On se souvient de la bataille qui a opposé la fédération internationale et la fédération française de judo à l’époque. En invoquant la nécessité d’aller vite, la FIJ avait confisqué son fameux week-end à la France pour le donner à la Russie. Après protestation, la Fédération Française de Judo avait obtenu non seulement la confirmation de son tournoi fétiche en février, mais aussi l’organisation d’un tournoi surnuméraire en cette année 2021 après les Jeux, en octobre. Nous y voici.

Bien sûr, le public peut s’interroger. Faut-il se rendre à ce tournoi de Paris d’octobre ? Faut-il attendre février ? Faut-il profiter des deux ? Objectivement, en ce début d’année sans doute compliqué pour beaucoup de clubs, beaucoup de familles, la question se pose. Quel intérêt sportif, aussi, présente-t-il, ce tournoi ? Encore une question légitime.

À l’Esprit du Judo, nous pensons pourtant qu’il est essentiel d’aller tous ensemble à Bercy le week-end prochain, et voici nos cinq (bonnes) raisons.

1 Parce que le Japon sera là

Alors que le Pays du Soleil Levant, encore tout essoufflé d’avoir dû organiser les jeux olympiques, se referme, renonce à organiser ses grands rendez-vous sportifs et notamment son Grand Chelem de Judo en décembre, alors qu’il n’est pas venu aux championnats du monde juniors, il nous fait néanmoins l’amitié et le plaisir d’envoyer une délégation, et non des moindres (voir par ailleurs). Ceux qui seront là auront le privilège de voir les jolies jongleries d’une jeune génération dont il est clair que certains sont déjà sur la rampe de lancement et seront peut-être les stars de demain. Ça se regarde avec plaisir et on peut même aller jusqu’à dire merci : le Japon a dépassé ses préventions actuelles pour les contacts internationaux pour assumer ses responsabilités vis-à-vis du « pays frère » en judo, la France, alors qu’il n’y avait pas urgence à prendre l’avion pour l’Europe. La moindre des choses est de lui envoyer un signal positif en allant les applaudir.
Ils ne seront pas seuls, le plateau nous offrira des combattants non seulement prestigieux, mais aussi spectaculaires, comme le Moldave Denis Vieru en -66kg, qui nous avait enchanté en l’emportant en 2019, les deux formidables finalistes mondiaux en -81kg, le Belge Matthias Casse et le Géorgien Tato Grigalashvili, ou les magnifiques Russes déçus de Tokyo, le -100kg Arman Adamian et le +100kg Inal Tasoev.

2 Parce que nos jeunes seront engagés… et Cyrille Maret aussi

Bien sûr, vous ne verrez pas beaucoup d’ « Olympiens » français, sinon la -48kg Shirine Boukli, sortie au premier tour à Tokyo, qu’il faudra encourager comme elle le mérite, et le -73kg Guillaume Chaine, champion olympique par équipes. Pas de Clarisse, pas de Teddy, pas de Luka… Trop tôt pour eux. Mais c’est justement l’occasion de mettre la lumière sur les autres, et en particulier les plus jeunes, que cette sélection met résolument à l’honneur. Avec de beaux enjeux en perspective en -60kg par exemple, catégorie désertée par Walide Khyar (inscrit en -66kg) avec le tout nouveau médaillé mondial juniors Romain Valadier-Picard, mais aussi Maxime Merlin, récent vainqueur de son premier Open et sélectionné pour le championnat d’Europe -23 ans, face à Jolan Florimont et Richard Vergnes. Les médaillés juniors récents seront là, dont les deux nouvelles championnes du monde Chloé Devictor en -52kg et Coralie Hayme en +78kg, catégorie où on retrouvera aussi la triple championne d’Europe juniors (et médaillée mondiale) Léa Fontaine. À l’honneur encore les Joan-Benjamin Gaba (-73kg, 20 ans) ou les Francis Damier (-90kg, 19 ans), déjà sélectionnés en équipe de France seniors pour l’épreuve par équipes des championnats du monde 2021 à Budapest.
Il ne faudra pas non plus en oublier les « anciens », dont les stars Audrey Tcheumeo (-78kg), déjà quatre fois victorieuse du Grand Chelem de Paris, et Cyrille Maret, triple vainqueur. Le Bourguignon qui fut tant d’années l’un des plus sûrs piliers de l’équipe de France revient à Paris après son grave accident de circulation et la rééducation qui a suivie. Il ne fait pas forcément son dernier tournoi de Paris, le suivant est en février, mais à 34 ans, il n’en fera plus beaucoup. Inscrit en +100kg, il est là pour voir si il n’a pas encore un championnat du monde à aller chercher, mais peut-être avant tout pour se faire plaisir, et nous faire plaisir. Au public parisien de répondre présent.

3 Parce que ce sont les 50 ans du tournoi !

En 1971, le tournoi de Paris naissait en beauté, avec la première visite japonaise sur nos terres, et la découverte du grand Shozo Fujii. Cinquante plus tard, le rendez-vous parisien est devenu l’affiche la plus prestigieuse, parce que Paris, parce que son public, et aussi pour la fidélité japonaise. La France aime les symboles et ce jubilé magnifique, c’est cette année, pas l’année prochaine ! Venir ce week-end participer à la fête du judo français – et on nous laisse entendre qu’il y aura quelques surprises — c’est plutôt une bonne idée.

4 Parce que ce sera intéressant sur le plan sportif

Bien sûr, les points distribués à Paris en ce mois d’octobre 2021 ne compteront plus dans deux ans, pour la sélection olympique à venir… Mais la pré-campagne pour obtenir les meilleurs places en tête de série aux Jeux commence tôt, très tôt, et même dès maintenant. Il s’agit d’un Grand Chelem à aller prendre d’assaut, et les nombreux points distribués seront malgré tout décisifs pour lancer une carrière en permettant à ceux qui auront l’audace et les moyens de prendre une médaille, non seulement de mettre une ligne précieuse à leur palmarès, mais aussi de s’installer plus haut dans la ranking et d’avoir ainsi, par la suite, des tirages moins compliqués à gérer et donc d’autres options de bons résultats. Et il y a les jeunes d’avenir, mais aussi ceux qui sont restés jusque là au second plan et auront une très belle opportunité de prendre la belle médaille et, peut-être, un nouvel élan de carrière. En fait, pour la plupart des sélectionnés français, ce tournoi de Paris de l’entre-deux sera très important. Cela vaut le coup de suivre ça de près.

5 Parce que c’est le moment de réaffirmer la force du judo français

Comme on l’a dit, le judo japonais ne pourra pas assurer son « show » habituel en décembre, le Brésil est absent aussi, et le calendrier mondial 2022 s’écrit aujourd’hui en pointillés. Le système mondialisé des tournois de la ranking mis en place par la FIJ ressemble désormais à une peau de chagrin, à un camp retranché autour des pays sur lesquels le président Marius Vizer peut encore compter pour tenter de maintenir son modèle, la Hongrie où siège la Fédération Internationale de Judo, et ses alliés les plus forts, Ouzbekistan, Abou Dhabi, peut-être la Russie… Il est temps de rappeler que la France, qui a été objectivement maltraitée il y a quelques mois en se voyant retirer son droit d’organiser son Grand Chelem comme elle souhaitait le faire, est plus que jamais le grand pays de judo essentiel, celui qui concentre toujours la plupart des éléments de puissance légitime qui rappellent sa dimension socle, son incontournable force… à commencer par un public ! Le Japon fait faux bond en décembre, la France assume un rendez un octobre et le suivant en février, c’est un symbole. Allons montrer au judo mondial, que la France reste un phare. C’est le moment.