Quelle conclusion ! En dedans, à quelques rares exceptions près pendant les quatre jours de l’épreuve individuelle, l’équipe de France sut pouvoir compter sur ses points forts pour remporter un magnifique second titre mondial par équipes. Un ter repetita contre les terriblement précoces Azerbaidjanais dont on eut une nouvelle fois confirmation que leur investissement massif sur les catégories jeunes, après le fiasco de Tokyo, produit des germes prometteurs. Victorieux à Sarajevo l’année dernière, défaits à Odivelas fin juin lors des championnats d’Europe, la France, jamais malheureuse dans cette épreuve – cette année elle bénéficia du forfait du +90kg japonais en demi-finale – se montra remarquablement intraitable en finale avec un 4 à 1 sec et incontestable. Un dénouement magnifique et qui console de résultats individuels en-deça des attentes.
Trois médailles individuelles pour la France donc à l’issue de ces championnats du monde : l’argent pour Alyssia Poulange (SO2J Saint Ouen) en -52kg et Mathéo Akiana-Mongo (Sainte Geneviève Sports Judo) en +90kg et le bronze pour Celia Cancan (Judo 83 Toulon) en +70kg. Trois cinquièmes places avec Mathilde Aurel (Judo Lons 64) en -40kg, une cadette première année qui avait déjà terminé cinquième aux championnats d’Europe, Alicia Marques (JC Orthézien) en -52kg – le bon choix en termes de doublement avec les +70kg puisque Marques fut médaillée de bronze lors de l’épreuve continentale – et Adrien Mivovan (Arts martiaux d’Asnières) en -55kg.
Trois médaillés attendus à un tel niveau et qui ont su, ce qui est toujours remarquable, être au rendez-vous. Un hasard ? Pas vraiment puisqu’ils partagent quatre points communs : avoir été médaillés aux championnats d’Europe (l’or pour Poulange, l’argent pour Cancan et le bronze pour Akiana Mongo) il y a deux mois, avoir été champions de France début avril, être médaillés sur les championnats de France juniors (argent pour Poulange et Akiana Mongo, or pour Cancan) et enfin, avoir été tous trois déjà sélectionnés pour cet événement en 2022. Des parcours aux indicateurs de passage similaires ou presque, en attendant peut-être un autre : Akiana Mongo est d’ores et déjà sélectionné pour les championnats du monde juniors, début octobre à Odivelas. Poulange et Cancan, avec ce résultat, se positionnent pour une place de titulaire possible lors des prochains championnats du monde, elles qui ont été par ailleurs médaillées lors de la Coupe européenne juniors de Paris.
Trois podiums obtenus donc par des compétiteurs structurés, précoces et expérimentés qui permettent à la France de faire mieux qu’en 2009, 2015, 2017 mais moins bien qu’en 2011, 2013, 2019 et bien sûr 2021. L’année dernière, la France avait en effet fini en tête du classement – une première ! – avec trois titres, deux médailles d’argent et une de bronze. Ce week-end, douche froide puisque la France se classe à la quinzième place au tableau des médailles. Un coup de froid d’autant plus glaçant que les neufs médailles obtenus lors du championnat continental au Portugal laissaient place à de logiques espoirs de performance à Zagreb. Un déperdition en ligne importante qu’il faudra sans doute interroger.
Une position de quinzième nation similaire à 2009 et 2017, 2015 restant comme le plus mauvais classement français de l’histoire de cet événement. Un rang qui interpelle certains, à la vue des moyens mis sur cette catégorie d’âge par le système fédéral et les OTD (nombre de pôles espoirs, sorties internationales, stages internationaux, etc.). D’autres n’y prêtent pas une importance significative, tant la trajectoire de performance n’est pas encore normative entre cadets, juniors et seniors et que le sujet, à cet âge-là, est de confronter au haut niveau international des judokas dont les qualités sont amenés à être fortement optimisées en juniors puis en seniors.
Alors comment expliquer ce résultat ?
-le tirage au sort. Avec des repêchages comme chez les seniors, c’est à dire en quart, le couperet est plus que jamais aiguisé. Or, à la différence des seniors, plusieurs nations fortes (Japon, Corée du Sud) ne jouent pas le jeu – pour diverses raisons – de la ranking-list chez les cadets. Résultat ? Léonie Minkada Caquineau, championne d’Europe en titre rencontre dès les huitièmes de finale la Coréenne Hyeonji Lee, 29e à la ranking-list mondiale seniors, cinquième au Grand Chelem d’Oulan-Bator fin mai et qui a participé au Masters début août… mais classée très loin chez les cadets puisque sa dernière participation à une coupe d’Europe remonte à novembre 2022. Un combat qui avait les atours d’une finale mondiale. Un duel injuste dans sa place au sein du tableau mais aussi dans son arbitrage avec un o-soto-makikomi de la Française donné puis enlevé car le haut du flanc de Lee ne touchait pas le sol. Une interprétation littérale mais une nouvelle fois ridicule puisque tous les critères d’une valorisation étaient réunis : vitesse, force, contrôle et angle d’impact à 90 degrés. Cela finit par prêter à désespérer tant ce waza-ari vaut bien plus, aux yeux des connaisseurs, que nombre d’entre eux parfois donnés. Autre exemple en -48kg où la prometteuse suédoise Tara Balbufath, coachée par Jane Bridge, aura eu à écarter la Japonaise et la Coréenne en tableau. Deux Asiatiques très fortes et du niveau d’un podium mondial.
