Échecs des quatre Français du jour !

Après la bonne journée d’hier, l’échec net des quatre points forts du jour du côté français a refroidi tout le monde comme une mauvaise pluie de novembre. Pendant ce temps-là le Japon ajoute une nouvelle médaille d’or à sa collection et la Corée nous passe devant. 

Clerget rayonnant, Marie-Eve Gahié tranchante jusqu’en finale, la journée de lundi avait joliment confirmé la prestation exceptionnelle de Clarisse Agbegnenou la veille et placé la France sur une rampe de lancement. Ce mardi aurait pu, aurait dû être le bouquet final, une belle série de torpilles perforantes lancées par la France sur ce championnat du monde. Avec un médaillé olympique et vice champion d’Europe pour cette année, Cyrille Maret, flanqué d’un numéro deux de talent, Alexandre Iddir, la probabilité de médailles masculines aujourd’hui n’avait jamais été aussi haute. Quant aux féminines, comment penser que la championne d’Europe en titre, Madeleine Malonga et la championne d’Europe 2016 et 2017, finaliste en 2018 (pour les titres les plus récents) Audrey Tcheumeo, puissent passer à côté du podium ?

Ce fut rapide chez les garçons. Deux combats quasiment simultanés, deux combats perdus avant les quarts, au deuxième tour exactement. Cyrille Maret, qui n’avait pas donné de signes très positifs sur son premier tour emporté avec difficultés, ne tenait pas le Coréen Cho, ce qui n’était finalement pas tant que cela une surprise, puisque le Dijonnais perdait à Bakou son troisième combat de suite contre lui. Ce combattant du Matin Calme est moins connu que les stars de l’équipe, essentiellement parce qu’en 2015, à l’époque où ses camarades devenaient champions du monde (An Baul et Gwak Dong-Han) ou médaillé mondial (An Changrim) il n’était passé que depuis une grosse année dans la catégorie des -100kg… en descendant des lourds, catégorie dans laquelle il avait été médaillé d’Asie junior et deux fois médaillé mondial  (2010 et 2011, pendant le règne du double champion du monde junior japonais Takeshi Ojitani). Battu en 2015 par le le futur champion du monde, le Japonais Haga, dans un combat serré au stade des 8e de finale, il n’avait pas été repêché. Nouvelle déconvenue aux Jeux et année blanche en 2017 pour blessure… il n’est revenu que depuis décembre dernier, montant en finale du championnat d’Asie pour une défaite contre le jeune et prometteur Japonais Iida. Plein de fraîcheur, il se montre trop vif, trop rapide sur les mains, trop dangereux sur ses attaques en seoi-nage et en ko-uchi-gari pour que le Français, pas encore lancé dans sa compétition, puisse peser sur lui comme il aime le faire. Cyrille Maret est battu, et c’est la septième fois qu’il sort bredouille d’un championnat du monde depuis 2009. Que doit-il changer dans son approche pour le suivant ? À trente-et-un an, la question est désormais cruciale, et urgente. Le Coréen, lui, ira au bout.

Lipo – Iddir, un vieille histoire

Alexandre Iddir tire en même temps que Cyrille Maret, sur le tapis d’à côté. Son adversaire ? Le vice champion du monde en titre, l’illustre Varlam Lipparteliani, dit « Lipo » chef de file de la grande équipe géorgienne. Une grande équipe qui a montré des limites, liées à sa préparation bouleversée par d’énormes problèmes politiques au sein de leur fédération. « Lipo » en sera-t-il diminué ? La gageure est de taille : en cinq rencontres, Iddir a gagné deux fois. Leur premier duel en 2015 pour une disqualification du Géorgien sur une saisie à la jambe. Les fois suivantes, le Géorgien a dominé… sauf une fois, pour une victoire spectaculaire du Français sur le gong, un seoi-nage d’anthologie au tournoi de Paris 2016, leur dernière confrontation en -90kg. Les deux hommes se connaissent par coeur et le défi est de de taille pour un second tour, face au n°1 mondial qu’est devenu Lipparteliani malgré son changement de catégorie. Alexandre Iddir est resté de son côté à la 40e place mondiale. Rapidement, on comprend que le Géorgien est assez en forme pour aller au bout du défi proposé par le Français. Il place à 1mn40 un beau kata-guruma que le combattant du FLAM91 n’attend pas (le spécial du Géorgien étant plutôt uchi-mata) et gère ensuite, non sans une grosse chaleur sur une très belle attaque en uchi-mata, dont il se sauve tout juste par une réchappe acrobatique. Iddir sort, Lipparteliani reste. Comme le Coréen, il ira au bout, ne cédant que devant Cho Guham au dernier combat. Une pauvre consolation, mais c’est un fait : les Français sont sortis par les deux finalistes du jour. Une leçon à en tirer ? Etre plus forts qu’eux d’entrée, où les rencontrer plus tard, ce qui implique d’être mieux classé à la ranking.

