf où la Belge Van Snick l’avait empaquetée au sol, son domaine de prédilection jusqu’ici… À 11 h 24, Hedvig prend un yuko d’entrée sur sumi-gaeshi face à l’Allemande Roper, qu’elle finit par surprendre en juji à mi-combat. Elle cède ensuite en quarts sur la Mongole Dorjsuren d’un shido en fin de combat, puis bat aux pénalités la médaillée mondiale Sanne Verhaegen dans un match aux furieux airs de tourniquet. En place de trois, son coach se fait expulser après deux minutes de golden-score et elle s’incline une minute plus tard d’un shido face à la vice-championne olympique, la Roumaine Caprioriu. « Je n’ai pas compris l’arbitrage sur ce combat comme sur celui avec la Mongole. Ceci étant cette 5e place me montre que je suis sur le bon chemin. Tout maintenant va être affaire de réglages… » De son côté Yarden entre en lice à 13 h 30 sous les sifflets d’un public pour qui la géopolitique ne s’arrête pas à la porte des stades. Elle contrôle la Chinoise Yang avant de se faire surprendre par la Japonaise Tashiro en demie sur un uchi-mata enchaîné en harai-maki-komi alors qu’elle pensait « avoir enjambé le danger ». En place de trois, elle ne trouve pas de solution pour gêner la main directrice de la gauchère allemande Trajdos, qui l’immobilise à quelques secondes du terme. « Vu l’hostilité de la salle, je me demande ce qu’il serait passé si un Israélien était monté sur le podium… » soupire-t-elle à l’arrivée. Pour le reste, Annabelle Euranie uchimatise l’épouvantail chinois Ma et en -60 kg, le Géorgien Papinashvili esquive la poignée de main du Mongol Dashdavaa. Dans la même catégorie, le combat pour la place de trois entre les deux Ouzbeks Lutfillaev et Urozboev est l’un des plus spectaculaires vus ces dernières années, le second ayant par ailleurs déjà fait se lever la foule sur un ura-nage ponté de face en début de journée face au Mongol Ganbold. Seule ombre au tableau, la clé dangereuse du Géorgien Tatalashvili sur le Japonais Nakaya en toute fin d’immobilisation, alors que le soremade avait retenti et que le match était gagné. Selon un témoin, le Géorgien, également vainqueur de l’Israélien Muki dans une ambiance de kermesse, se rattrapera le soir lors du repas officiel en prenant des nouvelles du Japonais, qui le rassurera : « Plus de peur que de mal ».
Dimanche 24 mai. 33 ans de Tiago, dont l’équipe nationale a décidé de zapper le Masters. Un sommet marocain où quatre Russes sont alignés en -81 kg, où le Français Riner vient rappeler à l’opposition que quand le chat est là les souris prennent des contredanses, et où il ne fait pas bon avoir les mains baladeuses. Hansoku make pour Islam face au Néerlandais Meyer, pour le Géorgien Liparteliani face au Français Iddir et pour la Française Tcheuméo face à la Britannique Powell. Idalys bat l’Allemande Kuelbs d’un yuko avant de se faire immobiliser en quarts par le cube ukrainien Yaromka. En repêchage, son seoi est contré d’entrée par la Tunisienne Cheick Rouhou. « Le voyage jusqu’ici a été long » justifie-t-elle, laconique. Loïc Pietri et son judogi trop long se font immobiliser d’entrée par l’Emirati Toma tandis qu’Antoine bat le Hongrois Krizsan aux pénalités. Le Canadien cède ensuite en quarts sur le Japonais Nagase, waza-ari sur un o-uchi ken ken au ralenti puis ippon sur o-soto-gari. Vainqueur trois shidos à un en repêchages du Russe Khubetsov après une grosse bataille sur les mains, il ne parvient pas à remonter un yuko de retard pour le bronze face au Géorgien Tchrikishvili, dans le remake de la finale des derniers Mondiaux. « S’il y a un jour où il était prenable c’était aujourd’hui » se frustre le médaillé olympique, qui paie « peut-être » l’enchaînement avec le stage d’Antalya… De son côté la néo-Israélienne Linda Bolder fait la douloureuse expérience d’être huée pour son drapeau. Son ex-compatriote Kim Polling a troqué son habituel démonte-pneu pour