L’histoire ne pouvait être plus belle. Ce samedi, Kenny Livèze, victime d’un grave accident de santé en novembre dernier, est devenu champion du monde juniors des -100kg. Une trajectoire extraordinaire pour l’ACBB Boy du président Yoann Catherin.

Victime d’un AVC lors des championnats de France seniors à Perpignan, Livèze, qui n’en gardera heureusement aucune séquelle, rongera son frein le premier semestre 2022. Supendu à un accord médical pour la reprise des compétitions officielles, il optimise son temps entre salle de musculation et séances de ne-waza à son club, avec Sebastien Calloud. Autorisé à reprendre début juin, il devient champion de France par équipes avant de remporter les coupes européennes de Paks (Hongrie) et Banja Luka (Bosnie-Herzégovine).
Tête de série ce samedi, il passe les tours sans trembler, battant au passage l’autre Tricolore de la catégorie, Mathias Anglionin (SO2J Saint Ouen), en quart de finale. Pour le titre, Livèze retrouvait le Japonais Tomohiro Nakano, très impressionnant en éliminatoires avec son tai-otoshi et son uchi-mata. Mais deux séquences à peine passées que le Français lançait son spécial, un uki-waza qui aspirait totalement l’étudiant de l’université Waseda pour le plaquer sur le dos. Au-dessus du lot physiquement, le Tricolore sort une journée de patron. Un titre qui vient récompenser un garçon aux qualités humaines remarquables et un compétiteur dont la dynamique de performance respecte les standards mondiaux les plus élevés : champion d’Europe et du monde cadets en 2019, le voilà donc champion du monde masculin juniors, le treizième de l’histoire du judo tricolore. Un tremplin idéal pour arriver comme un Mirage 2000 sur le circuit seniors, avec Paris 2024 en ligne de mire. Alors qu’une place est encore vacante pour les championnats du monde seniors d’octobre à Tashkent, la victoire de Livèze lui assure sans aucun doute d’être du voyage en Ouzbékistan en compagnie de son compère de toujours, Romain Valadier-Picard. Origine des Abymes en Guadeloupe, le colosse Livèze clôt ses années juniors de manière sensationnelle, après une saison pour le moins singulière qu’une incroyable résilience à transformer en nouveau moment de gloire.
Un titre mondial qui met fin à une disette de neuf ans pour l’équipe masculine puisque la dernière médaille d’or chez les juniors remontait à 2013 et la victoire de Vincent Manquest en -55kg.

Également engagés lors de cette dernière journée de l’épreuve inviduelle, Océane Zatchi Bi (JC Pontault-Combault) termine à la cinquième place en -78kg, battue par la Brésilienne Beatriz Freitas en demi-finale puis l’Ouzbek Iriskhor Kurbanbaeva sur ura-nage pour le bronze. Mathias Anglionin se classe lui à la septième place en -100kg. Enfin, Dounia Nacer (Budio Club 11) pourra maudire le tirage puisqu’elle prenait d’entrée la Japonaise Mao Arai, future championne du monde.

Le Japon se rebiffe
Sans doute piqués au vif par leur journée blanche d’hier, les Japonais relancent aujourd’hui leur dynamique de victoires : trois titres ce samedi pour Aki Kuroda (-78kg), Mao Arai (+78kg) et Yuta Nakamura (+100kg). Avec l’argent de Nakano en -100kg et le bronze de Miki Mukunoki (+78kg), le pays du Soleil Levant termine comme un coureur de keirin dans la dernière ligne droite : six titres, deux médailles d’argent et deux de bronze. Un samedi où les judokas nippons ont mis la manière : Nakano, junior deuxième année, en transperçant toutes les adverses avec ses ashi-waza à gauche. Idem, mais à droite, pour Nakamura, étudiant à Tokai, qui satellise le Cubain Leon Omar sur son uchi-mata. Aki Kuroda, également de l’université de Waseda, mérite bien son titre puisqu’elle bat la championne du monde en titre, l’Allemande Olek, la Néerlandaise Lieke Derks, victorieuse des coupes d’Europe juniors de Lignano et Coimbra et en argent à Nanterre et Graz avant de survoler la finale contre la Brésilienne Freitas, championne panaméricaine juniors en titre. Un bilan quasi identique à 2019, dernière participation du Japon à cet événement (six titres, deux médailles d’argent, trois de bronze).

