Défaite de Riner, le bilan positif des Françaises, …

Alors que ce Grand Chelem de Paris 2020 s’achève, retour en cinq points sur les faits marquants de cette compétition.

Le uchi-mata sukashi victorieux de Kageura sur sa majesté Riner.
Crédit photo : Emmanuel Charlot/EDJ

1) La défaite de Riner

C’est évidemment l’évènement qui marquera pour l’histoire cette édition 2020. Dans les travées de l’AccorHôtels Arena, tout les spectateurs ne parlaient que de ça lors de la pause avant le bloc final. Cent cinquante quatre victoires consécutives depuis 2010 et une défaite sur Kokoro Kageura en 1/8e de finale ce dimanche 9 février pour le double champion olympique. Vécu comme un « soulagement » dans ses propos dispensés à chaud, cette défaite doit-elle inquiéter ? Une réponse tranchée, à ce stade de l’année, n’aurait pas grand sens. Toutefois, on peut tout de même remarquer la différence d’état de forme entre aujourd’hui et ce qu’avait montré Teddy Riner lors du Grand Chelem du Brésil où il avait battu le même Kageura et s’était montré intraitable contre Lukas Krpalek, le champion du monde en titre. A-t-il préparé cette compétition avec la détermination qui convenait ? L’équilibre que le champion tente de trouver entre l’entraînement et ses divers activités est-il désormais pris en défaut ? Et cette défaite est-elle l’occasion d’un rebond, comme on l’affiche avec optimisme dans son entourage, ou une première brèche ? Le signe d’un effritement ?
Sa prochaine compétition sera évidemment scrutée de très près.Ce sera sans doute sur le Grand Prix du Maroc. Tout le monde, ses adversaires, mais peut-être aussi ses proches… et même lui, attendent désormais de voir comment l’immense champion va digérer cette première défaite depuis 2010. Il était regardé comme l’invincible, dans quinze jours au stage de Düsseldorf, il sera celui qu’on peut battre. Il n’est pas dit que le Français se sente plus à l’aise dans ce rôle.

2) Le bilan positif des Françaises

Avec cinq médailles dont trois titres, le bilan statistique de l’équipe féminine se situe dans le haut du panier sur les dernières années. Trois victoires, ce, n’est pas tout les ans ( 2001, 2004, 2013) et quatre c’est encore plus rare.
Un résultat en forme de confirmation que l’équipe de Larbi Benboudaoud, Séverine Vandenhende et Lucie Decosse sera particulièrement redoutable à Tokyo : Clarisse Agbegnenou continue à se montrer intouchable pour ses adversaires. Madeleine Malonga confirme, avec ce second titre consécutif à Paris qu’elle est la leader d’une catégorie où la concurrence est féroce et performante, mais face à laquelle elle a désormais réglé a question. La nouveauté triomphante, c’est Romane Dicko, désormais lancée à pleine vitesse pour retrouver sa place de locomotive en +78kg, abandonné momentanément sur blessure après son titre européen en 2018. Si des doutes avaient pu commencer à poindre après ses prestations à Amiens et à Osaka, celles de Tel-Aviv il y a deux semaines et d’aujourd’hui, à Paris ce dimanche, prouve que la Française est revenue dans le gotha mondial de la catégorie, ajoutant un nouveau fer de lance à cette équipe d’acier. A noter aussi la médaille de Mélanie Clément qui donne toujours plus d’épaisseur à l’image de judokate fiable et capable de monter sur les podiums de toutes les compétitions auxquelles elle participe qu’elle s’est forgée. Dernier point positif : la crédibilité de plus en plus évidente de Shirine Boukli à se hisser au meilleur niveau des tournois du circuit IJF, après sa finale à Tel Aviv deux semaines plus tôt. Elle ne termine certes que 5e samedi, mais en ayant fait souffrir comme rarement elle l’a été la double championne du monde ukrainienne Daria Bilodid. C’est l’une des réserves de ce Grand Chelem du côté féminin : hormis la judokate du FLAM 91, aucune combattante de sa génération n’émerge depuis plusieurs mois au sein de cette équipe. La seconde se situe dans la relative- contre-performance des 70kg. Marie-Eve Gahié termine au pied du podium. Mais elle avait déjà fini à la 5e place l’année dernière avant d’être sacrée au niveau mondial… C’est peut-être plus inquiétant pour Margaux Pinot qui était finaliste, elle, en 2019 et sort cette fois rapidement.