Le Japon seul au monde

Dans un autre quart, la bataille est féroce entre de nombreux favoris. Le Japonais Aaron Wolf, champion du monde en titre, affronte successivement le médaillé mondial russe Kirill Denisov, le médaillé mondial allemand Karl-Richard Frey, avant de se faire surprendre dans un combat de haut niveau par le féroce numéro deux russe, Niyaz Iliyasov, le favori pour beaucoup… Lequel se fait lui aussi prendre dans les filets de l’habile Coréen en demi-finale. Sans doute un peu démobilisé par cet échec, Wolf, laisse filer la médaille de bronze, devenant du coup le seul et unique Japonais à rater le podium depuis le début de la compétition ! Pas trop grave pour le Japon qui accumule déjà la bagatelle de quatorze médailles, onze finales ( !) et six titres. En effet Shori Hamada, sans trop avoir à montrer son talent, amène un nouveau titre féminin dans les bagages du Japon Deux titres « seulement » pour les garçons pourl’instant (mais six médailles en six catégories, quatre finales tout de même), déjà huit médailles chez les filles qui ont toutes emporté la leur, dont quatre en or pour sept finales ! Elles font déjà mieux qu’à Budapest en 2017 (3 or, quatre argent, une bronze) et Astana en 2015 (3 or, 2 argent, 3 bronze), qui étaient déjà des levées historiques. Et il reste encore le bulldozer Sara Asahina à venir….

Tchoumi pétrifiée

Si Shori Hamada n’eut pas trop à forcer, c’est aussi que celles qui pouvaient la battre ne furent pas au rendez-vous. Parmi ces favorites, la championne du monde en titre, la Brésilienne Aguiar, totalement transparente, mais aussi les deux Françaises, que rien ne devait arrêter avant les phases décisives. Ce sont des filles totalement inattendues qui font obstacle, et qui y parviennent de façon inattendue. Qu’est-il arrivé à Audrey Tcheumeo contre la timide Russe Babintseva au palmarès insignifiant par rapport au sien ? Elle démarre en trombe, la Russe résiste comme elle peut, commence à se rebeller un peu et à tenter de reprendre l’initiative, notamment en refusant de tomber sur le dos sur les contres en ko-soto-gake / tani-otoshi de la Française. La championne est contrée une première fois sur ce mauvais choix technique et semble alors tétanisée. Elle s’envole sur un énorme uchi-mata. Incompréhensible. Manque de motivation ? Usure ? Manque de confiance quand les combats durent ? Un choc en tout cas dont il faudra se remettre et qui laissera des traces, dans sa tête comme dans celles des prétendantes. La vérité du lendemain ne sera pas forcément celle d’aujourd’hui, mais en attendant, c’est le deuxième championnat du monde sans médaille pour Tcheumeo. La montée en puissance vers les championnats de Tokyo 2019 et 2020 devrait lui faire du bien. Ce sera en tout cas l’occasion pour elle de montrer qu’elle a envie – ou pas – de retrouver son aura de double médaillée olympique.

Malonga, trop d’envie

Madeleine Malonga faisait ses premiers championnats du monde et l’expérience est essentielle à ce niveau d’exigence. Dans les tours préliminaires, c’est la championne d’Europe sûre d’elle qu’on voyait en action, bien que peut-être déjà un peu fébrile, plus précipitée que parfaitement efficace. Mais le tableau était dégagé, d’autant qu’une Chinoise de vingt ans entraperçue au tournoi de Chine en 2016 et 2017, ainsi que sur le podium des championnats d’Asie depuis deux ans, Ma Zhenzhao, avait déblayé devant sa porte en sortant la Brésilienne championne du monde en titre. Mais voilà qu’elle tenait tête au kumikata de la Française et parvenait même à l’enrouler sur un makikomi bien lancé ! Fixée au sol, Malonga ne pouvait que constater les dégâts et voir la demi-finale lui échapper. Remontée — peut-être un peu trop ? — elle revenait sur le tapis en repêchage prête à tout ventiler. Première saisie, première attaque de hanche à la volée face à une petite Anglaise qui ne payait pas de mine avec son gabarit modeste, mais qu’il faudra considérer dorénavant comme un danger potentiel, Katie Jemima Yeats-brown. Elle parvenait en effet à contrer l’attaque, obligeant la Française à passer sur le haut des épaules, ce qui aurait pu valoir waza-ari. Surprise, Malonga levait la tête, livrant son cou à l’adversaire dans son dos. Erreur fatale. Elle était prise en étranglement et tombait dans l’inconscience avant que l’arbitre ne réagisse. Il fallait l’aide médicale pour l’aider à sortir du tapis. Après la Chinoise, l’Anglaise, double échec brulant, comme un couteau remué dans la plaie ouverte par un premier coup, qui ne s’explique peut-être que par un excès d’envie, une perte de l’équilibre nécessaire à la maîtrise qu’elle affichait avec sérénité et autorité à Tel-Aviv, lors des derniers championnats d’Europe. Une leçon cuisante, mais une leçon, et qui ne fait pas oublier ce qu’elle a montré auparavant. Il faudra revenir pour convaincre les autres, et se convaincre, que c’était un accident de parcours. Le « débrief » commence maintenant.

La France passe en troisième

Quand on ne gagne pas, on perd, ne fusse-ce que parce que les autres gagnent les combats dans lesquels aucun Français n’est engagé. Un titre en plus pour le Japon, ce n’est plus tellement significatif au point où ils en sont, mais le titre coréen n’arrange pas nos affaires. Si nous en restions-là, ce serait la première fois depuis 2009 que la France descendrait au-delà du deuxième rang. Pour l’instant nous sommes passés troisième nation derrière la Corée d’An Changrim et de Cho Guham, laquelle a placé trois de ses masculins sur le podium, dont deux sur la plus haute marche. Et ce n’est peut-être pas fini.