2022 après 2006 ? 
La France termine, elle, à un très intéressant deuxième rang, le titre de Livèze faisant gagner d’un coup d’un seul près de six places au classement.  Mais plus que cela, les six médailles obtenues place cette édition dans la fourchette haute des résultats obtenus sur les dix dernières années, derrière 2014 (huit médailles dont un titre avec Amandine Buchard) et 2021 (sept médailles dont un titre pour Devictor) mais devant 2013 (cinq médailles dont le titre pour Manquest), 2017 (une médaille féminine), 2018 et 2019 (trois médailles féminines à chaque fois).
Une édition qui voit pour la première fois depuis 2006 l’équipe masculine récolter plus de médailles que son pendant féminin : quatre contre deux. Une statistique pas si surprenante puisqu’elle acte l’avènement au plus haut niveau juniors d’une génération masculine (née en 2002) qui avait déjà fait le coup en cadets lors des championnats d’Europe, des FOJE et des championnats du monde 2019 (titres européen et mondial pour Livèze, titre européen et médaille mondiale pour Valadier-Picard, titre aux FOJE pour Aregba).  Une génération en or.
Pour les féminines, il faut remonter à 2011 pour trouver trace d’un championnat à deux médailles (bronze pour Mélanie Clément et Clarisse Agbegnenou). Reste que l’argent obtenu par Chloé Devictor et le bronze par Melkia Auchecorne ont un poids particulier. Pour la première, parce qu’elle enchaîne deux finales mondiales consécutives, obtenant l’or (2021) puis l’argent (2022). Une performance exceptionnelle puisqu’elles ne sont que deux féminines françaises à avoir réaliser cela : Carine Varlez (1992 et 1994) et donc Devictor. Elles ne sont devancées que par sa majesté Riner, seul judoka français titré deux fois dans cette catégorie d’âge (2006 et 2008). Une constance au plus haut niveau international – Devictor est également vice championne d’Europe 2021, en attendant les prochains en septembre – remarquable.
Pour Auchecorne, la spécificité vient du fait que la Chelloise est une novice à ce niveau. Junior première année, iI lui reste donc encore deux ans pour enrichir son palmarès à ce niveau tout comme Pauline Cuq, cinquième en -48kg et Alya De Carvalho, septième en -52kg.
Pour les masculins, la génération 2022 va venir se caler dans la roue de l’exceptionnelle génération 2006 et ses cinq médailles (Riner, Maret, Clerget, Remilien, Fichot) dont trois titres. Avec quatre podiums, les garçons de Quayaquil réalisent donc la meilleure performance pour des masculins depuis seize ans. Ajoutons qu’outre Vaaldier-Picard, Aregba et Livèze, Mitrovic est également de 2002.
Pour une nouvelle génération en or ?

Des championnats lors desquels neuf pays auront été titrés, la Turquie complétant le podium avec cinq médailles (une or, deux argent et deux bronze). L’Italie conclut ces championnats à cinq médailles, uniquement féminines. De quoi constituer un futur groupe seniors très performants autour d’Alice Bellandi (médaillée de bronze européenne en -78kg). Une édition 2022 qui restera toutefois loin de la densité habituelle : absence de la Russie (six médailles l’année dernière), de la Mongolie, de l’Ukraine et de la Corée du Sud entre autres. Un total de 373 combattants, soit le nombre le plus faible depuis au minimum 2010 (la moyenne tourne autour des 550 judokas avec un pic à 726 engagés en 2013). La faute, sans doute, a un choix de lieu qui fit grimper les coûts de déplacement. On peu parier sans trop se tromper que les championnats du monde 2023, au Portugal, attireront plus.