Six médailles pour la sélection française

Premier Grand Prix post-Budapest, la Croatie, par sa place dans le calendrier, représente une compétition intéressante à plus d’un titre puisqu’elle permet pour les ténors ayant un peu coupé de reprendre en douceur ou pour des combattants numéro deux, trois ou quatre de leur sélection nationale de se faire remarquer alors que la nouvelle saison commence. C’est dans cette optique qu’on peut interpréter la sélection française envoyée dans la capitale croate. Enfin pour dix-huit des vingt combattants tricolores — Loic Piétri n’était finalement pas du voyage, puisqu’il a déclaré qu’il ne se sentait pas prêt. L’exception ? Teddy Riner (PSG Judo), à peine auréolé d’un neuvième titre mondial et déjà sur la brèche mais venu à Zagreb, lui, pour s’éprouver avant le Maroc et le championnat du monde toutes catégories (11-12 novembre, Marrakech).

L’application de Riner

Si le tableau des -100kg offrait une densité de combattants forts digne d’un Grand Chelem parisien, le tirage au sort des lourds proposait de son côté une perspective qu’on croyait définitivement derrière nous : un combat entre Teddy Riner et son dernier vainqueur (lors des CM toutes catégories en 2010 à Tokyo), « Kung-Fu Panda » Daiki Kamikawa ! Très régulier au niveau national mais peu sorti depuis plusieurs années (sa dernière compétition internationale remonte au Grand Chelem de Tokyo, fin 2015), l’un des meilleurs poids lourds japonais de sa génération a encore des fulgurances inimitables, mais n’aime pas le jeu tactique qu’il rencontre à l’international. Tout de même, l’excitation de retrouvailles possibles entre ces deux-là suscitaient une petite impatience. Une hypothèse qui, finalement, ne se concrétisera pas. La faute à Stéphane Hegyi, l’Autrichien qui bat Kamikawa en demi-finale grâce à trois pénalités. Un combattant à qui les Japonais réussissent bien (il avait battu H. Harasawa à Budapest à la surprise générale selon le même principe) et qu’on attendait aussi un peu en finale face à Teddy Riner, puisqu’il était estampillé « petit gaucher gênant », le profil type de l’hypothétique combattant problématique pour le Français, et potentiellement membre de la toute petite confrérie des jeunes « qui n’ont pas peur ». De fait, ce tout jeune vice champion d’Europe juniors de 19 ans (!), qui s’affiche sans problème en futur membre du top 10, en attendant mieux, a joué sa chance à fond. Mais Teddy Riner n’a guère prolongé le suspens. Dominant à la garde, il le lance assez rapidement sur un uchi-mata très pur. La quatrième victoire du jour pour le lourd français, d’une application impressionnante sur le kumikata et dans sa volonté de faire tomber proprement – même si il gagne deux combats sur les quatre par pénalités.

