Dernier Grand Chelem de cette année 2022, l’événement tokyoïte, de retour dans la capitale nipponne depuis 2017, avait décidé d’innover :
une organisation sur deux jours (une requête de longue date de la fédération japonaise) et un choix des catégories original puisque les plus fournies (-57kg, -63kg, -70kg, -73kg, -81kg, -90kg) combattaient le samedi. Les huit dernières ce dimanche. Conséquence : une journée à rallonge qui se terminait aux alentours des 20h30.
Un Grand Chelem marqué également par l’absence des trois stars masculines nipponnes, champions olympiques il y a un an : Naohisa Takato, Hifumi Abe et Shohei Ono. Étoile montante, Tatsuru Saito,vice champion du monde cette année, avait dû également déclarer forfait pour blessure. Si le monde judo nippon critiquait l’absence des deux premiers, qui prétextèrent un manque de temps de préparation suite aux championnats du monde mi-octobre, ce dernier répondait présent avec deux jours où les places au sein du Tokyo Metropolitan Gymnasium étaient chères. Une belle réussite pour la fédération japonaise, y compris – mais on s’y attendait – sportive.
1) Son caractère routinier atténue à tort ce formidable fait : ce week-end, le Japon remporte douze des quatorzes catégories, douze des quatorze médailles d’argent et quinze médailles de bronze. Soit 70% des cinquante-six médailles en jeu ! Stratosphérique. Si on ajoute les onze classés, cinquante des cinquante-six Nippons engagés finissent classés.
La majorité des champions nippons présents n’ont pas flanché : on pense à Uta Abe, Akira Sone, Joshiro Maruyama ou Soichi Hashimoto, en or ce week-end et qui ont validé leur ticket pour les championnats du monde de Doha, en mai prochain. Abe et Sone sont invaincues depuis 2019, Maruyama ne perd que contre Hifumi Abe (sa dernière défaite contre un autre que lui date des Jeux d’Asie 2018, contre an Baul). À un degré moindre, Haruka Funakubo et Saki Niizoe ont confirmé qu’elles tenaient fermement les rênes du leadership en -57kg et -70kg.
Et puis il y eut aussi des révélations : la jeune Kano Miyaki, victorieuse en -48kg, la catégorie de la double championne du monde Natsumi Tsunoda. Miyaki ? Championne du monde cadette en août, ses seoi-nage (elle bat Blandine Pont en huitième de finale sur morote-seoi-nage) auront transpercé toutes les défenses du jour, y compris celles de ses compatriotes Wakana Koga et Rina Tatsukawa.
Kosuke Mashiyama est lui plus connu. Choisi comme titulaire aux championnats du monde en octobre dernier en -90kg, il s’était fait battre au second tour par le champion olympique géorgien Lasha Bekauri. Hier, il vainquit enfin le signe indien, battant l’incroyable combattant en demi-finale aux pénalités lors d’un duel phénoménal ! Pour l’or, il enroule Eduard Trippel (vice champion olympique) sur un mouvement d’épaule parti debout.
Le judoka de Park 24 qui n’a, mine de rien, perdu que quatre combats depuis 2018… dont trois contre Lasha Bekauri et à chaque fois lors de championnats du monde : 2022 donc, mais également 2018 et 2019 chez les juniors. Dans une catégorie qui se recherche un leader solide, cette victoire pourrait donner l’occasion à Mashiyama de s’imposer comme le n°1 si un résultat à Doha était au rendez-vous.

Dernier nom à cocher, celui de Kenya Kohara. Lui aussi à Park 24, cet ancien capitaine de Tokai se montre le plus fort en -81kg, se permettant de disposer de Takanori Nagase, champion olympique en titre, en finale. Un sumi gaeshi subtil. En argent ici-même en 2018, ce gaucher classique est-il en train de passer un palier et de faire de cette saison celle où il viendra se mêler à la lutte pour le leadership de la catégorie ? Sa dernière sortie remontait à 2019 lors du Grand Chelem de Paris. Ce dimanche on peut dire que Kohara a su formidablement profiter de l’occasion qu’il lui était donnée.

2) La France clôt cet événement avec trois médailles de bronze : Léa Fontaine en +78kg, Maxime Gobert en -66kg et Alpha Djalo en -81kg. Ajoutons les cinquièmes places de Coralie Haymé (+78kg) et Aurélien Diesse (-100kg), qui aura tout de même battu le vice champion du monde 2022 canadien Kyles Reyes, et la septième place de Nicolas Chilard (-81kg).
Une bilan plus qu’honorable donc pour les groupes de Christophe Massina et Baptiste Leroy. Chez les masculins, il faut revenir à 2016 pour trouver trace de deux médailles masculines tricolores (l’argent pour Axel Clerget et Cyrille Maret). Une prestation globale marqué par des victoires face à des combattants nippons : Alpha Djalo face à Takeshi Sasaki (visiblement blessé à la jambe gauche), Léa Fontaine face à Wakaba Tomita. Mention spéciale à Maxime Gobert qui bat Ryoma Tanaka (vainqueur à Paris en octobre 2021 et vice champion d’Asie 2022) en repêchages puis Takeshi Takeoka (vice champion du monde juniors 2019) pour le bronze ! Une journée de costaud pour le judoka de l’OJ Nice, champion d’Europe -23 ans fin octobre et dont la superbe prestation ce dimanche lui servira sans doute de référence.

3) Le Coréen Jeon Seugbeom et l’Italien Gennaro Pirelli ont donc empêcher le Grand Chelem nippon à domicile. Coup de coeur pour le premier, qui offrit, avec Hayato Kondo, une finale de feu en -60kg. En argent à Paris au début de l’année, le judoka du Pays du Matin Calme, 15e mondial, bourreau de Romain Valadier-Picard en éliminatoires, place un magnifique sode-tsuri-komi-goshi au golden score. Vif, incroyablement explosif même, il sera à suivre dans les prochains mois.
Pirelli, lui, réalise une journée de rêve puisqu’il bat trois Japonais dont le champion olympique Aaron Wolf en huitième de finale, Kotaro Ueoka en demi-finale et Kentaro Iida en finale. Trois victoires aux pénalités dans un style très tactique et parfois agaçant. Attaquant systématiquement avec un bout de manche, parfois en lâchant les mains, l’Italien joue parfaitement – ou cyniquement c’est selon – avec un règlement qui privilégie l’activité à la recherche du ippon. Prisonniers de cette voie choisie par l’arbitrage mondial, les arbitres ont donc systématiquement privilégier de sanctionner ses adversaires, qui s’ils mettaient parfois trop de temps à lancer leurs attaques – particulièrement Kentaro Iida – avaient au moins le mérite de chercher à construire de vraies séquences. Reste que monté de catégorie depuis septembre, Pirelli se souviendra sans doute longtemps de ce dimanche !