Russie – France 3-0 !

En ce premier jour du championnat d’Europe, on attendait avec curiosité et confiance le décollage de l’équipe de France féminine, et avec espoir — mais plus de doutes — les signes d’une dynamique naissante chez les masculins, laquelle aurait été tellement bienvenue au moment où le grand Riner officialise son éloignement des grandes sélections à venir… Avec le champion d’Europe 2016 Walide Khyar en -60kg, l’accrocheur Kilian Le Blouch en -66kg, flanqué du jeune technicien Daniel Jean, c’était le bon jour pour un bon signe. Une médaille aujourd’hui aurait mis bien le groupe masculin.
De médaille, il n’y en eu pas, et pire, les trois représentants français furent en dessous de leur niveau habituel, ratant les rendez-vous qu’on voyait pour eux pour cause d’évictions précoces, Walide devant le jeune Hongrois Csabo sur un sasae très enlevé bien dans le timing, Daniel Jean sur un contre du Roumain Vadim Bunescu et Kilian Le Blouch aux pénalités face au longiligne Italien Matteo Medves, trois quasi-anonymes. L’Italien en profita pour se hisser jusqu’en finale, signe qu’il avait les moyens d’aller loin aujourd’hui… mais peut-être aussi que le parcours était ouvert pour le vainqueur de ce premier combat décisif.

Buchard dans le doute

Cet échec de nos premiers représentants masculins n’est pas un bon résultat, évidemment, mais pas vraiment non plus une surprise dans l’état actuel de fragilité de l’équipe. L’échec des féminines aujourd’hui est d’abord une grosse surprise avant même d’être un mauvais résultat. Amandine Buchard (-52kg), 3e mondiale, encore une fois bloquée mentalement sur un championnat, tombe au premier tour sans vraiment lutter dans le piège du retour de Chitu, 85e mondiale. L’ombre du doute plane sur elle : si forte dans les tournois préparatoires, Amandine Buchard n’a-t-elle pas, finalement, gardé de son traumatisme olympique plus de trace qu’on ne voulait le croire ? Mentalement, elle a manifestement du mal à trouver la concentration et la confiance nécessaires dans les grands rendez-vous. Deuxième du championnat d’Europe et troisième du championnat du monde senior 2014 en -48kg, avant même d’être championne du monde juniors l’année suivante en -52kg, cette combattante ultra précoce n’a plus rien gagné de ce niveau depuis, et reste bredouille en -52kg.

L’excellence française travaille pour la Russie

Plus surprenant encore, Hélène Receveaux (-57kg), 4e mondiale, se fait battre pour la première fois de sa carrière par la Russe Konkina, 19e mondiale, frustrant pour elle et mauvais signe pour la France car cette rencontre au résultat inattendu semble symboliser la supériorité des Russes sur les Françaises ce jeudi. Cinquième, Mélanie Clément était en effet elle aussi sortie par une Russe, la future championne d’Europe Irina Dolgova, celle-là même qu’elle avait battu au Grand Chelem de Paris 2017… mais qui l’avait depuis dominée par deux fois au championnat d’Europe et au championnat du monde. Une passe de trois là encore symbolique de la montée en puissance de cette équipe russe, qui vient mettre aujourd’hui des bâtons dans les roues de la dynamique française. Dolgova ? 22 ans, n°3 mondiale et un premier titre européen pour déjà trois médailles dans un style de plus en plus « rouxien » à base de déplacements maîtrisés, de ko-uchi-gari et de tai-otoshi parfaits. « Rouxien » ? L’adjectif qui convient. C’est en effet le technicien français Patrick Roux qui se tient régulièrement sur la chaise quand elle combat, et c’est aussi le Français Jean-Pierre Gibert qui est dans le sillage de la seconde médaille d’or du jour pour les féminines russes, Natalia Kuziutina. L’excellence française travaille excellemment bien en Russie.
Bien sûr, les filles de l’équipe de France ont encore bien des cartes dans leur jeu et devrait prendre leurs distances dans les deux jours à venir, d’autant que la Russie sera plus faible dans les catégories restantes. Mais en attendant les Russes leur mettent deux titres et une médaille de bronze dans la vue. Ça fait mal.

Cysique, la lumière du jour

Heureusement pour la France, la superbe éclosion de Sarah Leonie Cysique incite à voir le positif et à ne pas trop craindre l’avenir de cette équipe de France. Avec de tels potentiels naissants on peut accepter les contre-performances avec philosophie. Dix-neuf ans, encore junior l’année prochaine, la jeune fille de La Ferté-Milon désormais licencié à Boulogne a fait admirer des qualités naturelles de combattante toute la journée en écartant une bonne partie des leaders attendues. Elle s’affirme en dominant avec facilité l’Anglaise Nekoda Smythe-Davies, 3e mondiale, qui l’avait pourtant sortie du Grand Chelem d’Allemagne. Elle rompt le mauvais sort du jour en triomphant de la Russe Daria Mezhetskaia dans un combat splendide où les deux guerrières se rendirent coup pour coup. Mais c’est malheureusement elle qui succombe en demi-finale dans un combat du même modèle face à l’Allemande de 22 ans Theresa Stoll, terrible sur ses attaques de jambe. En plae de trois, non seulement elle ne touche pas la médaille méritée, mais elle se fait durement séchée par deux fois en de-ashi-barai par Telma Monteiro, superbe techniquement (et notamment sur ce geste qui lui permet aussi de battre la Hongroise Karakas), son aînée de 13 ans, une aînée qui la domine de quatre finales mondiales (pour cinq médailles) et de – désormais – treize (!) médailles européennes.

Yashuev ajoute la troisième

Domination russe donc. Les féminines font dès ce premier jour leur meilleur résultat historique (avec 2009, deux titres et une finale) et peuvent encore l’améliorer. Deux titres qui suffisaient déjà pour mettre la Russie en tête du classement des nations devant le puissant Kosovo de Krasniqi (2e en -52kg) et Gjakova (1e en -57kg), mais les masculins ajoutent aussi le titre d’Islam Yashuev en -60kg, et la médaille de bronze du médaillé olympique Beslan Mudranov dans la même catégorie. À 25 ans, ce troisième couteau de la catégorie (derrière Robert Mshvidobaze, Beslan Mudranov et même Albert Oguzov), qui n’avait encore jamais gagné mieux qu’un Open continental en 2014, a fait une belle démonstration technique et n’a pas raté son occasion de gloire.
Depuis 2011 inclus, c’est soit la France (quatre fois), soit la Russie (trois fois) qui a emporté le classement des nations européennes. En 2018, la Russie mène déjà 3-0. Mais il reste deux tiers-temps à la France pour revenir.