Dernier Grand Chelem d’un cycle de trois compétitions du circuit FIJ après Tashkent et Tbilissi, Antalya clôt donc une séquence internationale qui va laisser place aux championnats continentaux. Un évènement turc au niveau incontestablement inférieur aux Grands Chelems ouzbek et géorgien. Après une troisième journée qui aura mis en lumière le Suédois Marcus Nyman – qui fait le doublé après Tbilissi – et la Japonaise Shori Hamada s’imposer – comme c’était prévisible – avec son irrésistible ne-waza, que retenir de cette compétition ?

1) Khyar et Bouda sauvent les meubles

Il y a bien sûr la belle médaille d’argent de Walide Khyar, lucide et tranchant. Il y a également le bronze de Romaric Bouda. Sa première médaille en Grand Chelem, obtenue après avoir mis un bel impact physique et trouvé l’ouverture sur des mouvements de jambe. Kilian Le Blouch, finit lui cinquième, mais après une journée où le médaillé européen 2020 aura montré un manque de sensations, de stabilité dans ses appuis et de tranchant. Les autres français, Nicolas Chilard, Loic Pietri et Cyrille Maret s’inclinent au premier ou deuxième tour. Le médaillé olympique, de retour à la compétition après plusieurs mois d’arrêt, perd a posteriori contre le futur vainqueur, l’Azerbaïdjanais Zelym Kotsoiev. Les deux -81kg contre deux judokas qui seront éliminés immédiatement après.
Alors deux médailles sur six participants, ce n’est comptablement pas si mal. Mais la problématique de la qualification olympique des -81kg n’a pas évolué après ce Grand Chelem. Et il ne reste que trois évènements pour aller chercher les précieux points pour avoir sept masculins à Tokyo (Championnats d’Europe, Grand Chelem de Kazan et championnats du monde). Plus inquiétant, si on met de côté Khyar, on a senti une bonne volonté évidente et louable mais souvent insuffisante à cause d’un écart de niveau avec les meilleurs judokas étrangers (sur le rythme en particulier) ou même des erreurs, face à des combattants parfois modestes, qui se payent immédiatement comptant.

2) L’Italie et du Canada sur une excellente dynamique

À Tbilissi, l’équipe de Nicolas Gill avait fini deuxième nation. Troisième hier soir. Une tournée européenne rondement menée avec le titre de Christa Deguchi vendredi, qui bat pour la sixième fois sa compatriote Jessica Klimkait. Arthur Margelidon enchaîne deux médailles de bronze, Catherine Beauchemin-Pinard l’or et le bronze. Il y a une semaine Shady El Nahas montait sur la première marche. En clair, l’équipe canadienne a de solides arguments à faire valoir en -57kg, -63kg, -73kg, -81kg et -100kg.
Même constat avec l’Italie : quatrième nation en Géorgie, l’équipe transalpine termine première ici à Antalya. Grâce au titre de Fabio Basile (premier titre en Grand Chelem) et de sa -48kg, Francesca Milani qui, après l’argent de Tbilissi, arrive comme une fusée dans les qualifiées pour Tokyo. Une équipe italienne de plus en plus complète, avec chez les masculins, une triplette Manuele Lombardo (n°3 mondial), Fabio Basile, Christian Parlati (vainqueur à Tashkent, 2e avant-hier) qui fera partie des candidats, au minimum, au podium olympique. Chez les féminines, outre Milani, qu’il va falloir désormais suivre, il y a toujours (et plus que jamais) sa vice-championne olympique 2016 Odette Giuffrida.

3) La stratégie japonaise en question ?

Cinq engagés, quatre podiums, deux victoires, deux médailles d’argent. Statistiquement, la prestation japonaise lors de ce Grand Chelem est conforme aux attendus. Pourtant, la prestation des quatre masculins a confirmé pour certains les doutes quant au choix fait par le comité de sélection nippon de confirmer celle-ci après le report des JO de Tokyo. Il y a d’abord la défaite de Shoichiro Mukai dès le premier tour contre l’Algérien Benamadi (35 ans et 30e mondial) mis en comparaison avec la victoire de Kenta Nagasawa à Tashkent. Il y aussi la prestation (très) poussive de Hisayoshi Harasawa, battu nettement par Tamerlan Bashev en finale. Le vice-champion du monde qui ne donne pas l’impression de pouvoir élever très fortement son niveau global. Là encore, la comparaison avec Kokoro Kageura, vainqueur lui en Ouzbékistan, fait naître inévitablement des interrogations. En -100kg, Aaron Wolf arrive lui aussi en finale. Il met un superbe uchi-mata en demi-finale à son adversaire ouzbek. Mais prend un waza-ari contre le Turc Sismanlar, le Dominicain Medina (!) et se fait piquer au sol par le Russe Adamian, qui à quelques secondes près s’imposait par ippon ! Enfin en -66kg, la marge de Hifumi Abe n’est indubitablement plus celle qu’il avait en 2017 et 2018 avec le reste du monde. C’était clair depuis Paris 2019. Même impression encore à Düsseldorf en 2020. Et encore hier. Il faut toutefois mettre au crédit du double champion du monde sa formidable ténacité mentale (il ne craque jamais) et sa faculté à toujours trouver une solution technique aux problèmes posés par des adversaires passifs et attendant le contre.
Une prestation d’ensemble  – du moins pour les masculins – qui aura ainsi montré un manque de repères assez net. Une impression liée aux peu de sorties depuis la reprise du circuit international en novembre ? Quoiqu’il en soit, des doutes commencent à poindre quant à la stratégie nipponne d’avoir choisi ses sélectionnés olympiques aussi tôt. Le manque de pression, du fait que désormais il n’y ait plus de concurrence, a-t-il joué sur l’envie affichée ? Le choix de sortir peu va-t-il être questionné et remis en cause ? Ou au contraire maintenu ? Naohisa Takato devrait normalement être aligné aux Jeux d’Asie qui débutent demain. Reste le cas du génie Shohei Ono, absent du circuit depuis sa victoire à Düsseldorf il y a plus d’un an maintenant.
Pour les championnats du monde, le Japon a décidé d’aligner sans surprise tous ses remplaçants olympiques, malgré la défaite de certains lors des championnats du Japon ce week-end (Hashimoto face à Ken Oyoshi ou Sotaro Fujiwara face à l’excellent Takeshi Sasaki).
Et à moins d’aligner son équipe olympique entière à Kazan, on ne reverra plus les titulaires pour Tokyo avant fin juillet.