3) Axel Clerget sauve (à nouveau) le judo masculin

L’année dernière, et pour la première fois de son histoire, le judo masculin français repartait bredouille de son Grand Chelem. Une situation qui a failli se répéter… malgré la présence de Teddy Riner. En effet, Axel Clerget, le double médaillé mondial (2018 et 2019), sans être visiblement dans un état de forme optimale, trouve les ressources pour s’offrir une médaille de bronze face au champion du monde en titre, le Hollandais Van T End, qui l’avait battu lors de leurs dernières rencontres.
Un résultat en forme, malheureusement, de confirmation que le judo masculin français connaît une phase descendante, qui dure. En 2016, les masculins français remportaient quatre médailles dont un titre (Cyrille Maret). En 2017, c’était quatre médailles mais pas de titre. En 2018, trois médailles de bronze.
Autre chiffre significatif – et assez cruel – : si on met de côté Clerget, aucun combattant tricolore n’aura remporté plus de deux combats consécutifs à ¨Paris. Au total, sur les vingt-huit engagés, le bilan est de trente combats gagnés en tout et pour tout. Un Grand Chelem 2020 qui n’a apporté que peu d’indications… ni frémissements.

4) Le Japon « petit » leader

Avec une moyenne de cinq titres sur les dernières années, les trois victoires japonaises de ce week-end mette place le bilan en-dessous de l’étiage habituel. Mais on remarquera qu’aucun n°1 nippon n’était présent à Paris. Au niveau individuel, Ryuju Nagayama qui aura survolé la catégorie des -60kg hier, met clairement la pression sur son « sempai » (aîné) à l’université de Tokai, Naohisa Takato. Idem en -70kg où Yoko Ono, fait le doublé Osaka/Paris cette saison et va rattraper à la ranking-list la double championne du monde 2017 et 2018, Chizuru Arai. En -100kg, Kentaro Iida, vainqueur du Grand Chelem brésilien et l’un plus grands talents du judo nippon de ces dernières années, gâche sans doute définitivement ses chances de croire encore à une sélection olympique, la faute à une nonchalance assez inexplicable qui lui faisait essuyé une étonnante défaite devant le Français Clément Delvert ! Enfin en +100kg, Kokoro Kageura, si il va rester comme l’homme qui a battu Riner, déçoit paradoxalement en ne montrant pas la capacité de s’imposer nettement et régulièrement face aux étrangers, comme sa défaite face à Henk Grol en finale le prouve.

5) Où va le tournoi de Paris ?

Si le public a répondu comme d’habitude présent, et même encore plus cette année avec la présence du héros français, un questionnement commence à poindre sur l’attractivité de l’évènement parisien. En effet, les meilleurs Japonais seront sans doute en Allemagne, tous comme les Russes et les n°1 Coréens (An Changrim, Gwak Donghan, Cho Gunham), etc. Certes le nombre de participants (683 au total) atteint un niveau très satisfaisant (570 en 2019). Mais un nombre non négligeable de combattants classés parmi les dix meilleurs de la ranking-list de leur catégorie avaient décidé de faire l’impasse sur l’évènement parisien. Si l’on ajoute un arbitrage plus que jamais obsédé par la sanction (après calcul, environ un tiers des combats de la phase finale, ce week-end, s’est terminé par un hansokumake) on se dit que cette édition 2020, particulièrement hier, restera comme une cuvée moyenne au niveau des moments « judo » qu’on racontera dans les jours, mois ou années à venir.