L’argent fait le bonheur pour Khyar, Cysique et M’Bairo
À cette période de l’année, à deux mois à peine des derniers championnats du monde et, pour certains, déjà entièrement projetés sur les Jeux de Tokyo, il fallait une motivation bien spécifique pour que les combattants engagés trouvent la détermination et la concentration nécessaires dans ce Grand Chelem émirati sans public. Des points à prendre, c’est sûr, mais parfois cela ne suffit pas à faire la performance. Et des points pour quoi faire ? Certains savent depuis les championnats du monde que leur sélection, et même leur place de tête de série, est assurée. Pour d’autres, c’est au contraire la conscience qu’il ne se passera plus rien de significatif pour eux dans la course olympique qui domine. Bref, il fallait avoir une bonne raison de se donner ici, et cela se ressent dans les résultats.
C’est ainsi que parmi les vainqueurs étrangers chez les filles, on retrouve certes la grande dame des -48kg, Daria Bilodid, championne du monde, mais venue soigner sa place au classement mondial pour éviter la perspective d’une demi-finale olympique délicate contre la Japonaise. Troisième de ce même classement, la terrible Kosovare Kelmendi était là elle aussi pour l’emporter et elle ne lâchera probablement pas l’affaire avant d’atteindre le deuxième rang de la qualification olympique dans cette catégorie, toujours occupé par la Française Amandine Buchard, pour ne pas rencontrer la Japonaise Abe avant la finale. Elle bat d’ailleurs en finale la médaille olympique italienne Odette Giuffrida, victorieuse au Grand Chelem du Brésil au début du mois, et qui cherche, elle aussi, à conforter son statut de tête de série.
Attention aux Slovènes !
En -57kg, on assiste au rush déterminant d’une championne d’Asie venue de Corée du Nord, Kim Jin A, victorieuse aussi en Chine en mai. Elle part de loin et n’a pour l’instant qu’une sélection au quota continental, mais la prochaine médaille d’or la ferait rentrer non seulement dans les points, mais aussi dans la catégorie des très dangereux premiers tours olympiques. Les deux Slovènes, Tina Trstenjak en -63kg et Klara Apotekar en -78kg, ramènent l’or elles aussi, dans un timing intéressant. Il faudra s’inquiéter jusqu’au bout du potentiel de la rivale de Clarisse Agbegnenou, Trstenjak, car on sait que la Slovénie cultive l’art de bien gérer la montée en puissance dans les grands moments et que le pays s’honore d’avoir gagné deux fois le titre olympique en -63kg en 2012 et 2016. Pour l’instant deuxième du classement qualificatif, de peu devant la Japonaise Miku Tashiro, la bataille stratégique est engagée.
Victoire en -70kg de la grande Néerlandaise Kim Polling, encore non qualifiée, et qui va tenter de prendre le leadership à Sanne Van Dijke. Enfin, en +78kg, la Coréenne Han Min Jin, vice championne d’Asie et victorieuse des Universiades, a elle aussi un beau coup à jouer sur le fil.
Les « dents longues » retroussent les babines
C’est le même constat chez les garçons avec les victoires de nombreux déçus des championnats du monde. Notamment l’Italien Emmanuel Lombardo en -66kg — le « vaincu » pour la place de trois contesté devant le Japonais Abe — le jeune Turc Ciloglu en -73kg, loup aux dents très longues, ou l’Espagnol Sherazadishvili, champion du monde 2018, mais battu en 2019 par le Français Clerget au premier tour.
Cysique casse le signe indien
Les Français ont été soumis aux même forces intérieures. Mélanie Clément, un peu essoufflée, finit septième en -48kg, mais la jeune Sarah-Léonie Cysique continue sa très belle marche en avant en se hissant brillamment en finale à grands coups de judo. Battue sur un ko-soto bien placée de la Coréenne du Nord en finale, elle n’en casse pas moins le signe indien qui la cantonnait depuis quelques mois aux cinquièmes places. Une très belle performance face à des combattantes installées dans le top 10, une présence éclatante et un judo de plus en plus ambitieux (on applaudit notamment son très réussi sasae-tsuri-komi-ashi en deux temps porté à l’Américaine Akiyama), Sarah-Léonie Cysique est vraiment sur la bonne rampe de lancement.
