Aaron Wolf et Kenya Kohara taille patron

9h. Début du 2è tour du tableau masculin et une question : Tokai, la si puissante université de Noboyuki Sato (président de la fédération universitaire japonaise de judo), de Yasuhiro Yamashita et de Kosei Inoue allait-elle laver l’affront de l’année dernière où elle connut la défaite en finale face à Tsukuba de Hirotaka Okada et à son capitaine d’alors, un certain Takenori Nagase ?

Rappel des faits. Il y a un an, quasiment jour pour jour, Tokai voyait sa domination écrasante (7 titres consécutifs !) prendre fin à cause d’un Nagase époustouflant de maturité tactique et d’opportunisme. Dans le combat décisif il dominait, lui le -81kg, Aaron Wolf, récent 3è au Grand Chelem de Paris en -100kg, aux pénalités.
Un échec aux allures de « ciel qui vous tombe sur la tête » que l’université entraînée par Agemizu sensei (voir l’EDJ qui vient de sortir et la chronique de Gotaro Ogawa sur ce personnage clé de Tokai) souhaitait faire passer pour un accident de parcours mineur, une fausse note vite rattrapée par la douce harmonie d’une suprématie vite retrouvée.
Face à elle, plusieurs prétendants : Tsukuba bien sûr, tenant du titre mais orphelin d’un leader incontestable; Meiji et sa tradition de « lourds » dont la dernière perle s’appelle Yusei Ogawa (fils de Naoya), 5è au Zen Nihon fin avril à seulement 19 ans; Nichidai, demi-finaliste l’année dernière et double finaliste en 2013 et 2014. À côté, des outsiders comme Kokushikan, l’université entraînée par Keiji Suzuki ou Tenri, désormais coachée par Takamasa Anai.

12h. Pas de surprises lorsque les 1/4 de finale commencent. Une ombre au tableau : la défaite de Tenri, si cher au coeur de beaucoup de judokas français en 1/8è contre Nittai-Dai. Une défaite amère, frustrante, énervante. Meilleur sur le papier, l’université du Kansai se fait éliminer sur le dernier combat, le judoka de Nittai-Dai plaçant un superbe uchi-mata à Yoshiaki Shirakawa, vainqueur au tournoi juniors d’Aix-en-Provence en 2014 et normalement l’une des armes maitresses de l’université du Kansai.
En 1/4 de finale, Tsukuba éliminera Meiji de peu, malgré la victoire du fils Ogawa.

13h. Demi-finale du jour : Tsukuba/Nichidai et Tokai/Kokushikan
Alors que Nichidai accédait à sa 3è finale en 4 ans suite à sa victoire 2-1 sur Tsukuba, Tokai battait 3-0 Kokushikan. Une victoire attendue mais qui permis surtout de se délecter de deux des meilleurs judokas de la journée, excitants par leur capacité à mettre en danger à des adversaires plus lourds et plus puissants qu’eux, incarnant le parfait symbole du sel de cette compétition toute catégorie, où des légers par leur supérioté technique et leur vitesse peuvent inscruster dans le tapis des judokas 30 à 40 kilos plus lourds qu’eux.
Ces judokas ? Shôta Kugimaru (ancien international cadets) et Satô Masahiro, deux -81kg de Kokushikan qui firent les pires misères à deux des meilleurs lourds de Tokai. Posture, kumikata d’acier, attaques dans le temps. Deux magnifiques judokas.

14h. Finale Tokai/Nichidai

Tokai en bleu, Nichidai en blanc. Tokai, comme à son habitude, aligne ses 7 combattants pour un salut coordonné avant de monter sur le tatami n°2 pour cette finale.
Cris de guerre, coups de gong, silence absolu pour le salut.
Et alors que les deux premiers combattants se préparent, étudiants de Tokai et de Nichidai rivalisent en terme d’encouragements. Une ambiance chaude, passionnée mais amicale.
Comme l’a décidé Agemizu depuis le début de la journée, c’est le capitaine de Tokai, Kenya Kohara, un -81kg (vice-champion du monde juniors en 2013), qui ouvre le bal contre Kyohei Yamashita.
Et d’entrée, Kohara met son équipe sur les bons rails. 1è attaque et un o-soto-gari en reprise de garde compté waza-ari, puis parfaitement géré par Captain Kohara. 1-0 pour Tokai.
Le 2è combat se soldera par un match nul. Lors du 3è combat, Kaede Tanaka remet Nichidai dans la course en étouffant le combattant de Tokai qui prend une 4è pénalité justifiée. 1-1.
Mais Tokai a de la ressource puisque dans le 4è combat, l’université d’Agemizu reprend l’avantage sur un contre suivi au sol. 2-1. Une victoire et le titre est pour eux ! Elle n’arrivera pas lors du 4è match qui finit en « hikiwake ».
S’avance alors Aaron Wolf. 3è année, ce combattant dont le papa est américain, sait qu’il a les victoires dans les mains. Peu démonstratif, au sourire très rare, le n°2 japonais derrière Ryonosuke Haga, son sempai à Tokai, va faire le boulot. Avec autorité et opportunisme. D’abord avec un avant-arrière supersonique que les spectateurs du Budokan saluent par un « ouhhhhhhhhhh » bluffés par le changement de rythme incroyablement explosif et félin. Rien n’est marqué mais l’avertissement est sévère !
Le combattant de Nichidai est sur la défensive. Mais c’est paradoxalement sur une de ses attaques que le combat trouve son issue : Wolf, très malin, bloque le bras de son adversaire à genoux pour ne plus le lâcher. Osae-komi. 3-1 pour Tokai. Le compte est bon. Wolf peut alors regarder la tribune Nord du Budokan le poing levé en réponse aux « Iizo iizo Aaron ! » des étudiants de Tokai, saluant comme il le mérite la prestation « de patrons » de Wolf.

 

Le 7è combat est anecdotique.

Tokai est champion. À nouveau. Avec une belle autorité.
Alors que le Budokan est vide, les étudiants et anciens, dont Kosei Inoue, entonnent l’hymne de l’université puis fêtent Kohara, Agemizu et Sato. Une communion qui clôt magnifiquement cette compétition.