une nouvelle approche moins spectaculaire mais tout aussi efficace au strict plan comptable : elle apprend à gagner en gestionnaire – quatre shidos à rien, cela n’a pas dû arriver souvent à la Française Emane – et prend en finale sa revanche des Mondiaux sur la Colombienne Alvear. « Je suis tellement heureuse et fière de cette journée ! » confiera-t-elle ensuite. Le rugissement du jour est enfin à mettre à l’actif de Toma, qui claque un bronze à la Tony Truand en -100 kg. Waza-ari et yuko d’entrée sur Cyrille Maret, qu’il bat pour la premiière fois et tient pendant trois minutes « avec les cinq doigts de la main gauche en sang tellement je ne voulais pas lâcher un centimètre de tissu. » Le Belge prend ensuite la mesure de l’épouvantail Darwish, à qui il marque yuko à neuf secondes du terme malgré une côté fêlée et après avoir vu l’arbitre annuler un ippon pour son adversaire. La demie face au champion du monde tchèque Krpalek est tout aussi homérique. Toma réussit à se dégager d’un étranglement du double champion d’Europe malgré un bref passage dans les pommes que seuls son coach Damiano Martinuzzi et le Tchèque ont vu. Encore dans les vappes, il se fait ensuite balayer en bord de tapis sur un déplacement rasant. Cerise sur le gâteau ? Son ura-nage sur le Suédois Pacek en place de trois à 23 secondes du terme alors qu’il était mené d’un yuko depuis le début. De quoi hurler et frapper la main d’un rival avec qui les relations sont fraîches depuis un combat houleux au stage de Nymburk en 2013 – Toma n’était alors que junior… Hasard des réservations, Amandine se retrouve assise côte à côte dans l’avion du retour avec la Mongole Munkhbat, vainqueur la veille.
Le visage de Toma Nikiforov au soir de sa campagne marocaine ©DR/L’Esprit du judo
Lundi 25 mai. Ce fut un long règne mais est-il certain qu’il se soit achevé pour de bon à Rabat ? Pour la première fois depuis les JO de Londres, Idalys cède son fauteuil de n°1 mondiale des +78 kg à la Chinoise Yu Song… Au Burkina Faso, l’exhumation du corps de Thomas Sankara a débuté, près de 28 ans après l’assassinat de cette figure de l’histoire contemporaine dont les discours sur la dette redeviennent d’actualité à mesure que le bras de fer entre le gouvernement grec et l’Union européenne va crescendo. Kayla arrive à Camberley dans le Surrey, pour trois semaines d’entraînement aux côtés de Frazer Chamberlain, son petit ami. « C’est partout mieux qu’à Boston » sourit-elle en référence au peu de personnes présentes sur le tapis dans son club. Une démarche d’autonomie à laquelle poussent les Pedro père et fils, soucieux de voir leurs athlètes se ressourcer et apprendre partout où ils le peuvent. « Être judoka en tout lieu » martèle Jimmy. Yarden atterrit à Tel-Aviv soulagée d’en terminer avec son périple en terre hostile. Tiago est interviewé par une télévision locale dans son club de Pinheiros en prévision des Jeux panaméricains. L’entretien s’éternise au point de le faire tomber dans les terribles embouteillages de Sao Paulo et de le contraindre, décalage horaire oblige, à reporter la session Skype calée ce jour avec l’auteur de ces lignes.
Mardi 26 mai. Après un saut à l’hôpital pour montrer sa côte abîmée, Toma est honoré par les édiles locaux lors de la cérémonie de pose de la première pierre du nouveau centre d’entraînement belge de Louvain-la-Neuve. Il dépose ensuite sa petite amie à la gare avant de s’en aller retourner la nuit bruxelloise avec un copain. Antoine goûte à un repos bien mérité et Amandine bûche à la bibliothèque. Idalys, elle, est toujours dans l’avion pendant que Yarden, dont la sœur de 18 ans vient de plier sa voiture lors d’un accident de la circulation dont elle est ressortie indemne, reçoit de la famille chez elle. En Écosse, le médaillé mondial Euan Burton et la vice-championne olympique Gemma Gibbons soufflent leurs deux bougies de mariage.