Finaliste elle aussi, Anne Fatoumata M’Bairo, décevante aux championnats du monde, n’entend manifestement pas laisser sa sélection olympique à d’autres qui auraient pu commencer à se faire des idées. Elle bat notamment la Slovène Velensek et la Brésilienne Altheman, deux filles fortes de la catégorie. Une compétition de référence pour elle dans cette ligne droite, et qui dissipe les ombres que son échec planétaire. Le message est lancé, en particulier du côté de Romane Dicko, annoncée aux championnats de France, première étape d’un potentiel retour de la championne d’Europe 2018.
Des championnes du monde peu concentrées
À l’inverse, les deux championnes du monde engagées, Marie-Eve Gahié et Madeleine Malonga, n’étaient pas au top de leur concentration. Très dominante dans le combat, la championne du monde des -70kg se faisait surprendre en reprise de garde sur le tani-otoshi de la dangereuse Croate Barbara Matic. Pas de péril en la demeure… Sur le combat, elle lui avait, quelques secondes auparavant, marqué un très gros waza-ari sur un sumi-gaeshi qu’on aurait bien vu sanctionné d’un ippon, et n’avait pas su la garder au sol alors que le combat paraissait plié. Même constat pour la championne du monde des -78kg, qui se faisait retourner sans trop lutter par un « bras-tête » de l’Allemande Luise Malzahn, qu’elle dominait jusque-là. Repêchée, elle finissait fort en battant par ippon la Cubaine Antomarchi, victorieuse en début de mois du Grand Chelem de Brasilia.
Distancée pour la sélection olympique, Margaux Pinot se fait surprendre au kumikata, et sanctionnée dans la foulée par la Grecque Teltsidou, victorieuse du Grand Prix d’Ouzbékistan en septembre. Un léger « coup de mou » qui ne remet pas grand chose en question…
Khyar entre dans les points de la qualif’ olympique
Une seule médaille pour l’équipe de France masculine, emmenée presque au complet aux Émirats, celle du -60kg Walide Khyar, qui continue de montrer qu’il est « chaud » pour une éventuelle médaille olympique. Le parcours était pourtant escarpé avec d’entrée l’un des grands animateurs des championnats du monde, le combattant de Taiwan Yang Yung Wei, mais aussi le très fort combattant kazakhstanais Yeldos Smetov, médaillé à Tokyo, qu’il sort aux pénalités, ou encore l’Ouzbek Urozboev. Battu en finale par un dangereux lutteur, le Kazakhstanais Kyrgyzbayev, il a néanmoins su démontrer qu’il retrouve son meilleur « feeling » et produit un judo spectaculaire et efficace. C’est très prometteur. C’était aussi absolument nécessaire car, dans cette catégorie, Walide Khyar n’était toujours pas dans les points de la sélection olympique.
En revanche, les échecs de Luka Mkheidze (-60kg), toujours dans les points olympiques, Kilian Le Blouch (-66kg), Guillaume Chaine (-73kg), Alpha Oumar Djalo (-81kg), ainsi que des deux -100kg Cyrille Maret et Alexandre Iddir, ne sont pas de très bons signes. Cyrille Maret faisait d’entrée face au meilleur combattant de la catégorie actuellement, le Coréen Cho Guham et, malgré un bel engagement, ne pouvait pas résister à son travail en seoi-nage. Quant à Iddir, il rate la marche contre la star naissante d’Azerbaïdjan, Zelym Kotsoiev, qui le surpassait en rythme et allait se hisser jusqu’en finale, où il échouait devant le Coréen. Pour les masculins français, ce sera compliqué jusqu’au bout.