Le retour de Posvite et Allardon

Alors qu’on apprenait ce matin l’absence prolongée de Pape Doudou Ndiaye des tatamis (il va se faire opérer suite à la rutpure du ligament croisé de son genou gauche), la médaille d’argent de Jonathan Allardon (ES Blanc Mesnil) replace tout d’un coup ce dernier dans une position de prétendant au leadership de la catégorie des -81kg, lui qui n’a participé, depuis le début 2017, qu’à deux European Cup. Battu en finale sur un kata-te-jime du Hongrois Attila Ungvari (2e mondial), Allardon réalise un solide parcours, accrochant à son tableau l’Argentin Lucenti, 32 ans, mais 9e mondial après sa finale aux Panams en avril et sa belle victoire au Grand Prix de Cancun en mai, et l’Italien Esposito (45e mondial). À 26 ans, avec sa meilleure performance à ce jour depuis sa cinquième place à Paris en 2014 (et en -73kg), Allardon n’a peut-être pas dit son dernier mot.
Devancée par Emane pour les JO de Rio alors qu’elle était médaillée mondiale 2015 et européenne 2016, Fanny-Estelle Posvite (AJ Limoges) accroche la seconde place ce week-end. De l’argent qui annonce peut-être le retour aux affaires en -70kg de la Limougeaude, 25 ans, elle  est désormais 25e mondiale. Battue par la Brésilienne Limo en finale, alors qu’elle avait gagné ses trois combats par ippon auparavant, dont la Suédoise Anna Bernholm, 13e mondiale, Posvite peut-elle concurrencer Marie-Eve Gahié cette saison ? Un duel à suivre de près.
Derrière médaille d’argent du week-end pour Sama Hawa Camara (RSC Champigny). Dans une catégorie famélique, dix combattantes, la moins fournie de ce Grand Prix, la Campinoise, 10e mondiale et auteur d’une saison 2016-2017 qui l’a vue franchir un palier (3e à Paris, finaliste à Tbilissi) bat dimanche l’Italienne Ferrari et l’Allemande Malzahn (25e mondiale) pour se retrouver en finale face à la Japonaise Shori Hamada. Un combat qui ne durera que huit secondes, le temps pour la Niponne de faire une liaison debout-sol virtuose – rotation du corps pour esquiver la montée du bras de la Française qui en perd l’équilibre, sumi-gaeshi dans la foulée pour finir en ude-gatame. Enorme. Mais une nouvelle belle performance de la Française qu s’affiche en meilleure n°2 officieuse en passant devant une Madeleine Malonga, moins performante depuis ses podiums en février et mars à Dusseldorf (2e) et Tbilissi (3e).
Les deux dernières médailles françaises, en bronze, sont pour Lucile Duport (-48kg, US Orléans Loiret) — qui elle aussi, à 26 ans, joue encore de bonnes cartes pour prendre le leadership encore fragile de Mélanie Clément — et Anne-Fatoumata M’Bairo (+78kg, JC Pontault-Combault) qui domine des combattantes aux alentours de la 20e place. Un total de six médailles dont quatre féminines pour une délégation de dix-huit combattants. Du positif donc, mais aussi l’absnce de médailles d’or féminine et quelques contre-performances, comme celles d’Alexandre Mariac (-66kg) et Guillaume Chaine (-73kg), titulaires des derniers championnats d’Europe, ou de la petite soeur Gneto, Astride (-52kg), qui n’avance plus depuis sa cinquième place au Grand Chelem de Paris en février. Enfin, si on ne peut pas parler de de contre performance dans son cas, l’échec de Joseph Terhec au deuxième tour contre futur vainqueur, le Hongrois Miklos Cirjenics, rappelle le temps perdu de ce double champion de France, souvent blessé (il revient de problèmes à la cheville), qui n’a pratiquement plus rien fait au nivau international depuis sa médaille de bronze au championnat d’Europe junior de 2015. À 22 ans, rien n’est perdu évidemment, mais il est temps que cela s’arrête.

Le Japon devant, la jeune garde brésilienne se montre

A croire que le pays du Soleil-Levant a un réservoir quasi-illimité. A Zagreb, le Japon avait envoyé des numéros trois, quatre, voire cinq. Résultat : toutes les filles sont médaillées et quatre sur six sont en or ! A noter les deux médaillées -63kg (Megumi Tsugane et Nami Nabekura) dans une catégorie absente à Budapest et dont le leadership est actuellement vacant. Si il faudra suivre la confirmation du retour aux affaires de Miku Tashiro (cette dernière a gagné le Grand Prix de Chine en juin), Nabekura et Tsugane seront deux de ses plus sérieuses concurrentes. Côté garçon, c’est Yuki Hashiguchi qui marque des points avec sa victoire en -66kg et renforce sa place de numéro deux japonais (au moins à la ranking-list derrière le génial Hifumi Abe). Autre enseignement de ce Grand Prix, le Brésil donne l’impression de vouloir faire monter une nouvelle génération avec notamment des médaillés mondiaux juniors : Rafael Macedo (champion du monde 2014  en -81kg à Miami), 2e ici en -90kg et Camila Yamakawa (vice-championne du monde en 2015), 5e dimanche en +78kg. Plus âgée, Barbara Timo (26 ans), victorieuse des Universiades en août et donc dimanche pourrait venir jouer les trouble-fête dans une catégorie où Maria Portela semble plafonner.