Mercredi 27 mai. 45 ans de Stéphane Fremont et 26 de Lisa Kearney, cette Nord-Irlandaise médaillée en -52 kg au Grand Prix de Samsun le 27 mars dernier avant de se rompre le genou quinze jours plus tard à l’entraînement, et de se résoudre la mort dans l’âme à devenir – officieusement – le premier forfait des Jeux de Rio 2016. À Bron près de Lyon, funérailles émouvantes de Jean-Paul Cessin, père du 6e dan Frédéric Cessin, au son de « La montagne » de Jean Ferrat et « La tendresse » de Daniel Guichard, bientôt suivie d’un pot chaleureux dans leur jardin du centre de Vénissieux, ou quatre générations de judokas et bénévoles de club évoquent ensemble souvenirs et avenir. Du côté de la FFJDA, la sélection partielle pour les Mondiaux d’Astana tombe. 12 des 18 noms sont désormais connus, et Amandine en est. Au Canada, Antoine est désigné Athlète exceptionnel de l’année, catégorie sénior masculin par sa Fédération. 8 700 km plus à l’est, Shany Hershko décide que Yarden ne fera pas le Grand Prix de Budapest pour se préparer plus sereinement pour les Jeux européens de Bakou. Les leçons de 2014 ont été retenues et l’intéressée se réjouit de « passer moins de temps dans les aéroports ».
Jeudi 28 mai. Début des Europe vétérans à Balatonfüred en Hongrie [cf. EDJ57, bientôt en kiosque].
Vendredi 29 mai. Comme chaque dernier vendredi du mois, Tiago se livre à une animation avec les enfants de son Institut. Atterrissage en deux groupes à l’aéroport Saint-Exupéry de Lyon d’Idalys et du reste de l’équipe féminine cubaine, emmenée par Ronaldo Veitia et son ample chemise jaune poussin. Direction la frontière franco-suisse et le Dojo Gessien où l’équipe vient prendre ses quartiers jusqu’au Grand Prix de Hongrie. Ce même jour, les Etats-Unis annoncent qu’ils retirent Cuba de la liste noire des Etats terroristes.
Séance de préparation physique au chaud soleil du Dojo Gessien pour Idalys Ortiz, Ronaldo Veitia et l’équipe féminine cubaine ©Anthony Diao/L’Esprit du judo
Samedi 30 mai. Pendant que son petit ami Frazer combat en Roumanie, Kayla reste à Camberley pour une séance d’autographes au Café Papillon, le restaurant que tient M. Chamberlain père dans la commune voisine d’Oxted. Idalys et ses coéquipières prennent leurs marques avec leurs hôtes du Pays de Gex, même si la première séance de randoris avec les juniors-seniors du club occasionne quelques arrêts au stand Poches de glace pour les locaux. En témoigne le -66 kg Philippe Labrot, sorti de sa semi-retraite pour faire honneur aux invitées et qui repart avec un sévère pain à l’œil lors d’une bataille de garde avec la -78 kg Yalennis Castillo. « Plancher de l’orbite cassé, pose d’une grille en titane, six semaines sans sport… J’aurai pas fait le voyage pour rien ! » De son côté, Hedvig arrive à la station de Rogla en Slovénie pour un stage en altitude qui rassemble cette année 150 judokas venus de 15 pays. Yakub, lui, fait 3e à l’European Open de Cluj Napoca. Un satisfecit au regard de l’important travail tactique entamé au niveau de la gestion de ses combats [cf. EDJ55], trois de ses victoires ayant été acquises en confirmant un premier waza-ari par un ippon – mais un satisfecit à pondérer au regard du niveau de l’opposition, ainsi que l’explique son tombeur en demies et vainqueur en finale, le Slovène Adrian Gomboc : « Avant Yakub j’ai eu deux combats très difficiles contre un Italien et un Géorgien. Sans ces deux tests je pense que je n’aurai pas battu le Russe. En tout cas je n’aurais pas eu la lucidité pour lancer un seoi inversé comme je l’ai fait à mi-combat, me permettant de tenir un yuko d’avance jusqu’à la fin. » En France, la Coupe de France minimes réunit à Villebon 2 300 judokas répartis en 85 équipes départementales. La Gironde s’impose chez les filles et l’Essonne chez les garçons. En Bundesliga, le Néerlandais Van’T End, valeur montante des -90 kg et 3e du Masters six jours plus tôt en satellisant notamment le Grec Iliadis, s’arrache les ligaments du genou lors d’un combat par équipes contre un -100 géorgien.
