Portée en tête du classement des nations grâce aux victoires des deux premiers jours d’Amandine Buchard (-52kg), Priscilla Gneto (-57kg) et Clarisse Agbegnenou (-63kg), l’équipe de France disposait encore de quatre cartouches ce dimanche pour enfoncer le clou en Ouzbékistan, dont deux en -78kg avec Chloé Buttigieg et Fanny-Estelle Posvite. Si la première se faisait contrer sur son uchi-mata dès son premier combat contre la jeune Néerlandaise Yael Van Heemst, vice championne du monde juniors 2021 que la Française avait nettement dominée en repêchages à Odivelas avant de s’adjuger le bronze du Grand Prix du Portugal en janvier, la trentenaire du RSC Champigny allait quant à elle tenir son rang tout au long de la journée.
Quelque peu distancée dans la course au dernier ticket olympique par Audrey Tcheuméo (cinquième mondiale) et Madeleine Malonga (neuvième mondiale), la n°3 tricolore – tout de même quatorzième planétaire ce matin – commençait tambour battant en renvoyant aux vestiaires en moins de trente secondes la Biélorusse Darya Kantsavaya, privée de bronze à Paris par Malonga et cette fois totalement dépassée sur l’enchaînement o-soto/ko-soto parfaitement conclu au sol sur juji-gatame. C’est également sur une clé de coude que Posvite disposait de la locale Iriskhon Kurbanbaeva, pour se mesurer en quart de finale à la championne du monde en titre Inbar Lanir. L’Israélienne, bourreau de Tcheuméo aux championnats d’Europe et du monde l’an passé, mais aussi de Malonga au Masters de l’été dernier, n’allait pas avoir l’occasion d’abattre son terrible bras droit loin dans la nuque adverse, entravée au kumikata par la Française qui mettait du rythme et s’appliquait à attaquer la première. Un premier seoi-otoshi trouait l’armure de Lanir avant même la fin de la première minute, avant un second peu après la mi-combat qui laissait l’impression que Posvite n’avait pas tremblé le moindre instant contre la leader mondiale des mi-lourdes. Du très solide qui allait se confirmer en demie contre la Portugaise Patricia Sampaio, huitième mondiale de vingt-quatre ans qui a débloqué son compteur en grands championnats seniors avec du bronze continental acquis à Montpellier en novembre dernier. C’est à nouveau son seoi-otoshi qui faisait la différence, pour un waza-ari marqué à la mi-combat et que la Campinoise conservait sans concéder de pénalité ni s’exposer outre mesure.
Cinq finales pour les Françaises
Comme dans les quatre autres catégories féminines où des Françaises avaient été engagées à Tashkent (-52kg, -57kg, -63kg et -70kg, où Margaux Pinot avait cédé hier contre l’Allemande Butkereit), il y avait donc une tricolore en finale. Face à Fanny-Estelle Posvite, qui disputait là sa sixième finale de Grand Chelem en dix ans, avec l’ambition d’enfin goûter à l’or, se dressait la Japonaise Rika Takayama, nulle autre que la titulaire olympique des Jeux de Paris cet été et en or lors de l’édition 2023 de cette étape ouzbèke. Un duel fermé que Posvite prenait par le bon bout, prompte à sortir sa hanche lorsque son opposante entrait dans la distance et suffisamment précise au kumikata pour que la première pénalité ne tombe dans le clan nippon dans la troisième minute. Les mouvements d’épaule ne faisaient pas mouche des deux côtés, et le golden score semblait parti pour durer. La Française se mettait d’emblée en évidence sur o-soto-gari, avant de se placer pour uchi-mata, sans toutefois lancer sa hanche du fait de la posture compacte de la Japonaise dans son dos, le bras droit de Posvite plaqué contre son ventre et fermement confisqué par la main gauche de Takayama. Cette dernière repassait habilement sa hanche devant pour exécuter un uki-goshi que la médaillée mondiale 2015 (en -70kg) risque de ressasser longtemps. Car avec les mille points promis à chaque vainqueur, elle aurait tout simplement pu repasser devant ses deux rivales nationales à la ranking olympique… et peut-être rebattre suffisamment fort les cartes alors que les jeux – avec et sans majuscule – ne sont pas encore joués dans cette catégorie. Avec cette médaille d’argent et « seulement » sept-cents unités supplémentaires au compteur, elle devrait se glisser entre les deux, qui ne manqueront pas de réagir lors de leur prochaine sortie – au Grand Chelem de Tbilissi dans trois semaines en ce qui concerne Tcheuméo.
