Sujet central de nombreuses discussions lors des Jeux olympiques de Paris, l’arbitrage va connaître comme à chaque début d’olympiade des modifications, probablement en janvier 2025. Un rendez-vous crucial pour une problématique fondamentale tant elle influe la discipline qu’il régit. En plus des fédérations nationales, la fédération internationale de judo (FIJ) par la voix de son président Marius Vizer a sollicité L’Esprit du Judo comme l’un des observateurs les plus concernés pour connaître nos préconisations.
Dans ce cadre, notre équipe souhaite partager avec vous, lecteurs, pratiquants, passionnés, notre travail. Ce dernier vous sera présenté en trois parties. Après une première partie évoquant notre préambule et notre vision du rôle du règlement et des choix d’arbitrage, la deuxième partie concernant l’analyse critique des choix fondamentaux concernant le règlement 

Bonne lecture.
La rédaction de L’Esprit du Judo

IV. NOS PRÉCONISATIONS 
Sous ce titre, nous proposons les nouveaux fondamentaux qui devraient, de notre point de vue, établir les bases d’une refonte du règlement. Il ne s’agit pas d’un inventaire complet de nouvelles règles, mais d’abord des points à prendre en compte pour les établir.

1- REMETTRE AU CENTRE LE SPECTACLE DU JUDO
Pour avoir un spectacle « judo » en compétition, il faut permettre – et obliger – les combattants à des temps de saisie plus longs et moins verrouillés. C’est dans les périodes où les mains sont posées dans une idée de prise d’initiative, et les déplacements initiés, qu’il est possible de voir des techniques de projection, suivies ou non au sol. Par ailleurs, dans l’esprit martial à la base du judo de compétition, il est très préjudiciable de ne pas maintenir sa position de combat debout, ou d’assumer des positions faibles au sol.

Cela veut dire :
– Revenir au yuko, pour retrouver un vrai waza-ari et valoriser le vrai ippon, qui doit être redéfini selon les critères traditionnels
– Revenir à un temps de combat effectif plus long (cinq minutes) pour ouvrir les gardes dans cette minute décisive sur le plan cardio-vasculaire.
– Revenir à la possibilité d’une décision (peut-être dans les phases préliminaires et/ou à la suite d’une prolongation limitée pour inciter les combattants à se livrer) Exemple : décision arbitrale si il y a égalité à la fin du temps réglementaire. S’il y a
unanimité (avec le ou les arbitres de table), le combat s’arrête. S’il n’y a pas unanimité,
le combat continue pour un golden score de trois minutes
– Réintroduire la possibilité de projeter avec une saisie sur les jambes à condition d’une présence mesurée par l’arbitre d’une réelle préparation (kuzushi-tsukuri). De façon générale, revenir sur les limitations techniques « de confort » adoptées récemment
– Pénaliser beaucoup plus systématiquement les fausses attaques qui ne visent qu’à substituer de l’activité aux séquences de judo potentielles et/ou à sortir d’une saisie où l’on n’aurait pas l’avantage
– Pénaliser les judokas à partir du moment où l’arbitre discerne une tendance à refuser la saisie, tout comme les ruptures de garde trop systématiques
– Ne pas pénaliser systématiquement les autres « fautes » debout pour éviter les temps de rupture et les décisions
– Étudier la possibilité d’une immobilisation « dans le dos » avec les pieds engagés et une saisie complète sur le haut du corps pour dynamiser les phases au sol.

2- REDONNER DU SENS
Il faut retirer aux athlètes la tentation d’utiliser les failles du règlement de façon tactique. La meilleure façon de le faire consiste à redonner plus de pouvoir aux arbitres de juger de la situation telle qu’ils la perçoivent et notamment des intentions réelles de l’athlète.

Cela veut dire :
– Faire confiance au jugement expert de l’arbitre central dans sa capacité de discerner, de savoir faire la différence entre une fausse attaque et une attaque sincère non aboutie (laquelle peut tout de même être considérée comme un kinza en faveur de l’adversaire)
– Permettre à l’arbitre de ne pas pénaliser systématiquement, mais de savoir analyser une tendance et de ne pénaliser que dans un deuxième temps. Les meilleurs arbitres du moment, comme l’Espagnol Raul Camacho, sont déjà sur ce registre. Il suffit, en- core une fois, de leur faire confiance et de leur rendre la responsabilité de juger plus largement sur la base d’un règlement plus simple. Bien sûr, cela s’accompagne d’une nouvelle orientation dans la formation.
– Redéfinir le lien entre l’arbitre de tapis, l’arbitre vidéo et la table centrale, en faveur de l’arbitre de tapis. L’intervention des superviseurs doit redevenir l’exception.
– Redonner, de façon progressive, le pouvoir à la pénalité d’influencer le combat.
Exemple : une pénalité gratuite ou deux, sur quatre possibles.

V – CONCLUSION
Cette contribution n’a pas la prétention d’être exhaustive, mais de surtout donner des socles de réflexion, comme il nous l’a été demandé. L’arbitrage est un point d’équilibre. Nous pensons indispensable de faire en sorte que les arbitres soient capables de jugements que toute la communauté comprenne, en leur rendant la possibilité d’assumer leur propre intelligence de la situation à juger. S’il n’y avait qu’un point à faire évoluer rapidement, ce serait de pénaliser quasi systématiquement les fausses attaques et les postures négatives pour rallonger les temps de saisie effective et accumuler les fenêtres d’expression d’un judo d’attaque élaboré.
Nous sommes tout à fait disponibles pour discuter de nos points de vue et propositions et pour participer à d’éventuelles réflexions ultérieures.

Partie 1/3 : I. PRÉAMBULE / II. LE RÔLE DU RÈGLEMENT ET DES CHOIX D’ARBITRAGE
Partie 2/3 : III.ANALYSE CRITIQUE DES CHOIX FONDAMENTAUX CONCERNANT LE RÈGLEMENT