Dimanche 31 mai. Démission de Marius Vizer de la présidence de SportAccord. Les cadets du Flam 91 conservent leur titre de champions de France. Du baume au coeur pour leur coach Kilian Le Blouch, finaliste des trois derniers championnats de France 1D (pour deux titres), battu la veille au premier tour en Roumanie mais qui prendra une revanche dorée dans quelques jours en Biélorussie. Le JC Raincy Villemomble s’impose chez les filles. Départ de la délégation monégasque pour les Jeux des Petits Etats à Rejkjavik. Kayla suit à la télévision les combats de son boyfriend à Cluj-Napoca, où le Hongrois Csoknyai se distingue par un geste de classe pour venir en aide à son rival britannique Stewart, blessé dans leur combat pour le bronze.
Lundi 1er juin. Anniversaires de Yasuhiro Yamashita et de Thierry Rey. La Néerlandaise van Emden est visée par une enquête de dopage suite à l’imbroglio du 6 mai [cf. supra]. Sergei Soloveychik, président de l’Union européenne de judo, adresse un message de soutien à Marius Vizer, président de la Fédération internationale de judo et démissionnaire de SportAccord [cf. EDJ57 à paraître].
Mardi 2 juin. Suite à leur bonne collaboration au Grand Chelem de Bakou et aux Masters de Rabat, Kim Polling officialise Maarten Arens comme étant son nouveau coach attitré. Antoine, lui, décide de faire une croix sur les Jeux panaméricains de Toronto pour axer sa préparation sur les Mondiaux d’Astana.
Mercredi 3 juin. Démission de Sepp Blatter de la présidence de la FIFA où les cadavres sortent des placards les uns après les autres. 29 ans de Rafael Nadal, qui se fait sortir en quarts à Roland-Garros par Novak Djokovic. En Israël, Yarden bosse le kumikata avec un invité de marque nommé Ilias Iliadis.
Jeudi 4 juin. Signe des temps. Pour la première fois de son histoire, les ventes numériques (60 000) du quotidien Le Monde dépassent les ventes en kiosque (55 000). À l’Insep, Frédéric Lecanu anime une rencontre entre journalistes et Automne Pavia, Clarisse Agbegnenou, Emilie Andeol et un +100 kg qui le cache bien, Morgan Maury. À Divonne-les-Bains, la -63 kg du Judo 83 Laurie Corsat affronte la Cubaine Maylin Del Toro en test-match et se heurte à « un mur ». Quelques minutes plus tard, Idalys et ses orteils peints de fines fleurs bleues et blanches font presque transpirer l’ancien champion de France junior, médaillé national et vanneur sur pattes David De Nardi. Elle lui claque une bise en repartant : « Il est trop fort. Il m’a tuée ».
Vendredi 5 juin. En dignes représentantes du RSC Champigny, la (bientôt) double championne d’Europe Emilie Andeol et Amandine se rendent à la soirée d’ouverture des Jeux du Val de Marne. Kayla profite de la canicule et se paie des mini-vacances en Cornouailles avec son amoureux. Beaucoup plus loin à l’est, en Asie, Kaori Matsumoto et Haruna Asami font partie d’un groupe de Japonaises que la Fédération nippone renonce à envoyer en stage en Corée du Sud en raison d’une recrudescence des cas du coronavirus MERS (Middle East Respiratory Syndrom).
