Tout en contrôle. Alors qu’il vient de satelliser le pauvre Jelle Snippe, 77e mondial, sur un harai-goshi dont le classicisme le dispute à l’amplitude, Teddy Riner se montre d’un stoïcisme extrême. Trente-neuf secondes d’une finale rondement menée lui auront suffi pour remporter ce dimanche son septième Grand Chelem en carrière. Un Grand Chelem lors duquel le décuple champion du monde ne fut jamais mis sous pression. Le maître-mot de la journée du Tricolore ? Application. Venu retrouver des sensations en compétition, un an presque jour pour jour après les Jeux olympiques de Tokyo, le quadruple médaillé olympique en individuel put se jauger face à une opposition à sa main : pas de Japonais ni de Russes, ni encore les n°1 néerlandais, de Krpalek ou de Tushishvili, les deux finalistes olympiques du Budokan. En somme, un événement idéal pour se remettre dans le bain du circuit international. Pesé à 150kg, Riner, qui multiplie les stages d’entraînement (Brésil, Mongolie, Alicante la semaine dernière) a pu ainsi voir où il en était, à deux ans presque jour pour jour de Paris 2024. La victoire est au bout ? Tant mieux. Une victoire ne se refuse jamais, surtout quand on a la gagne ancrée dans son ADN. Mais l’essentiel n’était pas là pour le colosse tricolore. À voir désormais quelle sera la prochaine étape intermédiaire vers les JO pour Teddy Riner dont les objectifs du jour ont été parfaitement remplis.
NGayap, pas payé
Médaillé mondial juniors 2021, Maxime NGayap Hambou (-90kg) offre une nouvelle fois une prestation plein de fraîcheur et de détermination. Il est certes battu en huitième de finale, après une victoire au premier tour contre le Letton Aleksejs Zarudnevs. Mais le judoka asniérois tombe contre Sanshiro Murao, sans doute le meilleur Nippon de la catégorie en ce moment, même si c’est Kosuke Mashiyama qui sera titulaire aux championnats du monde. Implacable lors du Grand Chelem de Paris en février, le capitaine de l’équipe universitaire de Tokai, récent héros pour sa victoire contre Tatsuru Saito en finale des championnats universitaires par équipes toutes catégories, a vu la défaite de très près contre le Français. Un premier waza-ari sur un sutemi dans les dix premières secondes et voilà Murao mené brièvement. Et alors qu’il est revenu au score grâce à son uchi-mata, le gaucher japonais, au kumikata aussi précis qu’une montre suisse et aux ashi-waza supersoniques, voit le Français lancer un yoko-guruma qui le met presque sur la tranche (il arrive coude décollé au sol dans un premier temps). Matte de l’arbitre. Décision des superviseurs ? Waza-ari pour Murao, ces derniers estimant que le Japonais fait une action avec sa jambe gauche (en o-soto-gari) sur la jambe gauche de NGayap Hambou lorsque ce dernier va au sol pour lancer son mouvement.
Une interprétation contestable et loin d’être un cas unique en termes de reprise d’initiative, comme on a pu le voir également sur le combat entre l’Italien Anani et le Chilien Briceno en -100kg. Une rerise d’initiative du combattant attaqué qui semble, à chaque fois, loin d’être évidente.
Quoiqu’il en soit, NGayap est le seul judoka du jour à marquer une valeur à Sanshiro Murao, futur vainqueur, et à l’avoir malmené comme jamais. Une prestation intéressante, instructive et qui confirme qu’il fait partie des révélations positives du groupe de Christophe Gagliano depuis quelques mois. De quoi espérer une titularisation à Tashkent dans trois mois ? Réponse dans quelques jours.
Murao/Iida, la classe nipponne
Ce dimanche, les masculins japonais ont brillé de mille feux. Avec Sanshiro Murao bien sûr, vainqueur en finale et aux pénalités (voir plus bas) de l’Italien Christian Parlati. Mais aussi Kentaro Iida (-100kg), enfin au niveau que son insolent talent devrait lui permettre d’atteindre beaucoup plus régulièrement. Murao et Iida, auteurs de deux des plus beaux mouvements de cet événement : un o-uchi-gaeshi pour le -90kg en quart de finale contre le Cubain Silva Morales, un harai-tsuri-komi-ashi pour le -100kg contre l’Espagnol Sherazadishvili, totalement foudroyé par ce geste génial ! IIda qui s’appuiera son son uchi-mata très pur pour déraciner Varlam Liparteliani lors d’une finale que le Nippon aura dominé de toute sa classe. Chez les féminines, Wakaba Tomita s’offre son second Grand Chelem consécutif. À Paris, elle avait battue Romane Dicko. Ici, elle domine (aux pénalités, bis) la légende cubaine Idalys Ortiz. Restait donc les -78kg. Shori Hamada, championne olympique termine en bronze, battue en quart par l’Italienne Alice Bellandi. Un combat où la Nipponne marque un waza-ari clair sur o-uchi-gari, mais inexplicablement non valorisé. Bellandi qui ira s’offrir la victoire, battant aux pénalités (ter) l’Israélienne Inbar Lanir. L’Italienne confirme par là que sa montée de catégorie fut une excellente idée, elle qui fut médaille de bronze aux Europe (elle y avait battu Madeleine Malonga). Reste que la -78kg transalpine symbolise cette tendance agaçante à l’attaque pour l’attaque, sans préparation ni volonté de faire tomber, mais qui rentre dans le cadre des règles d’arbitrage où l’activité suffit pour faire pénaliser son adversaire.
Un Grand Chelem que le Japon écrase de toute sa domination : huit titres pour neuf engagés, une médaille de bronze et un non-classé (Sotaro Fujiwara déclara forfait après son combat contre Loic Pietri pour cause de blessure). Les Nippons n’auront donc perdu sur ces trois jours qu’un seul combat (Hamada en quart de finale). Époustouflant.
L’Italie termine à la seconde place avec sa jeune génération : Bellandi, Parlati (tous les deux champions du monde juniors 2018), Giulia Carna (vice championne du monde juniors 2021 en -52kg), Esposito (-81kg) étant le plus âgé des quatre. Le Brésil complète le podium avec sa nouvelle pépite des -81kg, Guilherme Schimidt.
La France termine au cinquième rang grâce à l’or de Riner et au bronze de Valadier-Picard.
Ultime point : petit bug informatique ? Choix d’un nouvel affichage ? Exit sur cet événement les cartons rouges sur les scoreboard de la FIJ.
Désormais une victoire aux shidos est indiquée de la manière suivante :
Un affichage qui laisse à penser que Murao aurait marqué ippon sur une valeur alors que les deux judokas étaient à égalité (deux shidos partout).
Ce qui n’est pas le cas puisque le Nippon s’impose trois pénalités à deux. Un détail sans doute mais qui a semé la confusion chez nombre des spectateurs attentifs de ce tournoi hongrois.