La triple championne d’Europe évoque son come-back

Maman comblée depuis la naissance de sa fille Lana-Rose, Automne Pavia, 29 ans, désormais licenciée à l’OM Judo, a retrouvé le chemin du dojo et des tatamis depuis un an. Consciente qu’il lui faudra plusieurs compétitions pour retrouver la bonne carburation, la triple championne d’Europe croit plus que jamais en son étoile et compte bien reprendre une place de titulaire qu’elle a monopolisée entre Londres et Rio. Pour écrire un second chapitre de sa vie, déjà bien remplie, de compétitrice.

Automne, avant tout, comment te sens-tu ?
Ça va bien, merci ! (sourire). Je vais combattre ce week-end à l’Open de Glasgow (Écosse). Ce sera ma troisième compétition depuis mon retour sur les tatamis, après une coupe européenne à Dubrovnik et les championnats d’Europe par équipes. Suivront le Grand Chelem d’Abou Dhabi et les championnats de France 1re division individuels.
J’ai fait tous les stages d’été : Casteldefells, Houlgate, Montpellier puis INSEP. J’ai encaissé une grosse quantité de judo. J’en suis très contente, car il le fallait, mais j’aime le judo plus pour la compétition que pour l’entraînement !

Justement, parle-nous de tes deux compétitions depuis ton retour…
Quand je suis arrivé là-bas, j’avais une appréhension : celle d’arriver sans sensation. Et ça a été un peu le cas ! J’ai vraiment eu du plaisir à retrouver l’excitation de la compétition et son atmosphère. Mais quand nous avons fait le bilan avec Bastien Puget (son entraîneur à l’OM Judo, NDLR), je me suis rendu compte que je manquais clairement de repères : sur la gestion du temps, que ce soit sur le tapis ou entre les combats, au niveau de mon positionnement sur le tapis, sur les filles que j’avais en face (je ne les connaissais pas), sur le kumikata. L’un de mes atouts est d’être très agressive à la garde et, là, je ne l’étais pas assez. Au final, je n’ai pas produit du « grand » judo, mais je me suis accrochée, grâce à l’adrénaline, le plaisir d’être là. Cette compétition m’a servi à remettre le pied à l’étrier, pour me relancer.
Aux championnats d’Europe par équipes, la journée a été beaucoup plus dure, avec beaucoup plus d’impact physique. À partir du deuxième combat, j’étais claquée ! Pour être honnête, je n’avais pas cinq combats dans les jambes. Mais j’ai fait plus d’attaques, plus fortes, plus franches.
Le bilan de tout cela, c’est que j’ai encore besoin de faire des « compet’» pour faire le plein de sensations, retrouver des repères, sans forcément me focaliser sur le résultat.

Pourquoi avoir choisi l’OM Judo ?
Une des raisons tient à ce que Bastien Puget en soit l’un des entraîneurs du haut niveau. J’ai vu comment il a réussi avec sa femme, Annabelle Euranie, lors de l’olympiade précédente. J’aime sa façon de travailler. Et puis, je suis passée par le pôle France de Marseille. Je connais donc pas mal de gens de là-bas. C’est presque un retour logique à la base. Il y a une sorte de pacte entre nous. C’est bien plus notre projet que mon projet, car il me donne une force tout en sachant être honnête et exigeant.

Comment perçois-tu ta place au sein de l’équipe marseillaise ?
Il y a une atmosphère familiale. Du coup, je joue le rôle de « grande sœur » car l’OM Judo est un groupe jeune. C’est pour cela que j’ai été très déçue de ne pas faire les championnats de France 1re division par équipes à Bourges cette année. Plusieurs filles, dont moi, étions blessées.
Mais ce n’est que partie remise. J’ai vraiment hâte de combattre avec les filles, qui pour beaucoup sortent ou sont encore juniors. C’est très motivant d’être le pilier d’un groupe qui se construit.