Samedi 6 juin. Nettoyage de printemps, suite. Kim Polling tourne un documentaire pour la télévision néerlandaise. Elle y rend enfin publique la mini-dépression dans laquelle l’aura plongée sa 5e place de Chelyabinsk, elle la cigale de la catégorie qui se fit ce jour-là dépasser par la fourmi colombienne Alvear. 13 000 km plus au sud, à Johannesburg, Jacques sort d’une réunion avec son Comité olympique et est fixé sur son programme estival : « Je ne ferai pas l’Open du Salvador ce mois-ci comme je l’espérais car je dois disputer les championnats d’Afrique du Sud. En revanche cette année j’ai le feu vert pour Astana et ça c’est énorme ! » mesure à sa juste valeur celui qui avait dû renoncer à Chelyabinsk en 2014 à quelques jours du départ, faute de budget. Dans la banlieue lyonnaise, l’ancienne championne olympique Cecile Nowak-Grasso captive l’auditoire au gala des 40 ans du JC Chassieu de René Nazaret, le premier professeur de Lionel Hugonnier [cf. EDJ57 à paraître pour prendre des nouvelles de l’ancien spécialiste du ceinture-pantalon]. Comme beaucoup de hauts gradés ultra sollicités à cette période de l’année, le 6e dan Vincent Valente s’éclipse vers 18 h pour se rendre au gala de son collègue Jean-Claude Rieu. À Minsk, les Français Pruvost, Le Blouch et Guillaume Chaine – le -73 kg à l’inusable veste aux couleurs de l’Olympique lyonnais – s’imposent.
Dimanche 7 juin. 22 médailles dont 7 en or pour la France aux Europe de jujitsu d’Almere (Pays-Bas). Minsk encore. Victoire d’Axel Clerget malgré quelques absents faute de visa de transit pour l’escale à Moscou. « L’obtention de mon diplôme m’a libéré, commente le Sucéen qui fut Judo Académicien pendant 18 numéros de L’Esprit du judo de 2009 à 2012. J’ai travaillé et maintenant ça paie. Mais il faut passer au-dessus pour avoir de vrais combats et des points à la ranking. J’ai décidé de m’imposer en gagnant tout. C’est ce que je fais pour l’instant mais toujours aucune sélection… » En football, la France est battue 4-3 à domicile par la Belgique. Une nouvelle de nature à faire revoir son jugement sur une discipline archi-conotée tatouages, Pento et entrechats aux yeux du viril Toma ?
Lundi 8 juin. Début du stage de Biélorussie et du projet Playdagogie qu’Ugo Legrand est parti parrainer au Brésil chez le -100 Luciano Corrêa. Obsèques d’Alain Moirand, président du Comité de l’Ain de 2008 à 2012.
Mercredi 10 juin. Depuis son QG de Wingate, Yarden en termine avec le stage avec les équipes grecque et turkmène. Dernier entraînement au Dojo Gessien pour les Cubaines. Idalys anime l’échauffement et montre une souplesse de hanche insoupçonnée, en plus de ses ongles vernis de nouveaux motifs. Le jeune papa géorgien Giorgii Kurtanidze – qui fut l’un des mentors d’Ugo Legrand dans une autre vie [cf. EDJ41] – ne tarit pas d’éloges du kiné cubain Joachim Ferrer, capable de le soulager en une fois d’une douleur dorsale qu’il trimballait depuis des mois. La -78 Kaliema Antomarchi se fait mal au genou sur un coup de patte anodin, tandis que la -70 Onix Cortès, médaillée lors des Mondiaux 2014, doit s’employer pour venir à bout d’un solide junior du club. Au moment de l’émouvante despedida que connaissent si bien leurs autres hôtes français habituels de Château-Gontier, Pont-à-Mousson ou Angoulême, la -63 Maylin Del Toro écrase une larme en silence.
Petit-déjeuner en France pour Idalys Ortiz et l’entraîneur adjoint Armando Padrón ©Anthony Diao/L’Esprit du judo
Jeudi 11 juin. 42 ans de Darcel Yandzi pendant que l’équipe de Grande-Bretagne rentre de sa première visite en Mongolie et qu’Idalys et son équipe prennent la direction de l’aéroport Saint-Exupéry de Lyon. À 5 h du matin, sa coéquipière Onix s’aperçoit qu’elle a oublié son passeport dans le pays de Gex – deux heures et demie de route à cette heure-là. Le souci est géré en mode « damage control » par Florent Martelet, l’un des professeurs du club, même si la soufflante de Ronaldo à son athlète fera trembler les vitres du comptoir d’Air France. Le problème se reposera ensuite lors de l’escale à Paris puis à l’arrivée à Budapest où Onix devra attendre l’arrivée du second groupe, parti de Lyon à… 19 h. La décevante prestation d’ensemble de l’équipe cubaine deux jours plus tard en Hongrie aura finalement peut-être tenu à cet oubli.
