Alors que débutent ce lundi les championnats d’Europe -23 ans auxquels elle fut sélectionnée en 2013 – la dernière fois qu’une équipe de France y avait été représentée, Maëlle Di Cintio, 29 ans et quadruple championne de France, est l’exemple d’un parcours de haut niveau sinueux au cours duquel elle n’a pas été épargnée. Derrière cet itinéraire de l’Orléanaise, c’est la passion et le refus d’abdiquer sans avoir essayé qu’il faut lire. Interview du lundi, ce 9 novembre, avec une guerrière qui ne renonce jamais.
Maëlle, où en es-tu ?
Je me remets doucement mais sûrement de ma blessure au genou, je fais une séance de kiné par jour et je complète avec des entraînements avec mon club de l’US Orléans. Un nouveau programme avec de la gymnastique a été mis en place pour moi, afin que je puisse travailler ma souplesse et mon gainage. Je n’ai pas encore repris les entraînements de judo, mon genou a encore du mal à se déplier correctement. Pendant cette convalescence, j’ai pu réfléchir, me repositionner sur des choses essentielles, comme mes études. Je me rends compte que j’aime beaucoup la transmission et ça me permettrait de garder un lien avec le judo que je pratique depuis toutes ces années. Et puis, évidemment, j’espère pouvoir remettre les pieds sur le tatami en 2021, avant la fin de la saison. Le 20 avril, ce serait un super cadeau d’anniversaire !
Rappelons que tu n’as pas été épargnée par les blessures…
Un long chemin, on peut le dire ! Ma première blessure remonte à février 2015, alors que j’étais en tournoi en Bulgarie. À l’époque, j’avais 23 ans. Sur le tatami, je vais pour lancer uchi-mata et, là, ma jambe se dérobe. Je tombe, je mets du temps à réaliser d’autant plus que je n’avais jamais senti ça avant. Je tente de me relever, de remarcher mais c’était impossible. J’avais tellement peur et mal que je ne voulais pas que quelqu’un me touche la jambe. Arrivée dans ma chambre, je retrouve Mélissa Héleine. Je lui dis : « je crois que c’est grave ». Très rapidement, je suis rapatriée en France et tout s’enchaîne. Je vais à la clinique avec Anthony Rodriguez, et le verdict tombe : rupture des ligaments croisés.
Comment as-tu réagi à ce moment-là ?
Je n’étais pas prête à entendre ça, depuis toute petite je vivais judo, je m’entraînais tous les jours. Le lendemain, franchement, c’était le néant, je ne savais pas quoi faire, j’étais perdue… Heureusement, dix jours plus tard, j’ai été opérée et j’ai remarché rapidement. J’ai eu un déclic et je me suis dit que je ne pouvais pas abandonner. De février jusqu’au mois de septembre, j’étais en convalescence, je faisais ma rééducation, j’avais pu faire un stage de trois mois au LCL aussi pour valider ma licence en langues étrangères.
Et tu es finalement remontée rapidement sur un tatami…
Je reprends les entraînements dès le mois de septembre. Tout allait bien, je venais d’avoir ma licence, j’étais sélectionnée pour le tournoi de Paris qui se tenait en octobre cette année-là… Et puis, à l’entraînement, alors que je fais un appel pied gauche pour balayer avec mon pied droit, j’entends un énorme crac. Je me retrouve au sol, sur le dos, je fais une crise de panique. Mon croisé… encore. J’avais tout cassé, ligament et ménisque. Psychologiquement, ça a été difficile, c’était une redescente brutale. J’ai passé huit jours à l’hôpital, je me suis fait opérer de nouveau, et pendant un an et demi j’étais à fond dans la rééducation.
Et tu es à nouveau revenue…
Cette deuxième blessure m’a permis de faire le tri autour de moi, de me rapprocher des bonnes personnes. En mars 2017, je reprends le judo à l’INSEP, puis la compétition à Metz, près de ma famille et je gagne et je repars à l’international en juin. En novembre, je remporte les championnats de France puis le tournoi de Rome début 2018 avant une médaille au Grand Chelem de Russie un mois plus tard. Cette blessure a été une réelle leçon de vie pour moi. Ces victoires sont encore plus belles car je me suis entraînée dans l’ombre, pour revenir au meilleur niveau possible.
Tu vas ensuite de nouveau gagner les France en novembre 2018 – ton quatrième titre national, enchaîné par une 5e place en Grand Prix, puis une victoire à Sofia en février 2019 et là, tu pars pour le tournoi de Marrakech, c’est bien ça ?
Oui, je suis en place de trois, je me positionne en gauchère alors qu’avec mon genou c’était une mauvaise idée et là je me prends une première envolée. Je fais à peine un mouvement de hanche que je sens mon genou droit craquer. Je me retrouve au sol, rapidement récupérée par une civière. Dans l’avion, qui me ramène en France, j’écris sur un post-it « Ce sont les croisés, c’est sûr ». À ce moment-là je n’avais aucun diagnostic, mais je savais… Là, pendant trois ou quatre mois, c’est très très dur, je suis dégoûtée du sport, je ne ressens plus aucun plaisir et je me fixe de nouveaux objectifs. C’est ce qui me permet de regarder devant. Je décide de me donner à fond dans mon master en management, de faire de la préparation mentale… Je pensais à autre chose et ça me faisait du bien. La fin d’année 2019 est vite arrivée, puis il y a eu le confinement qui m’a permis de me rapprocher de ma famille, de resserrer les liens. Pendant toute cette période et encore aujourd’hui, je prends le temps de penser et de penser bien.
Qu’est-ce que tu retiens de ces trois blessures qui ont marqué ta vie et ta carrière ?
Je me suis rendu compte que mon combat à moi, c’est la remontada ! J’ai toujours cette phrase en moi « L’adversité, je l’apprivoise pour la dominer et en faire mon atout ». Avec ces expériences, je sais où je vais et surtout où je ne devrais plus aller et je saurais dire non. Je ne remettrai plus ma santé en danger. J’ai toujours cette envie de faire les choses avec plaisir, et le judo fait partie de ce plaisir retrouvé. J’aime l’idée et la sensation de me dépasser, faire du sport et j’ai cette force depuis toute petite, j’ai ce besoin de réparer les choses, je ne me vois pas renoncer sans avoir essayé. J’espère pouvoir revenir vite sur les tatamis, je fais tout pour. J’espère kiffer à nouveau, tout simplement !