Certains ont été surpris de ce retour, pensant que tu avais pris ta retraite sportive…
En 2016, dans ma tête, une chose était claire : j’allais faire une pause après les Jeux olympiques. Toutes ces années au plus haut niveau, à m’entraîner tous les jours, il fallait que je coupe. Je ne savais pas pour combien de temps. Je n’avais pas d’idée arrêtée sur ce que j’allais faire. Je me disais, « on verra après ». Et puis je suis tombée enceinte (rires).
En février 2017, j’ai assisté au Grand Chelem de Paris depuis les tribunes. J’étais enceinte et je me trouvais bien à ma place, à regarder les copines ! Puis l’envie est revenue crescendo. D’abord, lorsque je voyais ces dernières partir en compétition ou en stage. Puis les championnats du monde, qui se déroulaient à Budapest, m’ont donné vraiment envie. Et en octobre, je reprenais !
J’aime le judo. J’ai eu de belles médailles mais un goût d’inachevé m’empêchait d’en rester là.

Tu penses pouvoir aller chercher d’autres titres après cette maternité ?
Franchement, oui. Si j’arrêtais maintenant, j’aurais des regrets. En fait, il y a un moment-clé dans cette réflexion, ce fut en Espagne, cet été, à Casteldefells : les meilleurs du monde étaient là, il y avait deux entraînements par jour, avec une chaleur horrible. Je me suis dit que ce serait un véritable test. Si je tenais tête, si j’encaissais le choc, alors cela voulait dire que cela donnait du crédit à ma volonté de revenir au plus haut niveau. Ce fut le cas ! Pour l’anecdote, Lana-Rose était avec moi en Espagne. Les copines de l’équipe la gâtent. Elle est un peu devenue la mascotte de l’équipe féminine (rires). À cet égard, le fait d’être maman m’a profondément changé. Je suis quelqu’un de très famille. Je me suis rendu compte, encore plus, que lorsqu’on est athlète, on est très égoïste. Là, c’est clair, il n’y a plus que le judo dans ma vie. Ma maternité va m’aider à relativiser les déceptions possibles. Quitter ma fille pour une compétition, en particulier lointaine, est un crève-cœur. Et paradoxalement une nouvelle source de motivation car je me dis que je ne pars pas aussi loin et aussi longtemps de ma fille pour ne pas donner le meilleur de moi-même. Tout ce que j’obtiendrai sera du « plus ». Pour la saison qui arrive, cela commence dès ce week-end, à Glasgow. »

Bastien Puget, entraîneur d’Automne Pavia : « Automne est encore plus opiniâtre »

« Automne m’a contacté en juillet 2017 alors qu’elle était en partance d’Orléans. Elle comptait reprendre le judo. Elle était intéressée pour que je la suive. Au départ, j’ai été surpris qu’elle veuille reprendre le judo. J’ai été flatté et touché. Du coup, j’en ai discuté avec Mathieu Daffreville et Annabelle (Euranie, la compagne de Bastien Puget, NDLR). Après plusieurs conversations, j’ai été très vite rassuré : Automne est une athlète en or. Au départ, nous n’avions pas évoqué la question du club. Mais rapidement, l’OM Judo a présenté plusieurs avantages pour elle grâce à un environnement sain, jeune et qu’elle connaît un peu. C’est un joli clin d’œil, je trouve, qu’elle revienne à Marseille. Du coup, j’en ai parlé très vite à Jean-Marc Villanueva, le président du club, et Stéphane Mongellas, le responsable technique club. Ils ont été immédiatement d’accord.
Avant de finaliser tout cela, j’ai passé un deal à trois conditions avec Automne : d’une part, que toutes les conditions soient réunies, dans sa vie personnelle, pour qu’elle s’entraîne sur Paris, c’est-à-dire avoir un appartement, une place en crèche pour sa fille, etc. D’autre part, qu’elle joue le jeu du club, qu’elle ait envie de partager avec les jeunes de chez nous. Enfin, qu’elle soit sûre que je puisse lui apporter quelque chose, par exemple sur le plan technique ou la façon d’aborder la compétition.
Automne a commencé sa remise en forme physique en septembre 2017 via un programme de réathlétisation. En octobre, elle a repris le judo à l’INSEP avec quelques séances de randori. En janvier dernier, elle s’est remise complètement sur les rails en rentrant dans le collectif national. En avril, elle a repris la compétition en Croatie. Cet été, elle a fait tous les stages. Là, elle est dans les clous pour la course aux JO. Cette saison 2018-2019, elle devra la faire « pleine balle » en vue de Tokyo 2019 
(championnats du monde) et 2020 (Jeux olympiques).
C’est un vrai défi que de revenir après une grossesse. Cela donne une force. En fait, Automne n’est plus tout à fait la même personne. Elle est encore plus opiniâtre. »