Vendredi 12 juin. Fin du stage de Biélorussie. À Bayonne, Teddy Riner et Thierry Frémaux [cf. EDJ14] se croisent à l’expo Depardon et les JO. 18 h de vol plus à l’ouest, à Eugene dans l’Oregon, les championnats NCAA voient Andre De Grasse, un étudiant de l’Université de Caroline du Sud, signer avec vent favorable les meilleurs temps jamais réalisés à ce niveau : 9″75 sur 100 m (+ 2,7 m/s) et 19″58 sur 200 m (+ 2,4 m/s). Bien loin de tout ça, Amandine part bachoter en Normandie avec ses camarades de l’Insep. Au programme : ateliers de révisions, détente, remédiation, descentes à la mer…
Samedi 13 juin. Mariage de Lukas Krpalek, ci-devant le Tchèque préféré de Toma. Au Grand Prix de Hongrie où sa médaille de bronze a domicile lui avait arraché il y a un an à la même époque son premier sourire depuis des lustres, Hedvig se classe 5e. Elle bat la Vénézuélienne Barrios trois shidos à un, puis cède sur la fin face à la Japonaise Tamaoki qu’elle menait avant de prendre deux pénalités et un waza-ari enroulé. Elle bat ensuite l’Allemande Roper en repêchage après avoir été menée waza-ari, grâce à l’insistance de son coach qui force presque la main au trio arbitral. Elle gaule l’Allemande au sol en fin de match, celle-ci ayant déjà été battue ainsi par sa compatriote Viola Waechter au tour d’avant. Puis Hedvig cède pour le bronze sur l’Américaine Malloy après 2’13 de golden score, alors que sur le tapis d’à côté l’Allemand Seidl immobilise en demies des -66 kg le Russe Galsyan. La journée se termine par une ovation pour le compatriote d’Hedvig, le vice-champion olympique Miklos Ungvari [cf.EDJ23], qui clôt cette journée par le titre des -73 kg avant d’aller courir pour une œuvre de bienfaisance le lendemain matin. Les Kazakhs confirment leur montée en puissance à deux mois de leurs Mondiaux, en s’imposant en -60 (Smetov) et en -66 kg (Smagulov). De son côté « Monsieur quarts de finale » ou l’éternel 5e des -73 kg, l’Américain Nick Delpopolo, repart enfin médaillé pour sa troisième demie en cinq ans (après Abou Dhabi 2010 et Zagreb 2014). « Beaucoup de gens me demandent si ce n’est pas horrible de toujours terminer 5e. Je leur réponds que non car c’est au contraire la preuve de ma constance dans le Top 5. D’abord la constance, ensuite les médailles. » Dont acte.
Dimanche 14 juin. 16 ans de Giacomo Gamba, fils du manager des équipes russes. L’ancien judoka amputé des deux bras Thierry Corbalan [cf. EDJ42] traverse le lac Léman à la nage. Islam est réconforté de son absence à Budapest par la victoire ponctuée notamment d’un spectaculaire ko-uchi enchaîné en uchi-mata rotatif de son compatriote Ramadan Darwish, en demie des -100 face au Russe Bisultanov. Battu il y a quelques semaines à Samsun par Tiago, le Portugais Dias s’impose en -90 kg dans une catégorie orpheline du vice-champion du monde local, le Hongrois Toth, blessé. Émotion en revanche pour sa compatriote Anett Breitenbach (ex-Meszaros), médaillée à domicile quatre mois à peine après sa grave blessure au genou. En +78 kg, Ketty Mathé – désormais Kayra Sayit – se dégage des puissantes cuisses d’Idalys (future 3e) pour immobiliser la double championne du monde et championne olympique, avant de s’imposer en finale à la Tunisienne Cheick Rouhou. Une finale arbitrée par le Français Vincent Druaux, un casting qui ne manque pas d’étonner Radio Vestiaires au regard du long fleuve intranquille traversé par l’ex-pa(ssiona)ria du judo français pour devenir turque… Des considérations dont Kayla se fiche comme de son premier Stetson. L’étrangleuse de Boston sort la Cubaine Castillo, la Japonaise Umaki puis immobilise la Néerlandaise Verkerk, avant d’infliger un tonitruant 113 à rien en finale à la Slovène Velensek, terminée sur o-goshi maki-komi plein centre sur le gong. La voici n°1 mondiale. Enfin.
