L’éternel « golden boy » du judo français, inoubliable champion du monde 1979 et champion olympique 1980, aura connu toutes les gloires dans ses innombrables vies. Celle du sport bien sûr, mais aussi celle du journalisme sportif, qu’il bouleversa de bien des manières et notamment dans des commentaires qui ont fait date des Jeux de 1992, sans oublier son apport décisif dans l’enracinement de l’un des plus grands clubs sportifs français, le Paris-Saint-Germain, dans le judo. De dirigeant, il est devenu l’un des moteurs du sport français, en s’engageant à partir de 2012 dans la candidature de Paris aux Jeux olympiques, et comme conseiller du Président François Hollande pour le sport et la jeunesse.
Désormais Inspecteur Général de la jeunesse et des sports, détaché pour l’organisation des Jeux 2024, Thierry Rey – qui se voyait en « porte-parole du sport qui permet de réunir des gens de conditions sociales différentes, qui éduque, éveille, ouvre aux autres. Un outil pour interférer dans les politiques publiques aussi » dans la dernière interview que nous avions fait de lui (L’Esprit du Judo n°87, juillet-août 2020) – pourrait bien se lancer dans un nouveau combat, loin d’être le plus facile : une éventuelle candidature à la présidence du Comité National Olympique et Sportif Français, pour prendre la succession de Denis Masseglia.
Jean-Luc Rougé en 2009 puis David Douillet en 2017 s’y étaient cassés les dents. Le premier président du CNOSF, en revanche, avait été pendant dix ans (1972-1982) Claude Collard, un ancien président de la FFJDA. Un judoka président de l’olympisme français ? Disons-le, ce serait bien.
« S’il y va, nous y allons avec lui »
C’est en tout cas ce que souhaite le président de la FFJudo Stéphane Nomis, qui annonce le soutien du judo français à l’un de ses enfants chéris. Normal ? Sans doute, mais une bonne nouvelle aussi, Thierry Rey faisant partie de la liste de Jean-Luc Rougé lors de la dernière élection à la présidence de la FFJDA.
« Ce n’est pas du tout un problème pour nous, explique Stéphane Nomis. Chacun se situe dans une élection, ensuite la famille du judo se reforme et les effets négatifs d’une bataille politique doivent s’estomper le plus rapidement possible. Surtout dans la période difficile que nous traversons, il faut regrouper nos forces et se soutenir mutuellement pour le meilleur de notre sport et de l’ensemble du milieu sportif. Thierry Rey a été un immense champion de judo et a fait un très grand parcours professionnel et social. Il s’est toujours engagé pour le sport et l’olympisme en particulier. Par son poste au COJO (Comité d’Organisation des Jeux Olympiques, NDLR), il connaît tous les présidents des fédérations et les grands acteurs du sport français comme international. C’est un plaisir pour nous d’affirmer que nous pensons qu’il est l’homme de la situation pour la présidence du CNOSF. S’il y va, nous y allons avec lui. »
« Montrer que nous pouvons nous unir »
Mais qu’en pense l’intéressé lui-même ? « C’est fini le temps des hommes providentiels qui partent dans ce genre de combat sur leur nom. Je vais consulter, voir si je peux fédérer autour de mes convictions et de mes valeurs – notamment la vocation sociale du sport français. Ensuite, il sera temps de dire si j’y vais. En attendant, je remercie Stéphane Nomis de sa confiance, même si nous étions au départ dans deux camps politiques opposés. Il le sait, de par mon parcours et mon histoire – j’étais en chambre avec Jean-Luc Rougé durant ma carrière – je me devais d’aller au bout de l’aventure avec l’ancienne équipe. Mais j’ai aussi des liens avec la nouvelle. Stéphane Nomis, Nasser Nechar, je les ai eus dans mon club… »
Une potentielle candidature « judo », est-ce que ce serait un souci pour convaincre ? Thierry Rey répond net et clair : « Je ne me pose pas la question. Quand on me présente comme ex-judoka, j’ai coutume de dire que cela n’existe pas. En plus d’être une grande fédération par le nombre et le poids sportif, le judo a des valeurs fortes qui correspondent parfaitement à l’Olympisme, alors je pense que c’est plutôt l’inverse. Quoi qu’il en soit, il est important de montrer notre unité, bien plus forte que les oppositions. C’est d’ores et déjà le message que nous pouvons envoyer au sport français : montrer que nous sommes unis avant d’avoir l’ambition d’unir le sport français. On le voit dans la période difficile dans laquelle nous sommes, c’est plus que jamais essentiel de parler d’une voix claire et solidaire pour affirmer notre importance dans la société. » Le judo français propose donc le nom de l’un de ses hommes clés pour une élection essentielle du sport français, c’est nouveau et c’est intéressant.
Thierry Rey a encore plusieurs mois pour juger de sa capacité à convaincre, et éventuellement se déclarer candidat à l’élection du 29 juin prochain. La FFJDA, elle, s’est prononcée, et ce n’est pas anodin.