Huit médailles au total pour le clan tricolore
Ils étaient 27 judokas français au total pour ce tournoi de Saint-Pétersbourg (Russie), l’un des plus relevés du monde.
Face à eux l’armada russe bien sûr, emmenée par le joyau Mikhaïl Igolnikov (-90kg), prudemment protégé par le staff de l’équipe nationale juniors mais qu’on a vraiment hâte de voir chez les grands sans doute après Rio (il est juniors 3). Les Brésiliens dont c’était le dernier tournoi européen de l’année (ils ne seront pas à Berlin), les Géorgiens, les Allemands, les Hollandais et last but not least les Japonais, avec une équipe mixte, composée de combattants tout juste juniors mais qui avaient cassé la baraque à Sarajevo aux championnats du monde cadets, et d’autres déjà au premier plan lors des Monde juniors d’Abou Dhabi et qui a littéralement écrasé la compétition.
Pas de Slovènes ni de Roumaines chez les féminines que les Françaises avaient croisées il y a une semaine à Lignano (Italie).
Bilan de ce week-end ? 8 médailles dont deux titres pour Justine Deleuil en -44kg et Romaine Rambot en -63kg.
Les filles sont très convaincantes avec 7 médailles, les garçons très en-dedans, le seul Nicolas Chilard apportant son écot avec du bronze. Analyse et interview.
Deleuil et Rambot, c’est costaud
C’est une Séverine Vandenhende satisfaite mais lucide qui nous dresse un bilan général de son groupe. La championne olympique de Sydney donnant un satisfecit à « ses filles », le groupe se montrant à la hauteur, lors d’une compétition au niveau certes supérieur à l’Italie mais « pas très fort » selon ses termes, l’absence des Slovènes de la précoce et terrible Marusa Stangar (-48kg, championne d’Europe cadettes et vice-championne du monde juniors en 2015) et des Roumaines, que les Françaises avaient eu dans les mains une semaine en avant dans la Botte, relativisant le titre officieux de « meilleur tournoi du monde » de la compétition russe chez les féminines.
La seule petite déception -mais sans doute-il faudrait-il plutôt parler de frustration ?- concerne Julia Tolofua (+78kg), 5ème ce dimanche après sa victoire italienne il y a une semaine. « Elle n’était pas dans un grand jour et nous l’avait dit dès le matin. Elle a été lente sur les mains. Une journée « sans » où sa principale faiblesse, son manque de confiance dans ses capacités -pourtant impressionantes !-, a un peu ressurgi. Et pourtant, elle finit 5ème ! Il ne faut pas aller trop vite avec elle, mais son potentiel est tel qu’on a envie de la voir performer très vite ».
Des compliments pour les deux vainqueurs du jour, Justine Deleuil (-44kg) et Romaine Rambot (-63kg) : « Justine a confirmé qu’elle est une très bonne prétendante aux victoires internationales. Elle a montré de belles choses !
Quant à Romaine, elle réalise une superbe compétition. Comme on dit dans le jargon… »elle a envoyé ! ». C’est une combattante. Sa finale en est une belle illustration : elle est menée waza-ari mais y retourne jusqu’à mettre un uchi-mata magnifique pour ippon dans les quinze dernières secondes. Elle a commencé de façon moyenne sa saison, mais sa prestation ce week-end prouve qu’elle est revenue à un excellent niveau ».
En -44kg, la championne d’Europe cadettes 2014 (en -40kg) a tracé son sillon avec autorité. Aucune marque de prise, une victoire contre l’autre Française, Marine Giley qui finira 3ème, en demi-finale d’un waza-ari. Du bel ouvrage.
En -63kg, la Marseillaise, vice-championne de France 2015, 2ème à Epinay-sous-Sénart en 2016, marque des points face à la concurrence, personnalisée ce dimanche par Yasmine Horlaville, une métronome des podiums de la caté au niveau nationale cette saison et qui finit 3ème ce dimanche, seulement battue en demi-finale.
Une jeune femme à qui, selon l’entraîneur nationale, il manque peut-être « une attaque forte » pour passer encore un cap.
Et pour les autres filles ? Du positif et de l’optimisme. Anaïs Mosdier, 3ème en -48kg ? « Elle commence très bien son combat contre la Japonaise, menant de deux shidos en jouant sur la mobilité. Malheureusement, une petite erreur en fin de combat et elle se fait punir par le dégagement de jambes d’Umekita qui la cloue au sol ». Rien de très grave pour la Varoise : c’est une nouvelle médaille internationale pour cette juniors 1ère année, aimantée par les podiums (nationaux et internationaux) depuis plus d’un an, exception faite des Monde juniors où elle finit 7ème.
Avec Romane Yvin, Séphora Corcher, qui reviendra à Berlin, Mosdier et Urdiales, 7ème ce samedi (« elle a pêché un peu physiquement » selon Vandenhende) la France possède en -48kg un potentiel qui rend (très) confiant.
Les -57kg ? C’est d’abord la surprise Sarah-Léonie Cysique. La judokate de l’ACBB Boulogne fait une grosse prestation, qui a plu à son entraineur nationale : « elle n’a pas de complexes, elle est puissante, vive et sait utiliser les changements de directions ». Margaux Silvestri, qui finit 5ème prouve sa régularité à haut niveau, après sa médaille de bronze italienne.
