L’Ukrainienne Turchyn domine Malonga et Camara

La deuxième journée de ce Grand Prix géorgien fut surtout marquée par la finale des -81kg entre le Russe Khubetsov et le Brésilien Penalber. Trente-cinq secondes encore au compteur quand le Russe, auquel on avait déjà refusé un contre qui aurait largement mérité un waza-ari, plante nettement le Brésilien sur un sode à une main. Ensuite ce fut encore trente secondes pathétiques pendant lesquelles l’arbitre mongole, totalement déstabilisée, donna d’abord le ippon, puis deux fois un shido au Brésilien stupéfait, avant de le donner au Russse pour « saisie sur la jambe »… En fait un contrôle naturel de la deuxième main sur les hanches de Penalber au moment où ce dernier flottait dans les airs. Problème, le Russe venait d’écoper la seconde d’avant d’une deuxième pénalité pour non-combativité, sans justification particulière. Il était disqualifié ! 

La « faute » de Khubetsov sur Penalber en finale des -81kg / Officiel IJF

Quand on pense que cette interdiction a été conçue pour empêcher les « lutteurs » de faire des ramassements de jambe, on se demande comment on a pu en arriver là. Et surtout comment on peut continuer à tolérer un arbitrage qui se dévalorise avec ce type de situation, qui dévalorise le judo aux yeux du public peu averti et qui laisse une impression de malaise aux judokas. A un moment, c’est trop. Il serait temps de faire sortir le Père Ubu du dojo. Il serait temps aussi de se rappeler que le judo a toujours fonctionné avec les ramassements de jambe jusqu’en 2009 et que cela n’a pas empêché les Nomura, Inoue et tous les héros de la galaxie (judo) de vaincre leurs adversaires aux habitudes de lutteur.  Qu’on les aime ou pas, les saisies sur la jambe font partie de l’arsenal du judo, c’est comme ça. Avoir cru qu’on allait gagner quelque chose en prétendant le contraire était une erreur et il serait temps de le reconnaître. Il serait temps aussi de se rappeler que l’abitrage est capable, sans cette règle, de signifier à ces « lutteurs » qu’ils doivent respecter les principes du judo, lesquelles n’interdisent pas de toucher les jambes de l’adversaire, disons-le une seconde fois pour bien se l’enfoncer dans le crâne. On a le droit de faire sukui-nage ou kata-guruma, c’est dans le gokyo. Et si c’est encore trop tôt pour en revenir, on pourrait, au minimum, sortir du délire actuel en sachant faire la différence entre une saisie directe aux jambes pour faire tomber, et d’autres situations comme celle-ci, qui n’ont rien à voir avec le type de techniques qu’on souhaitait prohiber.
En attendant, Alan Khubetsov, malgré ce ippon réussi, se voit privé d’or et de la jolie passe de trois qu’il avait réussi : victoire ici en 2015, 2016 et 2017. Mais en fait non, pas 2017…

Turchyn, c’est costaud

Pour les Français, c’est la troisième journée, celle du dimanche, qui avait le plus de relief, avec la présence des deux combattantes dans le sillage d’Audrey Tcheumeo en -78kg, Madeleine Malonga et Samah Hawa Camara. La seule combattante du « top 20 » présente étant Madeleine Malonga elle-même, on ne voyait pas très bien qui allait empêcher les deux « engins » français de conquérir or et argent, dans un ordre aléatoire. C’est l’Ukrainienne Anastasiya Turchyn qui s’est donnée le beau rôle. Cette gauchère de tout juste 22 ans a gagné récemment le championnat d’Europe -23 ans. Jusque là discrète en tournoi, elle montre l’étendue de ses progrès en épuisant en demi-finale Madeleine Malonga – laquelle a du mal avec la quatrième minute depuis son retour de blessure. Dommage pour Malonga qui lui avait placé d’entrée un beau o-uchi-gari en cercle dont elle a le secret, celui qui allait lui permettre de prendre le bronze à la Néerlandaise Groenwold. Dommage aussi pour Camara, qui pouvait, en battant l’Ukrainienne en finale, distancer Malonga sur ce tournoi et prendre un nouveau statut. Mais elle butait elle aussi sur la forte garde de gauchère de cette Ukrainienne volontaire et puissante, qui la dominait pour la deuxième fois, après une victoire, déjà, au Grand Chelem d’Abou Dhabi. Deux Françaises sur le podium et deux médailles, mais pas d’or. Et ce n’est jamais une très bonne journée quand on voit s’affirmer une nouvelle adversaire. 

Le Brésil pour finir

Tbilissi 2017 aura eu l’intérêt de faire découvrir l’équipe « deux » géorgienne, les Lukhumi Chkhvimiani (1e en -60kg), les Lasha Giunashvili (1e en -66kg), ou encore Ushangi Margiani (3e en -90 kg), dans laquelle on serait tenter de mettre le titan vieillissant Adam Okroashvili (+100kg). Mais c’est lui qui se faisait remarquer devant son public ravi, en gagnant sur le gong sa demi-finale contre le Brésilien Moura et en puissance sa finale contre l’Ukrainien Bondarenko. Au premier tour, il avait pourtant failli sortir du jeu d’entrée face à la vieille gloire Alexander Mikhaylin, qui lui marquait waza-ari au sol avant de prendre trois pénalités. Okroashvili a encore du jus.
Les Géorgiens l’emportent chez les garçons avec trois médailles d’or, juste devant la Russie, qui prend deux médailles d’or aujourd’hui avec ses jeunes, l’ancien champion du monde junior Kazbek Zankhishiev en -100kg, et un -90kg de 24 ans, Stanislav Retinskii, qui faisait son tout premier grand tournoi international après un unique Open Européen, celui du Portugal en février (où il est dominé par Iddir). Il bat en finale par juji-gatame l’un des jeunes les plus en vue de la team Gamba, Mikhail Igolnikov, 20 ans, manifestement peu concerné par cette finale russo-russe. 
C’est le Brésil, avec six finales pour trois titres, qui sort néanmoins devant Géorgie et Russie, laquelle perd donc l’occasion de frapper plus fort avec la disqualification de Khubetsov en -81kg.