Une configuration qui rend clairement absurde les repêchages uniquement à partir des quarts de finale dans cette catégorie d’âge.
Chez les masculins tricolores l’analyse est presque implacable : trois têtes de série avec Adrien Mivovan en -55kg, Désir Zoba Casi en -73kg et Mathéo Akiana Mongo en +90kg. Le premier termine cinquième, le second, médaillé aux championnats d’Europe s’incline en huitième et le troisième remporte le bronze. Être tête de série aide à être, au minimum, classé. Autre statistique : hormis Medhi Salah (-66kg) et Maxence Adriano (-60kg), les autres masculins perdent tous contre des judokas qui seront médaillés le soir.
Chez les féminines, Imane Lima (-40kg), Alice Lopez (-44kg), Ielena Nicolas (-57kg) et Emmy Galludec (-63kg) se font stopper par des combattantes qui ne monteront pas sur la boîte.
-la densité ? Cette année 576 judokas de 64 pays furent présents contre 483 judokas de 60 nations en 2022. Une augmentation de 93 judokas mais pour seulement quatre pays en plus et un nombre de pays médaillés strictement identiques : vingt-cinq. Il n’y a donc pas un ventilation plus forte du nombre de médailles entre 2022 et 2023. Un élément à prendre en considération tout comme l’impression que la période covid est défintivement close et que certaines nations (r)envoient des judokas sur cet événement. Un tour – piégeux parfois – à passer en plus et cela peut changer la donne.
-le niveau de la génération 2022 qui plaça la barre très haut en Bosnie, il y a un an. La comparaison, après ce leadership au niveau mondial, était logiquement inévitable pour la promotion 2023 suite à un tel succès.
Nés en 2005 ou 2006, les médaillés l’année dernière à Sarajevo sont une génération de pépites prometteuses qui commencèrent à briller de mille feux au niveau mondial et dont les résultats en 2023 prouvent qu’ils sont non pas une cohorte de « one shot », mais bien lancés sur un autoroute rectiligne de la performance. Ainsi, Kelvin Ray, Zacharie Dijol, Lila Mazzarino sont d’ores et déjà médaillés ou champions de France juniors et sélectionnés pour les championnats d’Europe et/ou du monde juniors. Si Celia Cancan fait partie des neuf féminines qui iront à Odivelas début octobre pour les Monde juniors, il y aura probablement quatre des six médaillés mondiaux cadets 2022, tous juniors première année. Sachant que Yahn Motoly-Bongambé évolue en -55kg cette saison (une catégorie qui n’est plus internationale) et qu’il est champion de France et que Grace Mienandi-Lalou n’a pas fait un combat de la saison suite à sa blessure au genou contractée lors de la finale de l’épreuve par équipes en Bosnie-Herzégovine.
Des championnats du monde dominés par l’Azerbaidjan, comme ce fut le cas lors des championnats d’Europe. Initiée par Mark Van Der Ham, qui fut responsable de la performance entre janvier 2022 et mai 2023 – et qui vient d’ailleurs de revenir à la fédération flamande pour retravailler avec Mathias Casse -, la stratégie de massification et sorties toutes azimuts chez les jeunes portent donc ses fruits. Outre trois finales mondiales par équipes consécutives, ce pays entre Europe et Asie est passé de la quatorzième place en 2022 à la première place en 2023. Un pays qu’il faudra également suivre lors des championnats internationaux juniors. Une stratégie et des noms qu’il faudra surveiller de près en vue de Los Angeles 2028, qu’ils soient masculins ou féminins, puisque l’Azerbaidjan d’Elnur Mammadli -champion olympique 2008 en -73kg – vice président de la fédération ne délaisse pas le judo féminin, loin de là. La preuve ? La victoire de Khadizha Gadasohva en -52kg, contre Alyssia Poulange, lors d’une finale dantesque. L’année dernière, une médaille de bronze avait été glané par Aydan Valiyeva en -48kg.
Le Japon termine à la deuxième place avec trois médailles dont deux titres en -57kg et -63kg et une médaille d’argent en +70kg pour huit combattants engagés. Un ratio exceptionnel alors que la fédération nipponne a décidé depuis l’année dernière de ne plus faire de ces championnats du monde cadets un rendez-vous international important.
À la troisième place, la Serbie avec deux titres. Un pays des Balkans, comme la Croatie, qui sait optimiser ses combattants les plus forts. À voir, bien entendu, si le cap des juniors et seniors sera passé, comme arrive à le faire le judo croate ou kosovare.