Enfin les -70kg ? Encore une médaille pour Marina Olarte. Pas d’or cette fois-ci mais du bronze alors « qu’elle n’était pas trop dedans physiquement ». Surprise lors d’un corps-à-corps avec l’Allemande Blietz en 1/4 de finale, elle mettra la machine en route un poil trop tard, mais ira chercher une 3ème place qui confirme son affirmation croissante au niveau international dans cette catégorie. 5ème place pour Agathe Devitry et un peu de frustration pour une jeune femme au gros potentiel mais dont la passivité lui joue encore souvent des tours.
Chilard bien seul
C’est un constat est teinté d’euphémisation qu’on trouve dans la bouche de Christophe Gagliano, entraineur national masculin : « c’est plutôt moyen ». Difficile de ne pas acquiescer : 14 combattants, une médaille de bronze et deux 5ème place.
Sur un plan comptable, c’est en effet très maigre avec une 9ème place au niveau du bilan masculin des médailles.
D’autant que certains combattants ont déçu le staff : « je pense aux -60kg, Romaric Bouda et Jolan Florimont. Deux garçons avec de grosses qualités judo mais qui manquent encore trop de réalisme, de « métier » et de dureté lors des combats âpres où faire tomber parait très compliqué ».
Autre déception, la contre-performance globale des -73kg où quatre combattants étaient alignés : Adrien Lelièvre, Damien Santelia, Loïc Le Peltier et Valentin Morel. Lelièvre finit 9ème, les autres sont non-classés.
On attendait Aurélien Diesse avec curiosité. Sa prestation pleine d’envie et de « gnac » aux Monde juniors en -81kg, celle prometteuse au Tournoi international de Monaco dans la catégorie supérieure qui est désormais la sienne, laissaient augurer d’un garçon à l’avenir prometteur pour ce judoka qui, un peu à l’image d’un Walide Khyar, semble né pour le combat et ne recule jamais. Malheureusement, le judoka de Seine-Saint-Denis loupe un peu sa compétition…qui n’était que la 3ème en -90kg, lui qui sort de quartre mois de blessure. Des circonstances atténuantes qui n’empêchent pas Christophe Gagliano de regretter le relâchement coupable de Diesse dans les dernière secondes : « l’engagement et l’envie il les a naturellement. Mais il doit encore beaucoup progresser sur la gestion de combat et l’application du schéma tactique ou des conseils donnés. Je suis déçu car j’aurais vraiment beaucoup aimé le voir face à Igolnikov, ce qui se fait de mieux ou pas loin dans la caté ».
Côté satisfaction, on retrouve Jean Daniel qui finit 5ème et confirme qu’il a (stabilisé) son niveau international et que les podiums internationaux n’ont rien d’inaccessible pour le judoka de l’OM Judo, y compris face à une concurrence très dense.
Les -81kg ont aussi répondu aux attentes des entraineurs nationaux, avec le bronze de Nicolas Chilard, qui remporte son combat pour le podium contre…Adrien Copado. Alpha Djalo finit lui 7ème.
« Chilard va chercher la médaille avec un judo qui se construit de plus en plus, y compris au sol, ce qui lui donne des possibilités supplémentaires. Alpha Djalo perd lui contre le Japonais au 1er tour puis fait derrière des combats de repêchage intéressants ».
Que manque-t-il donc aux combattants masculins pour faire mieux ? Quand on pose la question au médaillé olympique d’Atlanta, le constat est récurrent : du réalisme, de l’engagement et la capacité à avoir un « spécial » qui fait tomber, y compris (et surtout serait-on tenté de dire) lorsqu’on est mis sous pression. « Ce que les Japonais arrivent à faire par exemple. Ils sont très concrets ».
Le Japon et le reste du monde
Une capacité à faire tomber ou à conclure (au sol) qui explique en grande partie le bilan, qui ne suprendra personne mais dont la prouesse ne peut pas cesser d’être rappelée, de ce week-end. 11 médailles pour 12 participants. Cinq victoires et une 3ème place pour 6 engagées féminines. 4 victoires pour six combattants nippons. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En terme de ratio, on est pas loin du jackpot.
Un résultat ébouriffant avec quelques combattants qui « découvrent » la catégorie juniors depuis seulement janvier : Kengi Goka, le fils cadet « de », Mai Umekita, Kana Tomizawa.
Pas de championnats du monde cette année (JO oblige), mais le Japon prouve en Russie qu’il aurait eu de beaux atouts judo à proposer pour garder le leadership mondial chez les juniors.
La Russie, avec ses 122 combattants, engrange 21 médailles dont 3 d’or; soit seulement une de plus que la France.
Le pays des Tsars a pu compter sur Igolnikov, qu’on attendait de voir après sa déconvenue d’Abou Dhabi. Seulement 5ème aux Emirats Arabes Unis (une absence du podium qui n’est pas arrivée souvent à ce gaucher au uchi-mata dévastateur), le triple champion d’Europe cadets a remis les pendules à l’heure dans une catégorie sans Japonais.