Léa Fontaine rate le coche
Chez les lourdes, en l’absence de Romane Dicko qui avait enlevé les deux premiers Grand Chelems de l’année à Paris et Bakou, il était intéressant d’observer l’explication entre les six membres du top 10 planétaire à avoir fait le déplacement. Qui allait vite tourner court, la faute notamment à l’immense Russe Elis Startseva, qui remontait un waza-ari à l’Israélienne Raz Hershko, la dauphine de Dicko, en la poussant à l’abandon sur juji-gatame, avant de filer en demie tout comme les deux Japonaises Ruri Takahashi et Maya Segawa, de justesse membres du top 50 mais qui se jouaient de la Turque Kayra Ozdemir, de la Portugaise Rochele Nunes et de la Chinoise Shiyan Xu pour s’inviter dans le bloc final. Seule l’autre Chinoise de la catégorie, Xin Su (dixième mondiale) faisait aussi bien qu’elles, après s’être jouée en quarts de Léa Fontaine, apparue sous un très bon jour à Parisi où elle se payait le bronze – d’un sasae bien suivi au sol en moins d’une minute de combat. Reversée en repêchages, la combattante de Sainte-Geneviève Sports disposait de l’Allemande Samira Bouizgarne d’un joli harai-goshi, avant de se faire piéger à deux secondes de la fin des quatre minutes réglementaires par le uki-waza de la Russe Startseva, qui disputait tout de même sa cinquième petite finale de Grand Chelem depuis septembre, et en enchaînait une deuxième avec le sourire après celle de Bakou il y a quinze jours. Il faudra se méfier de ses longs segments dans les mois à venir… Pour l’or, c’est Xin Su qui tuait tout suspense contre Ruri Takahashi, qui s’envolait sur le premier seoi de son adversaire avant de ne pas réussir à sortir de l’immobilisation.
Tselidis, le renouveau grec
Du rapide et de l’efficace, c’est également ce qui caractérisait la finale des -100kg entre le redoutable Russe Matvey Kanikovskiy, en or à Tokyo en décembre avant de récidiver au Grand Prix du Portugal fin janvier, et l’envahissant Ouzbek Muzaffarbek Turoboyev, sacré champion du monde dans cette même Humo Arena en octobre 2022. Comme à son habitude, ce dernier se plaçait entre les jambes de son opposant sitôt la manche attrapée, et lançait uchi-mata qui lui offrait la victoire au bout de treize petites secondes. De quoi redonner le sourire au public ouzbek, qui avait vu son idole Davlat Bobonov céder en demi-finale des -90kg contre le Bulgare Ivaylo Ivanov sur un tai-otoshi/uchi-mata à ras du sol après plus de sept minutes de combat. Ivanov qui allait finir sa journée avec l’argent, la faute au Grec Theodoros Tselidis et ses mouvements d’épaule supersoniques. Première victoire en Grand Chelem d’un Hellène depuis 2012, déjà en -90kg, avec un certain Ilias Iliadis, reconverti entraîneur à succès de l’équipe nationale ouzbèke. Sur le gong, c’est finalement le Japon qui allait se classer deuxième nation – devant l’hôte mais derrière la France, grâce à la victoire de son poids lourd Hyoga Ota contre le Russe Tamerlan Bashaev, d’un o-uchi-gari-ken-ken bien inspiré après six minutes de combat. L’essentiel était peut-être ailleurs pour le médaillé olympique russe, qui venait de sortir vainqueur de son duel étouffant contre son co-champion du monde de compatriote Inal Tasoev. De quoi lui permettre de voir Paris ? Dans cette catégorie où il est loin d’être le plus imposant physiquement, le Français Khamzat Saparbaev n’allait pas s’en sortir de son premier tour contre le Kazakhstanais Yerassyl Kazhybayev, auteur d’un uchi-mata limpide, comme celui que lui infligeait au tour suivant Tasoev, en début de golden score.