Kayla Harrison n°1 mondiale. La récompense d’une patiente quête. ©Paco Lozano/L’Esprit du judo
Lundi 15 juin. Loïc Pietri aide Alexandre Iddir à déménager pendant que Kayla, pas du genre à s’endormir sur ses lauriers, enchaîne sur le stage voisin de Tata où elle se frotte à la teigne Breitenbach, non loin d’Hedvig et de ses liaisons debout-sol. Fin du stage – de révisions celui-là – d’Amandine.
Mardi 16 juin. Défi pêche Naturlish sur le canal de l’Ourcq pour quelques judokas de l’équipe de France, pendant que Toma file s’entraîner à 15 h chez les voisins néerlandais.
Mercredi 17 juin. Point presse pour les Jeux européens de Bakou à l’INSEP, au moment où le salaire de Teddy Riner à Levallois fait débat dans les journaux. Débuts des épreuves du baccalauréat pour Amandine. Après deux jours studieux au stage de Tata, Kayla s’envole pour Boston qu’elle a quitté depuis un mois. Toma, lui, retourne terminer le travail aux Pays-Bas. En tennis, l’Allemande Sabine Lisicki sert 27 aces en deux sets au tournoi sur gazon de Birmingham. Un record.
Jeudi 18 juin. Débuts du ramadan en France ainsi que pour Yakub et Islam – qu’un Stéphane De Groodt aurait sans doute appelés Les pâles du 18 juin. L’affaire Riner-Levallois prend de l’ampleur. Quelques heures après la tuerie de Charleston où un forcené blanc a abattu neuf personnes noires dans une église, Kayla livre ses réflexions : « J’ai la chance de voyager et de vivre dans une bulle, en quelque sorte. Je sens néanmoins la tension et la frustration qui montent autour de moi. Et ça m’interpelle. »
Vendredi 19 juin. Deux ans de la disparition de James Gandolfini, interprète de Tony Soprano dans la série majuscule du même nom. Kayla flemmarde pendant que le cinéaste Michael Moore complète le constat posé par la -78 kg par cette comparaison qui fera grincer quelques dents outre-Atlantique : « Un Américain blanc et fier de l’être a tué en moins de deux minutes deux fois plus d’Américains que l’Etat islamique en deux ans. » Un parallèle qui ne heurte pas Ivo Karlovic. Le tennisman croate sert 45 aces lors de son quart de finale du tournoi de Halle en Allemagne. Un record là aussi pour un match en deux sets gagnants.
Dimanche 21 juin. Voilà l’été et les 60 ans de Michel Platini. La Fête des pères est une journée de recueillement pour Amandine, Kayla et Islam. Départ de Yarden pour Bakou. L’Israélienne n’aura pu être porte-drapeau de sa délégation sur ces Jeux européens en raison du début tardif des épreuves de judo. Dans quelques heures, Toma s’apprête à son tour à s’envoler pour la capitale azérie, pendant qu’au Caire Islam en termine avec deux semaines de bloc force et rattaque bientôt un entraînement de judo allégé, chaleur et ramadan obligent. Hedvig gère son poids pour espérer claquer son premier métal continental depuis 2010, tandis qu’Amandine est accaparée par la relecture de ses cours. De l’autre côté de l’Atlantique, Antoine se prépare à de longues semaines loin de ses bases, sur les routes de Mongolie et de Russie, tandis qu’à Sao Paulo Tiago regarde le ventre de son épouse s’arrondir. À Johannesbourg, Jacques passe la troisième dans la perspective de ses championnats nationaux à venir, tandis que bien plus au nord, en Russie, Yakub médite sur la chance qui est ou non la sienne d’être contemporain de Pulyaev, Khan-Magomedov ou Galstyan. À des milliers de kilomètres de là, à Cuba, Idalys savoure le bonheur simple et retrouvé d’un dimanche à la maison.
La suite est à lire dans L’Esprit du judo n°56 actuellement en kiosque, dans l’EDJ57 qui arrive déjà… et dans les prochains numéros.
(Le titre du présent article est un clin d’œil à trois plumes méconnues).