Après cinq Grands Prix, un premier Grand Chelem pour la n°1

La rumeur avait bruissé : le Grand Chelem de Bakou allait être une répétition du championnat du monde. C’était en effet les deux meilleurs Japonais, chez les filles comme chez les garçons, qui semblaient devoir être engagés ce week-end. Finalement, l’encadrement nippon avait joué tactique en se réservant la possibilité de le faire, et puis, à quelques jours des débuts, avait retiré à peu près tout le monde, ne gardant chez les hommes que deux candidats en -90kg. Restait tout de même une grosse équipe féminine, avec six leaders présentes, dont cinq sélectionnées pour les championnats du monde de cet été à Tokyo. 

Et pourtant, au vendredi soir, c’est une forte délégation brésilienne qui menait haut la main devant le Japon et ses deux finales perdues, avec deux titres brillants. Le premier pour la championne olympique -57kg, Rafaela Silva, particulièrement percutante, avec un uchi-mata très haut qui disposait de la Française Receveaux et un contre venimeux qui surprenait la très forte championne du monde japonaise Tsukasa Yoshida. Le second titre brésilien allait l’étonnant Felipe Kitadai, trente-trois ans et 33e de la catégorie en -60kg, souverain ce jour-là sur son formidable morote-seoi-nage. À l’approche des championnats du monde, la délégation brésilienne semble bien avoir passer un cap. 
Le Japon perdait encore une finale ce vendredi, et c’était en -52kg, avec Ai Shishime, championne du monde 2017 et finaliste battue en 2018 par Uta Abe, en or au dernier Grand Chelem de Paris. Défaite plutôt rare pour la championne japonaise qui ne s’était plus inclinée depuis trois ans que contre sa rivale nippone … Contre qui cette fois cette défaite ? Contre Amandine Buchard, parvenue en finale avec beaucoup d’assurance, et en tentant souvent notamment l’étranglement adopté par Clarisse Agbegnenou. Finale qu’on espérait passionnante, les deux combattantes restant sur un unique combat en juillet 2018 à Zagreb, emporté par la Japonaise. Malheureusement cette finale allait tourner court. La Française, qui avait jusque là bien contrôlé le ne-waza formidable de Shishime, se lançait dans une séquence tonique conclue par son habituelle kata-guruma, séquence qui mettait en danger la Japonaise… et l’empêchait aussi de reprendre le combat, manifestement durement touchée à la cheville.  Elle-même frustrée d’un gros test bien venu pour elle, Amandine Buchard allait chercher Shishime pour la conduire hors du tapis et la remettre aux mains de la coache Tomoko Fukumi. Un beau geste, une grosse compétition et une nouvelle médaille d’or pour la n°1 mondiale, une première en Grand Chelem après cinq victoires en Grand Prix, qui renforce sa position et montre une nouvelle fois qu’elle aura peu de rivales pour l’or à Tokyo. L’une de ces rivales, Ai Shishime, est sortie sur une jambe ce vendredi, et il faudra attendre un peu pour savoir si celle qui devait doubler la catégorie à Tokyo pour le Japon, aura finalement les moyens de le faire.

Receveaux, classe mondiale

De l’or pour Amandine Buchard en -52kg, du bronze pour Hélène Receveaux en -57kg, sans doute soucieuse de montrer qu’elle méritait une sélection européenne. Nettement battue par la Brésilienne, elle dominait en repêchages aux pénalités la Mongole Sumiya Dorjsuren, championne du monde 2017 et juge de paix de la catégorie, et l’Allemande Theresa Stoll, médaillée européenne 2017 et 2018. Dans la douleur, mais une vraie performance mondiale.
Mélanie Clément était attendue en -48kg après sa grosse performance en Géorgie fin mars. Cette fois cependant la grande Française était efficacement contrée sur les mains par l’expérimentée Espagnole Julia Figueroa, puis, en repêchages, par la Brésilienne Gabriela Chibana, les deux filles parvenant à passer en dessous pour lui marquer waza-ari. Ce n’est pas une surprise, il faudra continuer à travailler pour reconduire régulièrement une performance du niveau de son tournoi de référence. Rendez-vous est pris à Minsk pour les Jeux européens à partir du 21 juin. 

Khyar, cinquième

On attendait aussi avec beaucoup d’intérêt l’équipe masculine française, ce qui, en soit, est déjà une bonne nouvelle, après les bons signes perçus en mars et en avril. En -60kg, tandis que Romaric Bouda se faisait surprendre au second tour par un sutemi dynamique du Bulgare Gerchev (32e), Walide Khyar montrait une nouvelle fois de belles dispositions en battant notamment le Géorgien Jaba Papinashvili, 35e mondial, troisième au Maroc et en Géorgie, mais il était battu par les deux « top 10 » de son tableau, l’Espagnol Garrigos, – qui le contrait joliment sur une tentative de ura-nage — et le rugueux Mongol Dashdavaa, qui le contrait durement sur une attaque à peine ébauchée. Une étape encore à franchir pour le leader français pour viser un podium mondial. 
Malheureusement, la belle série de Kilian Le Blouch en -66kg prend fin sur ce Grand Chelem dès le premier tour. Le vainqueur des Open du Portugal et d’Italie, du Grand Chelem de Russie, devait s’incliner aux pénalités face au Slovène Adrian Gomboc, 12e mondial, qui se battait sur les mains jusqu’au bout. Une occasion manquée pour le Français.

Denis Vieru, on adore !

À l’étage au-dessus, ce Grand Chelem était dominé en -66kg par l’homme du moment, le formidable Denis Vieru, un jeune Moldave au judo lumineux qui est non seulement formidable d’efficacité, mais qui a en plus la qualité « japonaise » de mettre de l’élégance dans tous ses mouvements. C’est ainsi qu’il bat la légende ukrainienne Zantaraia sur un ashi-gururma splendide, qu’il fait briller une nouvelle fois son avant-arrière lumineux, et qu’il plante en finale l’Azerbaidjanais Shikalizada sur une sorte de yoko-guruma debout à la fois original et classieux. L’homme à suivre, de toute urgence.