Riner, Terhec et Gobert : 3 victoires, trois histoires.

Ce dimanche avait un parfum particulier et provoquait une impatience jubilatoire depuis l’annonce faite en début de semaine dernière par Teddy Riner de sa participation à ces championnats 2014. Une information qui faisait automatiquement de cette journée un moment spécial. Pas de surprise donc à voir le Grand Dôme de Villebon afficher complet pour ce second jour des championnats de France 2014. Teddy Riner était venu pour se tester et se jauger. Star de la journée, le Guadeloupéen n’a pas déçu le public nombreux, venu voir « en vrai » et de près l’idole du judo français. Une belle histoire ? Celle de Joseph Terhec. Champion de France junior 2014, ce judoka normand arrivait sur les terres essonniennes sans pression avec son envie, son judo droit et son ne-waza. Résultat ? Une victoire à la surprise générale sauf peut-être pour ses nombreux supporters, venus croire à un exploit désormais bien réel. Un come-back? Celui de Ludovic Gobert. Auteur d’une journée étincelante, le soyeux combattant de Sainte-Geneviève Sports nous offre, grâce à l’aide d’Axel Clerget, la finale la plus explosive et dense de ce dimanche et par la même, se repositionne dans la course aux futures sélections.

Gobert, la force féline

Champion de France à Liévin en 2011, Ludovic Gobert double donc la mise ici, à Villebon. Ce beau bébé au judo léché nous a offert une prestation trois étoiles collant des ippons à presque tous ses adversaires du jour avec son judo classique : harai-goshi, o-uchi-gari, o-soto-gari. En finale, le Génovéfain retrouvait l’autre animateur de cette catégorie des -90kg, Axel Clerget. Très convaincant toute la journée, en particulier lors d’une demi-finale de haute intensité contre Romain Buffet, l’ainé de la famille de Marnaval devait néanmoins s’incliner contre Gobert lors d’une finale absolument magistrale. Un ballet martial sans temps mort qui arrachait des cris et applaudissements d’enthousiasme à cause notamment de passages au sol grandioses de continuité et de coups/contre-coups, tels deux maitres d’échec. Pour l’emporter, le champion de France 2011 ira chercher un o-soto-otoshi volontaire et étiré, qui lui permettra de marquer un waza-ari décisif. Dans cette même catégorie, un autre « come back », celui de Nicolas Brisson. Le judoka de l’ACBB aura été l’auteur d’une journée consistante, avec notamment un uchi-mata à gauche qui fera plusieurs fois mouche. Il retrouve donc les marches du podium national avec le bronze autour du cou. À ses côtés, Romain Buffet, vainqueur dans son style si particulier d’Anthony Laignes en place de 3ème avec un o-soto-makikomi compté waza-ari. Au final, une catégorie sans grande surprise à l’aube de ce dimanche. Les meilleurs -90kg français de ces dernières années sont toujours « dans la place » , Alexandre Iddir, n°1 de la catégorie, étant absent de la compétition. Une liste à laquelle il faudra désormais ajouter Axel Clerget. Intéressant pour la suite.

Joseph Terhec, sans complexe

À peine déclaré victorieux, la question titillait la mémoire des férus de statistiques : depuis quand n’avait-on pas vu un champion de France juniors remporter la compétition seniors lors de la même saison ? Certains évoquaient Meheddi Khaldoun en 1998. A voir. En tout cas, la performance est de taille et restera. Impressionnant à Lyon, où il s’impose chez les juniors avec travail au sol très affûté, le sociétaire de l’AJ 61 aborda cette journée sans pression particulière. Comme il le dira par la suite, la question de savoir si finalement il ne pouvait faire un énorme truc vint après ses premiers tours. Sans aucun complexe face à ses ainés, Joseph Terhec a collé des ippons toute la journée, exception faire de son adversaire finaliste, Maxime Clément. Une posture droite, un ne-waza très au point, un sens tactique déjà affuté. Une combinaison contre laquelle même le champion de France 2013 et magnifique judoka de Franche-Comté Judo Besançon ne put rien dans une finale qui ne s’est jamais vraiment débridée. Peut-être atteint physiquement par une demi-finale marathon contre Renaud Carrière (Nice Judo), le Franc-Comtois ne trouva pas la solution technique cette année. A leurs côtés sur la boite, un autre « grognard » du FCJB, Massamba M’Baye et Adrien Guilloux, lui aussi un invité surprise sur le papier, mais auteur d’une journée bluffant avec un morote-seoi-nage très pur.

Riner, pour se rôder

Il était, évidemment, la grande attraction attendue par les très nombreux passionnés venus ici. A l’appel de son nom sur le tapis 6 du Grand Dôme, le tatami dédié aux +100kg, une nuée de smartphones étaient dégainée comme un commandement général pour immortaliser un moment, garder un souvenir à soi d’avoir vu de si près le champion olympique. Le Levalloissien, en phase de reprise, prenait son temps sur le tatami. Ne voulant prendre aucun risque, il cherchait le mouvement idéal sans volonté forcément chercher à battre le record du ippon le plus rapide. Ses adversaires jouaient pleinement le jeu, sans aucun doute heureux de pouvoir dire qu’ils auront eu Teddy Riner « dans les mains » en compétition. Un moment qu’on oublie pas. De son côté, Cyrille Maret, faisait le job, en particulier en demi-finale où il ne gagna que d’un petit shido face à Jean-Sebastien Bonvoisin. Riner/Maret, Maret/Riner. Une affiche qui faisait déjà saliver, curieux que nous étions de voir s’affronter en compétition ces deux copains. Une finale qui tint toutes ses promesses, avec un champion olympique mené de 2 shidos jusqu’à une minute de la fin. Le titulaire des -100kg fit un début de combat très intelligent, gênant le colosse sur les mains, attaquant plus rapidement et ne voulant à aucun moment donner l’occasion à son camarade de club de pouvoir le fixer. Mais dans la dernière minute, Maret baissait de rythme et Riner en profitait pour lancer son o-osoto, compté waza-ari. Le Bourguignon attaquait alors sans réfléchir, touchant malheureusement le pantalon du champion olympique avec la main. Finir sur hansokumake ? Une déception pour tout le monde que les arbitres avaient bien compris en pénalisant Riner d’une sortie de tapis précédent ce geste normalement disqualificatif de son ami. Sur la reprise de garde, un autre o-soto de l’invincible +100 concluait ce combat un peu fou et qui concluait ces championnats 2014. En bronze, deux habitués : Mathieu Thorel (UJ Brive) et Pierre Robin (ESBM).

Quels enseignements généraux tirer à chaud de ces France 2014 ? Que les surprises se sont faites rares, que l’arbitrage, malgré quelques décisions parfois discutables, a été d’une cohérence qu’on ne retrouve pas (encore ?) au niveau international, que malgré le changement de lieu, les passionnés avaient bien répondu présents tout au long d’un week-end riche et inédit avec des catégories affichant pas loin de 60 combattants chacune et dont certains découvraient le très haut niveau français.